28 août 2020

Attention au boomerang!

  Si j'étais un radical de gauche aux USA, je serais probablement ravi de voir le GOP et leur autocrate-en-chef tellement déterminés à bousculer l'équilibre centre-droit de leur pays.  Grâce à eux, on peut prévoir que les États-Unis évolueront bientôt vers un régime socialiste, probablement dictatorial.

  La perversion par Trump du conservatisme et sa tentative d'imposer un pouvoir absolu de droite pousseront éventuellement les citoyens à évoluer dans la direction contraire.  Le réélire ne ferait qu'accentuer cette dynamique.  Ce genre de tentatives brutales ont presque toujours eu un effet boomerang, tôt ou tard.  C'est pourquoi même certains des milliardaires et des Républicains les plus astucieux sont inquiets - et penchent vers Joe Biden, malgré ce qui semble leur intérêt immédiat. Vous pensez que je fabule ou que je m'illusionnne?

  Souvenez-vous de ce qui s'est passé dans tant d'endroits il n'y a pas si longtemps: la Russie, de Staline à la mafia de Poutine, l'Iran, du Shah aux ayatollahs, la Turquie, d'Ataturk à l'islamisme d'Erdogan, le Brésil, de Péron à la junte puis à Bolsonaro, Cuba, du bordel de la mafia au communisme de Castro, la Yougoslavie, de Tito au  chaos actuel, la Chine, des divins empereurs à Mao, etc.

  Bien que je sois fermement progressiste, j'hésite à me réjouir de la situation car je crains que le changement à gauche soit sanglant et moins que démocratique (dans le sens le plus large du terme).  Je me demande également quel impact cela aura sur les affaires mondiales en général...

20 août 2020

Une Drôle d'expérience

 J'étais plutôt sceptique quant à l'intérêt d'une Convention de nomination américaine virtuelle... mais la formule trouvée par les Démocrates est fort convaincante. Il y manque sans doute l'excitation causée par les foules, les banderolles, les ballons, etc. En contre-partie, les trois premières soirées ont été bien plus riches en information pertinente et en perception des personnalités en cause que ne l'aurait permis le format traditionnel. 

 Première remarque: le couple Michelle-Barack Obama est une force politique redoutable, combinant l'émotion sincère de l'une avec l'intelligence aiguë et la savante éloquence de l'autre. Je soupçonne que leur double intervention, l'empathie de Madame contrastant et humanisant la charge féroce de Monsieur, pourrait avoir un effet décisif sur les Démocrates tièdes à l'égard de Joe Biden et les «indépendants» encore indécis. 

 Deuxièmement, Kamala Harris s'est fort bien tirée de l'impossible mission de succéder à l'ex-Président à la tribune. Son choix de jouer sur le sentiment et sur sa propre histoire plutôt que de s'en prendre à l'adversaire (le rôle habituel du candidat à la vice-présidence) était astucieux, surtout après la sortie atypique de BarackObama. 

 Troisièmement, le fait de reléguer le couple ex-présidentiel Hillary-Bill Clinton en marge de l'heure de plus grande écoute montre à quel point leur étoile pâlit et leur influence sur leur parti et sur la politique dans son ensemble est en train de se dissiper... surtout si on compare avec l'importance accordée aux Obama.

 Quatrièmement, l'idée de parsemer les trois soirées de courtes interventions de «citoyens ordinaires» (sans doute soigneusement choisis) était efficace, et a donné lieu à certains des moments les plus ftappants de toute l'expérience. 

 Enfin, les ripostes de Donald Trump sur Twitter et de ses partisans déclarés de FoxNEWS à l'écran sont jusqu'ici d'une faiblesse et d'une mesquinerie navrantes, impossibles à ignorer sauf si l'on est un partisan sourd et aveugle du Président.

 Il n'y manquait qu'un parfum de scandale, généreusement fourni par l'ex-conseiller préféré de la Maison Blanche et champion des théories du complot, Steve Bannon, accusé (et par le Service postal, curieuse coïncidence!) de fraude grossière... avec pour prétexte le financement de la construction du Mur anti-immigrants. Difficile de faire mieux.

12 août 2020

V'là la "Friscocrate"?

Le choix de Kamala Harris pour colistière de Joe Biden n'est pas très surprenant et loin d'être audacieux, mais il est intéressant pour plusieurs raisons, même pour nous les non-Yankees.

 a) Biden s'est basé principalement sur la personnalité plutôt que sur des considérations géographiques, sociales ou ethniques: elle n'est pas de «l'Amérique profonde», d'une petite ville ou d'une famille ouvrière pour aguicher la clientèle de Trump; elle n'est pas la Noire idéale, ni la plus féministe ou la plus libérale de la liste pour plaire à la majorité démocrate. Mais c'est une avocate brillante et agressive, une ambitieuse et éloquente, peut-être vicieuse battante politique.

 b) Bien considérée par la direction du parti et l'oligarchie du Beltway, elle n'est cependant étroitement associée à aucun des deux et n'a aucun lien connu avec Wall Street et la clique financière. Elle a donc peu de squelettes cachés dans le placard que le GOP peut exploiter. Une fille de la grande ville, mais de la Côte Ouest et peut-être une fille propre.

 c) Elle est une figure très "modérée", pour ne pas dire "law-and-order", mais en même temps, sa carrière et son profil de "Démocrate de San Francisco" lui permettent d'entretenir des relations faciles avec la gauche, sans risquer d'être accusée d'en faire partie. Bon pour l'unité du groupe.

 d) Elle n'est peut-être pas aussi connue que Liz Warren, mais elle n'a pas non plus son bagage négatif; d'autre part, elle s'est récemment créé une forte image publique, lors des audiences d'"impeachment" et au début de la campagne des primaires, elle n'aura donc pas à travailler sur sa visibilité comme Susan Rice ou Tammy Duckworth l'auraient dû.

 e) Là où Biden montre un peu d'audace, c'est en choisissant non pas une "yes-femme", mais probablement celle de ses anciens rivaux pour la nomination qui avait le moins peur de le critiquer et de l'attaquer; ils peuvent être assez proches idéologiquement, mais leurs personnalités sont éloignées et mèneront probablement à des affrontements occasionnels, plus âpres pour elle, plus coulants pour lui. En fait, l'affiche des Dems ressemble beaucoup à une image inversée du duo Trump-Pence du GOP.

 f) Enfin, Biden est conscient que Harris sera sous les projecteurs, car son âge à lui, sa santé douteuse et ses pouvoirs mentaux incertains feront d'elle le candidat à la vice-présidence le plus susceptible depuis longtemps d'accéder directement à la Présidence. Ou bien, s'il était élu, il pourrait décider de ne pas solliciter un second mandat et lui ouvrir la porte vers l'emploi dès 2024. Il a donc bien choisi de faire taire les rumeurs et insinuations potentielles dans ce sens en la présentant moins comme une joueuse d'équipe que comme un remplaçant valide.

 L'aidera-t-elle à gagner? Pas tant que ça, puisqu'elle ne lui apporte pas une clientèle captive qui lui manquait, et qu'à sa manière calme, il a déjà bâti ce qui semble une solide avance sur Trump. Ce qu'elle peut lui apporter, c'est un mordant nécessaire à une campagne qui semble plutôt fade et banale.

 La grande question qui reste est "À quoi ressemblerait une Présidente Kamala Harris, à la fois à l'intérieur et à l'extérieur des États-Unis?" Et c'est probablement la plus pertinente pour nous qui ne vivons pas dans son pays.