10 juillet 2022

Emploi et inflation

Il est flagrant que la baisse du niveau de chômage n’est plus un signe de santé de l’économie, mais au contraire un signal d’alarme que nos gouvernants interprètent tout à l’envers – surtout que cela coïncide avec une inflation rapide et imprévue. 

Le chiffre à surveiller est celui du rapport adultes travailleurs/oisifs, donc incluant le nombre croissant de retraités et pondérant celui des «slasheurs» qui occupent plusieurs emplois à temps partiel. Dans ce contexte , il est de plus en plus absurde:

a) de considérer l’impôt sur le salaire comme la source première de revenus pour l’État, alors que le nombre de cotisants diminue et celui des rentiers (retraités, financiers, investisseurs) est en pleine explosion; une fiscalité rigoureuse focalisée sur les profits des entreprises et les revenus des investisseurs et des riches rentiers est à la fois plus socialement équitable, plus facile à administrer et plus en rapport direct avec l’évolution de l’économie non seulement de production mais de spéculation;

b) de fonder des stratégies économiques publiques sur le pourcentage de chômeurs, qui ne veut plus dire grand-chose; au Canada, ces derniers mois, il s’accompagne non pas d’une hausse, mais d’une baisse du nombre de travailleurs actifs – aux USA, la hausse est presque certainement artificielle, due notamment aux slasheurs qui cumulent plusieurs petits boulots;

c) de repenser à de nouvelles façons de remplir les postes devenus vacants: former du personnel jeune pour les emplois techniques, ajouter des robots pour les jobs dangereux, salissants, avilissants, prévoir et humaniser, mais en acceptant sa nécessité, l’invasion des guichets automatiques et des chatbots dans les secteurs «mous» des services, de la livraison, du commerce… Retarder l’âge de la retraite et importer des travailleurs des pays plus pauvres (surtout les plus instruits, ou ceux destinés aux emplois désagréables) n’est clairement plus acceptable ni souhaitable – le premier risque de bloquer l’accès du marché du travail aux nouvelles générations en forçant les anciennes à y demeurer malgré elles, le second ne fait que déplacer le problème vers des régions du monde encore moins capables de le résoudre;

d) de trouver une manière plus équitable d’assurer un revenu minimum adapté à tous, et d’en profiter pour éliminer une foule de programmes d’assistance spécialisés, qui exigent des armées de fonctionnaires peu utiles et qui souvent impliquent des enquêtes intrusives sur l’admissibilité des bénéficiaires: handicapés, orphelins, chômeurs, retraités, etc. Rien ne dit que le RUG doit être le même pour tous, il peut être stratifié selon les tranches d’âge, le statut familial, les besoins particuliers (handicaps, déficiences intellectuelles…), le niveau de vie régional, etc.

L’actuelle combinaison d’une inflation galopante avec une baisse du chômage n’est pas un problème à résoudre ponctuellement par des méthodes traditionnelles, même si à court terme elle a été provoquée par la juxtaposition de la pandémie et de la guerre en Ukraine. C’est l’indice d’un changement fondamental dans le fonctionnement de l’économie et du monde du travail qui se serait produit de toute façon et qu’il faut affronter sur la base d’une réflexion originale et plus audacieuse.