27 mars 2020

Feu rouge à Donald Trump?

Le fait même que des vedettes des médias américains d'information suggèrent que les mises à jour publiques du président Trump sur le coronavirus ne devraient pas être diffusées en direct est un indice sérieux du divorce à trois entre la Maison Blanche, la presse et la population.
On peut soutenir à juste titre que la plupart des grands médias critiquent systématiquement ce président; mais cela a également été le cas avec plusieurs de ses prédécesseurs, en fait, c'est considéré comme faisant partie du travail de la presse dans une société libre, et cela se produit également dans plusieurs autres pays.
Mais l'idée que ce que le président dit quotidiennement est souvent faux, biaisé et préjudiciable à la santé publique et au bien commun à tel point qu'il devrait être filtré ou décalé est une évolution nouvelle et profondément préoccupante. Les voix qui le disent ne font pas, contrairement à une affirmation fréquente, partie d'une conspiration "anti-Trump", mais sont parmi les principaux représentants d'organisations hautement compétitives qui se battent bec et ongles (et combattent d'autres médias manifestement pro-Trump) pour leur tranche de l'auditoire national.
S'ils sont d'accord là-dessus, cela signifie deux choses: 1. Il y a une méfiance généralisée et aiguë parmi les journalistes professionnels pour ce qui vient de la Maison Blanche; 2. Cette méfiance est partagée par au moins une part importante de la population, sinon la clamer publiquement serait suicidaire pour les médias traditionnels, leur faisant perdre beaucoup de crédibilité dans leur clientèle souhaitée.
En tant qu'ancien journaliste, je suis souvent horrifié par le discours absurde et conflictuel de Donald Trump, en particulier dans la période critique actuelle; cependant, je ne pense pas que son intervention devrait être bloquée ou filtrée. Mais je dois admettre que le fait que plusieurs voix crédibles de la presse affirment le contraire constitue un véritable signal de danger quant à l'état du discours public et de la liberté d'expression aux États-Unis depuis 2017.

24 mars 2020

Les Sept vaches...

Plusieurs de mes correspondants s'interrogent, non sans raison, sur l'absurdité des réactions des peuples et de leurs élites à la pandémie causée par le coronavirus. Voici ma tentative d'explication bien sommaire de la globalité du phénomène:
Surtout après que des crises récentes ont été soit partiellement résolues (pénuries de pétrole et prix élevés, éclatement de la bulle Internet, migrants et réfugiés ...), soit balayées sous un tapis de manigances financières (subprimes et déficits publics incontrôlés), nos chers dirigeants nous ont convaincus - et eux-mêmes, très probablement - que rien de vraiment sérieux ne pourrait menacer notre "civilisation" du profit égoïste, nourri par une surconsommation et une surproduction hypermédiatisées.
Soudain, issu de l'autre bout du monde et totalement inattendu, survient un problème majeur qui cible puissamment le cœur même de notre santé et de notre prospérité, et pour lequel nous et eux n'avions rien prévu (qu'il soit accidentel ou fabriqué par des esprits méchants a peu de sens à ce stade). Pensez à la parabole de Moïse sur les sept vaches grasses et les sept vaches maigres.
Notre première réaction a été de fermer les yeux, comme nous le faisons sur tout ce qui nous dérange, et celle de nos dirigeants de traiter ça comme un simple défi de relations publiques et de propagande, à être «résolu» par les mensonges et les distractions habituels. Le fait que nous nous soyons tellement habitués à cela que nous avons à peine écouté et n'en avons pas cru la moitié n'a pas aidé, bien sûr: en sont témoins la fatale négligence des Italiens et les dizaines de milliers d'ados yankees stupides, ivres et à moitié nus envahissant les plages de Floride et de Californie au plus fort d'un fléau vicieusement infectieux et mortel pour certains.
Lorsque nous et nos élites avons finalement compris l'ampleur et l'urgence de la situation, il était trop tard sauf pour les demi-remèdes les plus désespérés et les plus perturbateurs.
Et c'est là que nous en sommes aujourd'hui - je vous laisse deviner où nous en serons demain, mais ce sera probablement difficile à supporter.

17 mars 2020

Quelle époque???

«... cet amer plaisir-là, vitupérer l'époque», chante quelque part Léo Ferré. La tentation, aujourd'hui, en est grande, face à une extraordinaire disjonction des idées, des coutumes, des tendances et des évènements dans une planète dont la mondialisation galopante épicée de pandémie est loin de la rendre plus cohérente ou compréhensible.
Est-ce le manque de perspective et de distance qui nous fait croire qu'alors que le 20e siècle se découpait en périodes parfois chaotiques et même tragiques, mais assez facilement délimitables et descriptibles, ce 21e dont nous atteignons tout juste le premier cinquième est un maelstrom indéchiffrable de contradictions prolongées ou subites, dont la très étrange et atypique panique due au coronavirus n'est pas la moindre?
Je m'étais fabriqué une sorte de plan directeur de ce qui se passait en trois grands courants apparents et un quatrième plus souterrain: (1) les ruptures brutales dans le travail, l'économie et la vie sociale causées par l'invasion des technologies de l'information et de l'automatisation; (2) la dégradation de l'environnement imposant des limites à la croissance et des modifications majeures à notre mode de vie; (3) le choc social et culturel causé par des migrations massives de populations sous l'effet de la misère, des guerres et des persécutions, sur fond de scène de mondialisation; (4) la déliquescence de nos élites dirigeantes et une indispensable remise en cause du système politique dominant qui leur assure et légitime le contrôle du pouvoir, la démocratie représentative. Cette approche me semblait propice à mettre un certain ordre dans ma propre perception du siècle.
Mais périodiquement, des évènements à contre-courant viennent en troubler la sans doute trop simpliste ordonnance, et me précipitent dans des intervalles de doute et de questionnement, même alors qu'assez souvent je les ai vus venir. 
Il y a eu au tout début la faillite des «dot-com» qui a fait bifurquer bizarrement la progression des technologies, sans cependant la ralentir comme on aurait pu s'y attendre. 
Sept ans plus tard, le scandaleux effondrement des «subprimes» a détruit la confiance qui régnait depuis bientôt trois décennies sur la gestion néolibérale de l'économie... laquelle s'est pourtant maintenue en place grâce à une fuite en avant vers des profits pharamineux mais abstraits que ne justifiait en rien l'économie réelle de production. 
Puis la politique nous a imposé de nombreux retours en arrière vers des gouvernants réactionnaires et faussement populistes (Erdogan, Orban, Trump, Macron, Boris Johnson...) projetés au pouvoir par la faillite des gauches à se repenser face à de nouvelles réalités. 
Il s'en est suivi une sorte de monstrueuse «déconstruction» du discours public dans laquelle même les vérités les plus simples et les moins contestables ne trouvent plus leur compte, le mensonge, le malentendu et l'exagération devenant ordinaires et acceptables, nourris en plus par l'émergence fréquente de «théories du complot» échevelées.
Et voilà qu'une pandémie de dimensions pourtant modestes (face aux grands précédents historiques des lèpres, pestes noires et autres grippes espagnoles qui ont jadis dépeuplé notre monde) remet tout en cause, dévoilant brutalement toutes les lacunes et les faussetés d'une soi-disant civilisation, celle de l'argent et de la consommation à tout prix, qui s'avère incroyablement fragile. Notre «ordre mondial» était bâti sur la gestion d'un statu quo injuste mais rassurant et de formes de crise connues et relativement prévisibles (défaillances économiques, contestations populaires, guerres civiles ou régionales, terrorisme gênant mais relativement contrôlé...). Il s'avère totalement pris à revers par un phénomène dont il refusait d'accepter l'éventualité, alors que les signes précurseurs (SIDA, Ebola...) n'en manquaient pas.
Il est frappant que face à la catastrophe, chaque pays est laissé à lui-même et réagit comme bon lui semble au mieux de ses intérêts les plus étroits, sans qu'aucune tentative sérieuse de coordination ne fasse surface alors que l'affaire est clairement de dimension planétaire et aurait dû, dès le départ, être traitée comme telle. Tandis que nos gouvernants ont de bonne grâce cédé de grands pans de leur autonomie aux organismes responsables de la mondialisation économique, aucun mouvement comparable ne se manifeste pour transmettre les pouvoirs nécessaires aux seules organisations internationales habilitées à réagir au-delà des limitations frontalières, l'OMS et la Croix-Rouge – dont les moyens sont par ailleurs certainement insuffisants face à l'ampleur et à l'urgence de la tâche. En conséquence, nous assistons impuissants à une sorte de «démondialisation» étroitement nationaliste (dans le pire des sens), la moins justifiée et la plus dommageable pour notre santé à tous...

16 mars 2020

Coronavirus +

Jusqu'ici, je suis impressionné par les réactions du Québec à la pandémie. Autant la direction politique que le personnel du gouvernement que la population.
Le côté «bon papa» de François Legault peut être agaçant en temps normal, mais il s'avère précieux pour calmer le jeu en période de crise, tout comme sa relative humilité qui lui permet de faire confiance aux gens qui s'y connaissent mieux que lui. La stratégie adoptée de prendre des mesures fermement et clairement, mais graduellement en expliquant pourquoi et comment, tranche aussi avec l'apparence de panique et d'improvisation que je constate aux USA, au Royaume-Uni, en France...
Du côté santé, le réseau des CLSC montre sa valeur pour les interventions de proximité. Depuis hier, j'ai déjà reçu trois appels: un pour confirmer la venue d'une préposée à la toilette et à l'accompagnement aujourd'hui, un autre pour remplir un questionnaire précis sur notre état de santé, un dernier pour demander la suspension des services non-essentiels pendant deux à quatre semaines (oui, bien sûr).
Pour la population, si j'en juge par ce que je vois dans les médias... et par mes fenêtres, à part une poussée nerveuse de magasinage dans les épiceries en fin de semaine, pas de panique, pas de récriminations, bon nombre de gestes de solidarité. Dans notre résidence pour «retraités actifs», les visites d'amis et de parents sont suspendues, mais l'essentiel des services (repas, ménage, entretien, épicier-dépanneur, guichet bancaire...) est maintenu et deux communiqués précisent les restrictions et les mesures de prudence à prendre.
À part le regret d'avoir dû annuler notre départ pour la Martinique, donc, les choses ne vont pas si mal.

08 mars 2020

Une crise sur mesures?

C'est à se demander si la crise du coronavirus n'a pas été conçue (par l'Être Suprême???) comme un test sur mesures pour embarrasser le Président DonaldTrump.
a) C'est un dossier complètement en-dehors de la sphère politique partisane, donc imperméable aux dénonciations et aux procès d'intentions.
b) Il a une dimension globale qui empêche toute perspective étroitement locale ou nationale.
c) Il affecte un secteur d'activité, celui de la santé, où le rôle de l'État est clairement prépondérant face à celui du secteur privé.
d) C'est de plus un secteur où le Président s'est montré particulièrement incompétent et inefficace, réduisant au minimum les ressources et les services publics.
e) Il implique des compétences techniques et scientifiques pour lesquelles le Président se montre ouvertement méprisant sinon hostile.
f) La crise a pris naissance en Chine, un pays avec lequel le Président a aggravé une relation déjà méfiante et agressive, alors qu'un rapport de collaboration et de relative confiance serait essentiel.
g) Enfin, elle exige un lien de confiance et de véracité entre les citoyens et leur État, alors que Trump gouverne sans vergogne sous le signe du mensonge, de la propagande partisane et de la confusion volontaire.
Tout cela fait que «l'Empereur se retrouve tout nu» à la veille de sa campagne de réélection, sans aucun des oripeaux dont il peut habituellement masquer son incompétence face à ses propres partisans.