30 septembre 2019

La faute à qui?

Quand Trump et les Républicains accusent les Démocrates de «perdre du temps» sur le processus d'impeachment au lieu de s'occuper des priorités, ils oublient ceci:
1. La dernière année, en particulier, a montré que les agendas législatifs sur l'économie, le social, l'international, l'environnement, etc. sont paralysés par une crise constitutionnelle provoquée presque exclusivement par les actions et les déclarations de Donald Trump et l'ineptie partisane de ses alliés.
2. Le Président, au lieu de chercher à unir les Américains dans des objectifs consensuels, a massivement bloqué les initiatives sur lesquelles des ententes étaient possibles, pour tenter d'imposer par la force un programme de droite: le mur contre l'immigration, les mesures néolibérales d'appauvrissement de l'État, les tentatives de sabrer dans les politiques sociales (santé, retraites, aide aux démunis), le déni de la crise écologique, le refus de s'attaquer à la violence interne par les armes à feu, etc.
3. Le discours présidentiel est volontairement divisif, insultant pour ses adversaires politiques et idéologiques, pour les minorités visibles, pour les femmes... Il est parsemé de mensonges évidents, d'accusations injustifiées, de contradictions, de promesses et de fausses ouvertures trahies.
4. Même si les preuves ne sont pas toujours concluantes, beaucoup des actes présidentiels sont à la limite de l'illégalité, de la malhonnêteté personnelle et politique, de la complicité avec des puissances étrangères pour fausser l'exercice de la démocratie en sa faveur.
Il en résulte un climat où plus personne dans la sphère politique ne fait plus confiance à la sincérité et à l'honnêteté de Donald Trump, même ses partisans inconditionnels. Face à cette situation, il est difficile d'imaginer comment les États-Unis peuvent retrouver un climat politique «normal» et positif sans d'abord faire le pénible exercice de crever l'abcès d'une crise de la loi et des institutions qui non seulement n'est pas une création artificielle des Démocrates, mais s'avère clairement le fait d'un Président sans moralité soutenu par des Républicains qui, par opportunisme, ont renoncé à leur patriotisme et à leur constitutionnalisme traditionnels.
Et les Américains doivent se rappeler que le monde entier surveille ce qui se passe chez eux.

25 septembre 2019

Et maintenant le Kievgate?

Réactions à chaud sur les révélations de ce matin quant à la conversation Trump-Zelensky du 25 juillet:
- L'effort flagrant de Donald Trump d'impliquer en sa faveur un gouvernement étranger dans sa campagne électorale donne une toute autre crédibilité au Rapport Mueller: la manoeuvre ressemble de près aux attaques contre Hillary Clinton en 2016, sauf que cette fois, les mots sont ceux du Président lui-même. Cela réduit presque à rien la possibilité que le Russiagate n'ait été que le résultat d'un complot anti-Trump.
- La transcription partielle et ses effets secondaires (le rapport et le témoignage imminent du lanceur d'alerte) sont une première fissure dans le mur de défense de la Maison Blanche; ils pourraient bien mener à une brèche plus large qui exposera d'autres manoeuvres condamnables.
- Et si la Présidence ukrainienne avait, elle, enregistré l'appel téléphonique au complet? Je ne serais pas étonné que les commissions du Congrès sur l'«impeachment» tentent d'en obtenir la transcription de Kiev.
- Trump a probablement commis cette gaffe parce qu'il se sentait faussement en sécurité, vu le peu d'impact du Rapport Mueller sur l'opinion publique. 
- Trump ne peut compter avec certitude sur le soutien des élus républicains. Ils l'ont appuyé jusqu'ici par peur et par opportunisme, mais leur loyauté est suspecte, car beaucoup le détestent en réalité. S'ils sentent qu'il devient un obstacle à leur réélection et que sa capacité de leur nuire ne survivra pas au processus de destitution, ils pourraient bien déserter son camp en masse en peu de temps.

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(Jeudi midi le 26:) Le début de la fin pour Trump?
Difficile de ne pas être captivé par le témoignage du directeur de la sécurité des USA devant le Congrès. Avec quelques réserves, Joseph Maguire valide en grande partie la signification de la conversation Trump-Zelensky et le sérieux du rapport du lanceur d'alerte (maintenant rendus publics). 
Son explication du retard à publier l'alerte, la possibilité d'un «privilège exécutif» de la Maison Blanche, est plausible – et n'affecte en rien la crédibilité de l'accusation, qu'il reconnaît à fond. Il révèle aussi, ce qu'on ignorait, que l'affaire était jugée assez sérieuse pour qu'une demande d'enquête à ce sujet soit immédiatement envoyée au FBI. Enfin, il insiste lourdement sur le caractère exceptionnel de l'affaire et sous-entend clairement que si le suspect n'était pas le Président des États-Unis mais un membre de la communauté du renseignement, l'alerte aurait été aussitôt soumise aux commissions pertinentes du Congrès.

Il est au moins aussi remarquable qu'à mesure que la séance progresse, la défense du Président Trump par les Républicains est de plus en plus incertaine et, dans certains cas, réticente.

24 septembre 2019

Toujours confiance aux «élites»?

La majorité des évènements politiques des derniers jours semble agencée expressément pour appuyer la thèse principale de mon «Manifeste citoyen» que les élites que nous donne le système représentatif sont incompétentes, obsolètes et égocentriques.
a) Aux Nations-Unies, les dirigeants (élus) mondiaux ont une fois de plus démontré à quel point il est naïf de vouloir confier le sort de la planète et de l'environnement à une clique de gens qui sont uniquement préoccupés de leur propre avantage à court terme et n'ont aucune perception de l'urgence et de l'ampleur du problème. Il aura fallu une adolescente suédoise déterminée (mais sans un soupçon de «mandat démocratique») pour manifester à la tribune au moins un peu de vision et de conscience des réalités.
b) Au Royaume-Uni, la crise du Brexit, au lieu de susciter une prise de conscience nationale dans la classe politique, rend encore plus aiguës et plus ridicules les divisions, les querelles et les manifestations d'ambition myope qui agitent tous les partis de tous les camps et leurs dirigeants. Et ceux de l'Union européenne, au lieu de chercher une solution à la crise que constitue une première scission dans leurs rangs, demeurent assis dans les estrades à trépigner et compter les points comme si c'était un match de football de 3e division.
c) Aux États-Unis, sans même prendre en compte les évidentes turpitudes du président, les élus des deux grands partis accordent clairement plus d'importance à leur sort individuel et collectif qu'au bien du pays, alors qu'ils font face à une crise constitutionnelle et sociale urgente et majeure. Les Républicains soutiennent un chef d'État clairement indigne de sa fonction parce que lui seul peut les maintenir au pouvoir, les Démocrates hésitent à invoquer contre lui le remède évident que leur offre la loi, par peur des conséquences sur leur réélection. Sans compter que la formule électorale garantit pratiquement que le prochain président sera un vieillard de plus de 70 ans.
d) En Espagne, les basses manoeuvres auxquelles se livrent tous les partis (y compris ceux de gauche) ne font que précipiter une nouvelle crise de l'État, dans un pays qui ne peut certainement plus se le permettre.
e) Au Canada, un gouvernement et un premier ministre qui méritent amplement de se faire montrer la sortie ne font face qu'à une opposition divisée qui se contente de rabâcher des slogans hors de propos face à une réalité qui demande audace et clarté de vision. Les débats se déplacent entre une question déjà réglée (la laïcité affirmée du Québec), la réaction de Justin Trudeau à des photos de jeunesse quelque peu gênantes, et des recettes dépassées (baisses d'impôts, maintien du niveau d'emploi) pour des problèmes du siècle dernier. Le tout dans une indifférence citoyenne bien justifiée.
f) En France, un Président prétentieux et incompétent, à la tête d'une curieuse alliance de débutants naïfs et de vieux briscards cupides, se livre à des jeux de relations publiques au lieu d'affronter les problèmes bien réels de la Nation – laquelle oscille entre une opposition purement négative, une incompréhension paralysante et une passivité résignée face à l'absence totale d'alternative crédible.
Je pourrais continuer, mais il me semble que ces exemples les plus marquants suffisent pour démontrer à quel point il devient nécessaire de repenser le système que nous appelons, faute de mieux, démocratie.