11 janvier 2021

Troublante société de l'information

 Les évènements aux États-Unis depuis la semaine dernière montrent à quel point, pour le meilleur et pour le pire, nous sommes devenus une «Société de l'information» – vraie ou fausse, utile ou dangereuse, unificatrice ou divisive. Et donc à quel point il devient vital et urgent de revoir et sans doute de corriger les règles qui régissent ce domaine, qu'il s'agisse du rôle, des droits et des responsabilités des médias, des privilèges et des limites du discours politique partisan, des «libertés d'expression» quasi absolues garanties par les Chartes des Droits, des latitudes et des obligations des entreprises privées qui régissent les réseaux sociaux...

Il me paraît évident que le contexte législatif et réglementaire actuel est devenu inadéquat pour faire face aux défis. Faire confiance à la libre concurrence des intérêts et des idées, au sens de responsabilité des élus et de leurs adversaires, à l'éthique professionnelle des journalistes (et de leurs patrons), etc. ne suffit plus. Ce sont précisément ces attitudes qui ont mené au chaos actuel aux États-Unis et à des situations qui ne sont que marginalement meilleures en France, en Espagne, en Italie, au Royaume-Uni, en Turquie, en Russie, en Chine, en Europe centrale, dans une grande partie du monde musulman...


Je n'ai certainement pas de solution tout faite à proposer, mais je constate qu'il est urgent et nécessaire d'engager sur le sujet un débat qui dépasse les clivages partisans et idéologiques pour tenter de déboucher sur un nouveau consensus qui ménage aussi bien une liberté de parole essentielle et justifiée qu'une paix sociale et une capacité de dialogue objectif et respectueux qui ne sont pas moins indispensables dans le monde compliqué, hétérogène et potentiellement conflictuel dans lequel nous vivons désormais.

08 janvier 2021

Liberté, sécurité, responsabilité, progrès

 Trois éléments ressortent du débat américain au lendemain de l'invasion du Capitole par les partisans de DonaldTrump.

Le premier est qu'il remet en évidence la pertinence du conflit entre liberté individuelle et sécurité collective («la Muraille et le garde-fou»). D'une part, le professeur Alan Dershowitz et des Sénateurs Républicains défendent la thèse que la liberté d'expression à l'Américaine permet même des mensonges conscients et évidents, peu importent les conséquences, alors que le Procureur général Bill Barr, quelques Républicains et la plupart des Démocrates dénoncent le danger d'une interprétation aussi extrême pour le salut de l'État et du peuple et se rapprochent de la conception française incarnée par «Liberté, Égalité, Fraternité»: ma liberté a des limites, qui sont le respect de la tienne et une exigence de solidarité.

Le deuxième est qu'une mesure visant à condamner immédiatement Donald Trump et à lui retirer au moins symboliquement le pouvoir (par l'impeachment ou le 25e Amendement) n'a pas seulement pour but de l'empêcher de se livrer à de nouveaux excès, mais aussi de servir d'exemple à ses successeurs éventuels. Elle vise notamment à mettre un frein à sa tentative pour accroître exagérément les pouvoirs de la Présidence face au Congrès et à la Justice et donc pour modifier l'équilibre entre les pouvoirs qui est au coeur de la Constitution.


Le troisième est le degré auquel le conservatisme américain se fige dans une position opposée à tout progrès social ou politique et à toute adaptation de la doctrine économique capitaliste aux réalités nouvelles du 21e siècle, notamment la mutation technologique et la crise écologique. La seule étiquette de «progressiste» est désormais une insulte, assimilée à celles de «socialiste» et de »communiste» dans l'esprit non seulement de l'importante minorité réactionnaire, mais même d'une bonne partie des centristes, au risque de devenir majoritaire dans l'opinion publique. Ce qui augure mal de la capacité de la société américaine à maintenir un esprit ouvert à des changements pourtant nécessaires mais perçus comme «radicaux».