12 août 2016

Magie imprévue

J'ai toutes les réserves du monde contre le gaspillage éhonté que demandent les Jeux olympiques modernes. Mais ils offrent parfois un moment magique qui vous fait oublier votre sens critique. Je pense particulièrement à l'éblouissante performance sans faute de la gymnaste de 12 ans Nadia Comaneci à Montréal en '76 et à la fabuleuse danse sur le concerto d'Aranjuez du couple de patineurs anglais Torvill-Dean à Sarajevo en '84.
Nous avons eu droit à un autre instant de grâce comparable hier soir à Rio dans le plus improbable des sports: le rugby à sept. J'avais vu avec intérêt plusieurs bons matchs de ce nouveau jeu assez rude mais plein d'action et de rebondissements: les Canadiennes contre les Anglaises, France-Australie chez les hommes... 
Mais dans la finale d'hier contre les Britanniques, les Fidjiens ont surgi comme s'ils débarquaient d'une autre galaxie. Ils ont transformé une dure compétition en un véritable ballet enfantin improvisé, empreint non plus d'agressivité, mais d'imagination et d'élégance, où le ballon ovale voletait comme de sa propre volonté des mains d'un gamin rieur à un autre garçon d'une invraisemblable agileté. 
Les essais marqués en succession (sept en vingt minutes) n'étaient plus le but de l'action, seulement son couronnement naturel... devant des adversaires anglais médusés et comme envoûtés par toute cette grâce insouciante, à qui les vainqueurs, bons princes, ont laissé marquer un but à la toute fin pour leur éviter l'humiliation d'un score de 43 à zéro.
Et pour couronner le tout, cette fraternelle photo de groupe finale où les Fidjiens décorés d'or ont invité les autres médaillés, anglais d'argent et sud-africains de bronze, à se mêler à eux bras-dessus, bras-dessous pour s'offrir un souvenir souriant de cette première présence de leur sport aux Jeux.
Cette seule petite demi-heure valait presque de subir toute la merde qui aura entouré les Olympiques de Rio.