24 février 2022

Recette de Poutine à la Russe

Faisant abstraction de l’immoralité sanguinaire de son action, il faut avouer que Vladimir Poutine a particulièrement bien choisi son moment pour envahir son plus proche et plus cher voisin.

  1. Le récent brexit britannique a certainement semé le trouble dans l’unité européenne et singulièrement réduit la capacité de l’UE à réagir et l’impact probable de toute réaction de sa part, même face à un conflit qui se déroule dans son arrière-cour.
  2. D’une part, la Grande-Bretagne désormais presque absente est gouvernée par un hurluberlu d’une fiabilité douteuse dont la réputation est sérieusement écornée. Des autres puissances du continent, (a) l’Allemagne se relève encore d’une passation des pouvoirs dont les résultats sont loin d’être limpides après la fermeté de vision et d’action d’Angela Merkel – peu importe ce qu’on pense de son type de conservatisme – , tandis que (b) la France aborde à son tour une période de turbulence sous un Président d’un dirigisme brouillon et d’une perennité très incertaine, en plein coeur de la pénible restructuration d’une classe politique dont les partis traditionnels sont fortement ébranlés et discrédités. En même temps, (c) l’Italie aux prises avec les problèmes internes du post-Berlusconisme est quasiment invisible politiquement, (d) l’Espagne est également en mode recomposition après une succession d’échecs et de scandales de ses principaux partis, anciens comme nouveaux, enfin (e) les composantes majeures de l’ex-Europe de l’Est communiste sont menées par des populistes nombrilistes à la probité minimale.
  3. Le chaos causé par l’éléphant Trump dans le magasin de porcelaine des relations internationales post-soviétiques, et tout particulièrement la façon dont il a castré l’OTAN et semé la zizanie entre ses partenaires assure le Président russe qu’il peut agir pratiquement en toute impunité dans une zone qui est, de toute façon, à l’extrême limite du continent européen. Et ce ne sont pas la compréhension apparemment limitée et le niveau déplorable de popularité et d’autorité interne d’un Joe Biden élu par défaut dans des États qui, d’Unis, n’ont que le nom,  qui vont améliorer les choses.
  4. La Chine est sous la coupe d’un quasi-dictateur ambitieux qui, contrairement à une tradition millénaire, profite de toutes les occasions et de tous les prétextes pour accentuer son influence sur le reste du monde, sans souci d’idéologie ni d’honnêteté.
  5. L’invasion de l’Ukraine surgit juste au moment où Moscou assume la présidence du Conseil de sécurité de l’ONU et donc acquiert une position idéale pour paralyser toute action efficace de cet organe déjà bien imparfait.
  6. La contrée envahie elle-même est dans le creux d’une réforme en profondeur, en réalité d’une convalescence troublée suite à une ère de corruption marquée par l’émergence d’un troupeau d’oligarches affairistes rapaces et sans scrupules.
  7. Je fais volontairement abstraction de la dimension économique du problème, quoique le sursaut brutal ce matin des marchés mondiaux, même compte tenu des limites que je reconnais à leur vision des choses, devrait sans doute nous servir de sonnette d’alarme sur ce plan.
  8. Ce sombre panorama politico-financier sert par ailleurs de fond de scène à ce qui n’est même pas sûr d’être la fin d’une pandémie meurtrière et déstabilisante, non prévue et horriblement mal gérée par des élites nationales et internationales qui risquent d’y laisser ce qu’il leur restait de crédibilité.

Tout est donc en place, me semble-t-il, pour un nouveau Munich… avec des conséquences à moyen et long terme que je n’ose même pas évoquer. Bien sûr, Poutine n’est pas Hitler… mais à certains égards, sa lucidité retorse peut être encore pire pour le monde que ne le fut le fanatisme aveugle de l’autre.