27 août 2013

Petit train du retour

En quittant l'Alegria vendredi, nous avons laissé sur le Livre d'or le mot suivant:
"Charlotte Amandine, c'est un délicieux dessert de gentillesse et de charme, les deux fées qui d'un jour à l'autre ont embelli chaque aspect de notre séjour à bord. Olivier indestructible comme l'arbre du même nom, toujours souriant et solide à la barre. Et les deux génies épisodiques, le triton du canal Mikaël, surgissant mince et barbu sur sa moto bleue chaque fois qu'on en a besoin au détour d'un accostage ou aux portes d'une écluse, Aurore la joviale Muse du terroir qui nous balade d'une surprise à l'autre sur les routes sinueuses de sa belle région qu'elle aime et connaît à fond. Tous ensemble, vous nous avez fait passer une semaine magique qui donne envie d'y revenir... Un grand merci."
Olivier nous a déposés vers 11h à la gare de Béziers — étonnamment encombrée, pour un matin de semaine, d'une foule de voyageurs chargés de bagages. Gisèle est immédiatement partie en chasse du journal du weekend qui publie ses chers mots croisés. Il n'a pas été facile de nous caser avec toutes nos possessions dans un wagon du TER Perpignan-Avignon plein comme un oeuf. Heureusement que nous n'avions que trois-quarts d'heure de route.
Nous avons déposé notre Parisienne à son hôtel (le Marriott sur le parvis de la Mairie, à trois pas de chez nous) et sommes rentrés à la maison en poussant un grand ouf! de soulagement. Petite déception, la fidèle Ingrid nous a fait défaut, elle n'avait pas fait les courses comme prévu et n'était pas là pour nous accueillir. Une heure plus tard, nous ressortions pour luncher à la BDHV (Brasserie de l'Hôtel-de-Ville) voisine, où les prestations de nos copains ont impressionné notre gourmande amie.
En début de soirée, nous avons entraîné Gisèle dans le tram bleu pour une visite en coup de vent de Montpellier, jusqu'au stade de la Mosson. Au retour, étape obligée à la Place de la Comédie, ou nous avons flâné dans les allées des Estivales (une mini-foire sympathique qui remplit l'Allée du Corum de boutiques et étals divers chaque vendredi soir de l'été). Je n'ai pu résister à une fort bonne barquette de saucisse des Cévennes à l'aligot.
Samedi, cap sur Palavas-les-Flots, que notre invitée avait très envie de voir. Très bon repas de fruits de mer et de sardines grillées au Galion face à la plage — relativement dépeuplée, vu le vent et le temps gris, puis flânerie le long des quais. Retour à la maison (où nous avons croisé l'ami et voisin André Chantefort) pour un digestif. Après avoir appelé sa famille pour leur confirmer qu'elle était sortie indemne des terribles périls du Canal du Midi et du Languedoc, Gisèle nous a quittés tôt, car elle voulait terminer ses bagages pour prendre son TGV vers Paris presque au lever du jour.

24 août 2013

Chasse-mouches

Dès dimanche matin, la semaine a pris une saveur quasi guerrière. Quelques mouches se sont invitées au petit-déjeûner, au grand dam de mes deux compagnes, qui se sont découvert une commune phobie pour tout ce qui est bestiole ailée (sauf papillons et coccinelles? À vérifier...). En cinq minutes, le conflit était engagé, qui a pris une acuité accrue lorsque deux guêpes effrontées se sont jointes aux agapes, à la grande inquiétude de Gisèle.
Et ça devait se poursuivre presque jusqu'au départ, avec une panoplie d'armes variées: chapeaux de paille, serviettes de table (Azur les manie avec une adresse assassine), bombes anti-moustiques, tortillon de fumée et même une raquette électrocutrice dénichée par le capitaine. Les victoires ont été plus nombreuses du côté humain, mais l'autre camp avait la force du nombre. Quant à l'opiniâtreté, je dirais: "Décision partagée".
Une fois le premier engagement terminé (match nul), la charmante Aurore est venue nous prendre pour une virée à Carcassonne. Azur et moi avions déjà visité (avec ma soeur Marie il y a cinq ans), mais le ravissement de la découverte par Gisèle a ravivé notre plaisir, surtout que l'enthousiasme de notre guide était communicatif.
Nous avons pacouru les petites rues montantes et inégalement pavées jusqu'au portail du palais comtal puis sommes redescendus vers la curieuse cathédrale mi-romane, mi-gothique dont le soleil matinal faisait exploser de couleurs les immenses vitraux du choeur.


Revenus au pont-levis, nous avons grimpé dans une calèche tirée par deux énormes percherons bais curieusement coiffés de bonnets blancs à oreillettes, qui nous ont emmenés dans une tournée des lices, cette large et cahoteuse allée nichée entre les murailles extérieures et intérieures et faisant presque le tour complet de la vieille ville. Le cocher nous déclamait d'une voix de stentor, avec un bel accent du pays, toutes les particularités architecturales et les péripéties historiques des diverses fortifications — que je vous épargnerai ici.

Après un détour vers le beau village de Lagrasse et son marché des potiers — non, nous n'avons rien acheté mais ce n'est pas l'envie qui manquait, retour à bord vers 13h30. Pour le lunch, Amandine nous avait ménagé une agréable inversion dans l'ordre des plats: entrée de foie de veau de lait aux câpres, suivie d'un plat de grandes crevettes au riz noir. Pendant que nous mangions sur la terrasse extérieure, Mikaël est arrivé sur sa moto pétaradante, et la péniche libérée de ses amarres s'est mise à descendre tout doucement au fil du courant, croisant occasionnellement des pénichettes et des bateaux-maison et s'arrêtant brièvement pour attendre son tour à la tête des multiples écluses.
Lundi, rien de spécial à signaler: deux courtes navigations, avant et après midi, et le farniente à bord. J'en ai profité pour faire l'essai de la mini-piscine. C'était juste assez grand pour que je me laisse flotter de temps à autre en battant des jambes, avant de me rasseoir sur une banquette le long du bord. L'eau presque fraîche (23-24 degrés) me soulageait agréablement du soleil caniculaire, surtout un verre de jus glacé à la main. Mes compagnes, qui avaient négligé d'apporter des maillots, lançaient des remarques pernicieuses dictées par l'envie.
Je m'étais promis de sortir mon chevalet de peintre, et lundi aurait été la journée idéale pour le faire, mais chaleur et paresse m'en ont dissuadé. À la fin du compte, je me contenterai de prendre des photos et quelques croquis annotés dont je m'inspirerai une fois revenu à mon atelier habituel — la terrasse de l'appartement de Montpellier.
C'était une bonne idée de ménager nos énergies, car en soirée, pour varier le menu, Olivier nous a emmenés souper à la belle auberge de La Selette, à Bize. Accueil chaleureux, apéritif maison exceptionnel (une variante du bellini vénitien à base de pêches fraîches et de blanquette de limoux), cuisine savoureuse — avec un seul petit regret: nous nous attendions à une carte plus typiquement régionale comprenant par exemple des cochonnailles, un cassoulet, du canard confit, du lièvre plutôt qu'un gaspacho, un fish & chips et des côtelettes d'agneau… Tant pis.
Tôt mardi matin, Aurore (la bien-nommée, a commenté cette lève-tard de Marie-José) est venue nous prendre pour aller voir le superbe village médiéval de La Minerve, jadis refuge des Cathares et capitale de la région viticole réputée du Minervois.

Vue spectaculaire des gorges, grottes et tunnels que les eaux des deux rivières voisines ont creusées autour du promontoire coiffé des ruines d'un château. Nous devions aller parcourir le village à pied, mais la pente raide et le soleil déjà lourd nous en ont découragés.
Nous sommes plutôt redescendus vers l'actuel centre économique de la région, le gros bourg d'Olonzac, où c'était jour de marché. Nous avons pris un verre dans un beau vieux café, puis flâné sur la place principale et dans les rues fort animées, achetant ici et là quelques babioles et grignotant des spécialités locales.

Puis nous avons fait un détour (fascinant) jusqu'à une coopérative de production d'huile d'olive, l'Oulivo, avant de rentrer sagement à bord pour une savoureuse bourride de lotte. Re-piscine dans l'après-midi et chasse-mouches endiablé au crépuscule. Clair avantage à Azur, qui a aligné sur le pont six cadavres de guêpes.
L'escale du soir est au coeur d'un des plus beaux ports fluviaux du Canal, le village du Somail, dont les rives peuplées de vieilles maisons souvent transformées en auberges et de guinguettes pimpantes sont prises d'assaut par des dizaines de bateaux en quête d'amarrage. Il y a même une pittoresque "péniche-épicerie" verte et jaune à l'entrée de laquelle pendent bouquets de plantes aromatiques et pots de fleurs multicolores.
Mercredi avant-midi, départ pour Narbonne, où nous incitons notre amie Aurore à faire dévier la tournée prévue vers la maison natale de Charles Trenet, que nous n'avions pas vue lors de précédents passages.

Donnant sur un mini-jardin où trône une photogénique statue du Fou chantant, c'est en pleine ville une résidence bourgeoise haute et étroite, qui me rappelle beaucoup celle d'une vieille cousine, rue Sainte-Ursule à Québec.
Vestibule, salon cossu et cuisine en longueur au rez-de-chaussée, accès au premier par un escalier raide et tournant à balustrade en fer forgé. En haut, une succession de petites pièces plutôt sombres tapissées de motifs à fleurs et meublées dans un esprit très victorien. Je me sentais comme replongé dans mon enfance...
Un bref tour de ville nous a menés à la cathédrale (superbe petit cloître au sommet d'un escalier impossible!) puis, le long du canal joliment réaménagé, à l'élégant restaurant L'Estagnol ("petit étang" en occitan) dont la prestation plus qu'honorable a été en partie déraillée par les tonitruants essais acoustiques de la scène extérieure où devait se produire en soirée Charles Aznavour, tête d'affiche d'un Festival marquant le centenaire de la naissance de Trenet
...
Au retour à bord, la navigation prend un tour différent des autres jours. Le Canal du Midi se fait tout plat, sans la moindre écluse, mais il zigzague sans arrêt pour éviter le moindre accident de terrain. Il y a même des sections où d'importants remblais le situent une bonne dizaine de mètres au-dessus des villages qu'il rencontre... et dont nous surplombons les toits de tuile rougeâtre percés de lucarnes et de cheminées de pierre grise.
Nous franchissons même quelques "ponts-canal" sous lesquels passent des cours d'eau où s'ébattent des familles insouciantes. Les branches dénudées d'une bonne partie des platanes qui bordent les deux rives contribuent à l'impression d'étrangeté que cela nous inspire.
L'équipage nous explique ces incongruïtés. D'une part, l'impossibilité d'approvisionner en eau le cours du Canal sur une cinquantaine de kilomètres a obligé ses constructeurs à des prodiges d'ingéniosité pour en maintenir le cours le plus horizontal possible (les écluses, naturellement, consomment une quantité d'eau importante pour leur fonctionnement). D'autre part, une grave maladie végétale, apparemment venue d'Amérique du Nord et propagée par les embarcations touristiques, est un train de tuer des milliers des arbres aux écorces claires tachetées et aux abondantes feuilles dentelées qui donnent le meilleur de sa saveur au paysage environnant.
Le long du chemin, nous voyons une multitude de troncs marqués pour la coupe, qui a déjà commencé dans certaines sections. "Vous avez bien fait de venir maintenant, nous précise un interlocuteur de rencontre, car d'ici deux ans, le Canal du Midi va se retrouver déplumé... et il faudra sans doute deux ou trois générations pour qu'il retrouve son charme ombragé actuel!" Mikaël a quand même déniché une section agréablement fournie de feuillage pour notre amarrage de nuit, dans un secteur quasi désert un peu en aval de La Croisade.
Jeudi matin, la navigation se poursuit dans le même décor, jusqu'à ce que nous nous atteignions notre destination finale, le village de Poilhes, port d'attache principal de l'Alegria.

 En cours de route, moi et Gisèle envahissons à tour de rôle la passerelle à l'arrière, où Olivier nous donne un bref cours de pilotage fluvial. Je prends la barre quelques instants, pour constater qu'elle est beaucoup moins vive et plus facile à manoeuvrer que celle du Bum Chromé... mais que le temps de réaction d'une lourde et longue barge d'acier est bien plus long et plus difficile à évaluer que celui d'un léger cata de fibre de verre!
Pour le dernier repas important à bord, Amandine s'est surpassée, avec un foie gras absolument fondant et goûteux accompagné d'une confiture maison de fraises sauvages et framboises, suivi d'un très délicat magret de canard au sang, servi avec des pâtes fraîches auxquelles nous sommes invités à mélanger les lardons grillés du même volatile. Un vrai péché, qu'aggravent encore un banyuls rouge capiteux, doux comme un écho de la confiture aux petits fruits, puis un coteaux-du-languedoc sec mais velouté.
À peine avons-nous le temps d'un thé vert ou d'un café qu'Aurore vient nous prendre pour la visite de sa ville natale de Béziers, que nous connaissions déjà (elle est à moins d'une heure de route de Montpellier).

Le seul épisode digne de mention est l'arrêt à l'"escalier d'eau" de Fonséranes, dont les neuf écluses (sept sont fonctionnelles) s'enchaînent pour faire franchir aux barges et péniches une dénivellation de 25 mètres sur une distance d'à peine 315 mètres en un peu plus de vingt minutes à la descente, une demi-heure à la montée.
Retour au bercail pour un souper "léger"… qui consiste en une crémeuse vichyssoise semée de ciboulette et bordée de fines tranches de saucisson sec, suivie d'un pied-de-porc en gelée nappé d'une délicieuse sauce à la moutarde. Honnêtement, aucun de nous trois n'a faim, mais gourmandise et politesse (pas question de faire de peine à la cuisinière en rejetant son ultime et méritoire effort) aidant, nous nous faisons une douce violence.
Un dernier digestif siroté sur le pont éclairé d'une spectaculaire pleine lune, puis il faut à contre-coeur descendre faire les bagages pour le dur retour à la réalité du vendredi matin, qui nous ramènera à Montpellier à bord d'un inconfortable train régional bondé d'autres vacanciers.

23 août 2013

Alegria

Charlotte Amandine, ça pourrait (devrait?) être le nom d'un dessert à se damner. En réalité, ce sont les prénoms des deux jolies fées qui font notre bonheur sur le Canal du Midi depuis bientôt une semaine. Charlotte de Manchester, avec son français intermittent et son joli accent, veille à tous les aspects matériels de notre confort, fait les cabines le matin, sert les déjeûners (et les autres repas), concocte les apéros, tourne les draps pour la nuit, les serviettes pour la baignade, etc. Amandine, cuisinière inspirée d'un village perdu de l'Aude, imagine d'incroyables gazpachos et de surprenantes et savoureuses variantes sur les recettes locales du Languedoc.

Il y a un mois, Azur a décidé d'inviter son amie de jeunesse Gisèle Maïa à passer une ou deux semaines avec nous à Montpellier. "Pourquoi pas sur le Canal du Midi?" ai-je aussitôt demandé, me rappelant les descriptions dithyrambiques faites à leur retour d'une semaine de pénichette dans ce coin-là par nos amis Savonet il y a quelques années. "Oui oui oui, dit ma phlegmatique (???) compagne, mais pas question de piloter ou de cuisiner nous-mêmes."
Bon. Ça voulait dire qu'on allait chercher dans la catégorie "péniche-hôtels" pour dénicher la perle rare. Il fallait deux cabines assez confortables pour les p'tits vieux que nous sommes, disponibles en août ou début septembre, avec des voisins pas trop emmerdants. Rien d'évident, surtout à la dernière minute. Au troisième essai, Olivier Baudry m'offre pour un prix presque raisonnable la totalité de son "Alegria" — ben oui, comme le Cirque du Soleil dont il est friand — du 17 au 23 août. Départ de Terbes près de Carcassonne, arrivée à Poilhes près de Béziers.
Donc samedi midi dernier, sous un ciel menaçant, nous rejoignons Gisèle à bord du TGV qui l'a amenée de Paris pour continuer jusqu'à Narbonne. Rien n'est jamais simple: elle est dans la "mauvaise" rame du train, celle qui s'arrête à Montpellier. Il faut récupérer en catastrophe ses bagages et les traîner à l'autre bout du quai vers le "bon" wagon, sous les cris des employé(e)s de la SNCF qui, au lieu de nous donner un coup de main, nous houspillent mains dans les poches parce que nous les empêchons de fermer les portes et de démarrer!
Le train est bondé, pas d'espace dans le compartiment à bagages, deux valises restent dans l'entrée, les autres encombrent le couloir. Et il faut descendre en toute hâte à Béziers les déplacer, pour permettre à un jeune homme en chaise roulante de sortir. Merdre.
Heureusement, à Narbonne, tout se calme. Le beau temps est revenu, un garçon sympathique nous aide à débarquer tout le barda, nous n'avons qu'à traverser la petite gare pour attendre cinq minutes sur le parvis l'arrivée de notre capitaine.
Olivier a la cinquantaine souriante, élégante et argentée du banquier qu'il a longtemps été avant de céder définitivement à la passion des canaux et des péniches. Il en a d'abord habité une sur la Seine près de Paris, en a transformé une autre en bateau-mouche de grand luxe pour voyageurs d'affaires, et depuis cinq ans promène celle-ci entre Carcassonne et la Méditerranée pour le plaisir nonchalant de quelques passagers, presque tous américains ou australiens.

Alegria est la péniche classique du Canal du Midi, trente mètres de long, cinq de large, fond plat et profil bas — exactement ajustée aux dimensions des écluses et des ponts tricentenaires du parcours. À l'avant, nos deux belles grandes cabines avec salle de bain complète, lit king-size et immenses hublots de vitre à sens unique. Au centre, un confortable salon-salle à dîner avec écran de cinéma et chaîne hi-fi voisine avec une cuisine bien équipée qui nous sépare des quartiers de l'équipage.
Trois escaliers, le principal au centre, donnent accès au pont supérieur. Devant, des vélos à disposition des voyageurs, puis une petite piscine en forme de haricot qui paraît absurde au premier abord... mais pas du tout dès que la canicule nous incite à nous y réfugier. Pour nager, c'est un peu exigu, mais pour se dégourdir les jambes plongé dans l'eau claire et fraîche jusqu'au cou, quel délice!
Suit la salle à dîner extérieure, protégée contre le soleil du Midi par des parasols nécessairement amovibles (les arches des ponts sont très basses, il faut souvent s'asseoir et parfois baisser la tête pour passer dessous). De l'autre côté du double escalier central, un grand pont légèrement bombé peuplé de transats et de tables de cocktail, et enfin tout à l'arrière, le cockpit et poste de pilotage surélevé.
Voilà ce qui allait être notre plutôt luxueux habitat pendant près d'une semaine.
À l'équipage quasi-permanent s'ajoutent une joviale guide, Aurore, qui vient pratiquement tous les jours de Narbonne nous entraîner dans des excursions bien documentées aux alentours de nos diverses escales, et le matelot mince et barbu Mikaël qui surgit en moto de sa campagne voisine pour veiller aux accostages, démarrages et surtout au passage délicat et fréquent des écluses.
Un verre de blanquette de limoux nous a accueillis à l'arrivée à bord samedi après-midi du côté de Terbes. Le temps de déposer nos bagages dans les cabines et de nous rafraîchir, Olivier nous a donné un bref aperçu de la navigation sur le Canal en remontant deux écluses, puis en virant bout-pour-bout: manoeuvre pas évidente puisque la largeur de la voie d'eau est exactement la longueur du bateau, si bien que ce dernier doit appuyer sa poupe sur la rive d'un côté et attendre que le courant descendant d'une écluse en amont veuille bien pousser la proue vers l'aval.
Une fois l'Alegria amarrée quelques encablures plus bas, nous avons eu droit à l'apéro (re-blanquette bien sûr) et à notre premier repas à bord — mise-en-bouche de puces de mer sautées, huîtres gratinées aux poireaux accompagnées de gambas, brochettes de boeuf aux petits légumes, soupe de fraises et sorbet de citron vert en dessert. Avec un joli blanc de la région et un somptueux rouge de Lézignan-Corbières, millésime 2001. Et nous avions faim, n'ayant rien pris de consistant depuis le matin. Puis, comme dit la Bible, "il y eut un soir, il y eut un matin"...
(à suivre)