29 novembre 2021

Ô Neruda

 Je me suis permis de retraduire le poème initial du Canto General, qui devrait être une lecture obligée...

Amour Amérique (1400)


Avant la perruque et la cape

Il y avait les rivières, les rivières artérielles:

Il y avait les chaînes de montagnes, dans l’ondulation desquelles

Le condor ou la neige semblait immobile:

C'était touffeur et fourré, tonnerre

Les pampas planétaires sans aucun nom.


L’homme était terre, vase, paupière

de la boue tremblante, moule de l'argile,

Pichet caraïbe, pierre chibcha,

Coupe impériale ou silice araucan.

Tendre et sanglant, mais dans la poignée

de son arme de verre trempé,

Les initiales de la terre étaient

Gravées.

             Personne ne put

S’en rappeler plus tard: le vent

Les a oubliées, le langage de l'eau

Fut enterré, les clés se sont perdues

Ou furent inondées de silence ou de sang.


La vie n'a pas été perdue, frères pasteurs.

Mais comme une rose sauvage

Une goutte rouge s’écrasa dans le fourré

Et une lampe de terre s’est éteinte.


Je suis ici pour raconter l'histoire

De la paix du buffle

Jusqu’aux sables fouettés

De la terre finale, dans les écumes

Amassées de la lumière antarctique,

et par les terriers fermés

de la paix vénézuélienne sombre.

Je t’ai cherché, mon père,

Jeune guerrier des ténèbres et du cuivre

Oh toi, plante nuptiale, chevelure indomptable,

Mère caïman, colombe de métal.


Moi, revenu du limon,

J'ai touché la pierre et dit:

Qui

M'attend? Et j'ai serré le poing

Sur une poignée de verre vide.

Mais j’ai marché entre les fleurs de Zapotec

Et la lumière était douce comme un cerf,

Et l'ombre comme une paupière verte.


Ma terre sans nom, sans Amérique,

Étamine d’équinoxe, lance pourpre,

Ton arôme m'a surgi à travers les racines

Jusqu'à la coupe que je buvais, jusqu’à la plus mince

Parole pas encore née de ma bouche.

25 novembre 2021

Va falloir s’ajuster, hein?

 D’abord, un compliment à TVA: l’équipe qu’ils ont assemblée pour La Joute se compare bien aux meilleures périodes des EX à Radio-Canada, et c’est un sacré compliment. Mulcair est aussi bon à la télé qu’il l’était en opposition à Ottawa et mauvais en campagne. Emmanuelle Latraverse avait l’intelligence (c’est de famille), elle a pris de l’expérience et donc du jugement. Leurs partenaires conservateurs (même Luc Lavoie,à ma grande surprise) arrivent à mettre de l’eau dans leur vin et à garder un climat non seulement civilisé, mais informatif. Le fait de pouvoir se concentrer sur le Québec sans être obligés d’avoir des épisodes « Canadian », sauf quand ça se justifie, est un gros avantage.

Par ailleurs, l’épisode CHSLD me dérange: était-ce vraiment le temps de pointer le doigt vers des coupables alors que le problème de base, celui de la pandémie, est loin d’être réglé? D’une part, il est flagrant que la faille fondamentale, le manque de personnel et de qualification, n’est pas du genre à se régler en quelques mois, ni même en un mandat de gouvernement. Il est clair que Legault et cie ont hérité d’un problème qui datait des précédents régimes, aussi bien péquistes que libéraux. Que dans le cafouillis d’une crise imprévue ils n’aient pas pensé à agiter une baguette magique qui n’existait même pas n’a rien de surprenant. 

Je repense à septembre  1976 (ben oui, avant le déluge!), lors d’une des rares conversations privées que j’ai eues avec René Lévesque, qui savait déjà qu’il allait prendre le pouvoir; ce qui m’avait le plus surpris et impressionné, c’est son affirmation, faite à travers la fumée d’une cigarette debout au bar d’un motel de Boucherville: «Je pense que le plus grand défi du Québec à moyen et à long terme, c’est la façon dont on va s’occuper de nos vieux.» Et 45 ans plus tard, 4000 morts et plus dans les CHSLD? Difficile de dire que c’est la faute au seul Legault, ou même à sa copine «langue de bois» McCann.

Non seulement ça,mais poser la question en pleine période de crise (pré-électorale en plus), c’est se condamner à ce que le sujet soit balayé sous le tapis de l’actualité, ce qui n’a pas manqué de se produire avec l’astucieux «ajustement budgétaire» qui ne pouvait pas manquer de monopoliser les antennes (comme l’a très justement noté Mulcair).

D’un extrême à l’autre, la crise des CPE. Tout le monde se braque sur la question des hausses de salaires et du sort des «pauvres petits» otages potentiels d’une grève, et personne ne s’interroge sur le bien-fondé d’un système (dit «démocratique») qui force pratiquement la grande majorité des familles à expédier dans des garderies aux personnels plus ou moins payés, plus ou moins dévoués, plus ou moins compétents, des enfants que, dans toutes les autres espèces animales moins intelligentes, ce sont LES PARENTS qui doivent les élever. Au moins, sous la monarchie, seuls les aristocrates larguaient leurs petits aux mains de nurses, gouvernantes et tuteurs; les bourgeois et le peuple, moins idiots, s’en occupaient eux-mêmes. Y’a pas quequ’chose qui cloche?