21 décembre 2021

Et maintenant l’endémie?

Il y a bientôt deux ans que nous ne faisons que réagir après coup à chaque sursaut du coronavirus et de la pandémie qu’il a déclenchée, sans la moindre planification ni action vers le long terme – à la seule exception du développement de vaccins, qui était incontournable. Pourtant, la crise a provoqué des changements majeurs dans nos façons de vivre, de travailler, d’apprendre, de communiquer. Des changements que nous avons chaque fois crus temporaires.

Maintenant que les avis experts convergent sur le constat que la Covid-19 se transforme en une endémie planétaire, peut-être (mais pas sûrement) moins meurtrière mais plus durable que la pandémie, je pense qu’il est temps de traiter cette évolution non plus comme un intermède, mais comme une nouvelle réalité quotidienne, une sorte d’état de «Guerre Froide» dont la durée n’est pas connue, menée contre un phénomène biologique et non contre un ennemi humain. Rien ne garantit, en effet, qu’Omicron sera le dernier et le plus dangereux variant du virus – ni que l’état de pandémie ne resurgira jamais. 

Il faut donc nous mettre à intégrer les changements que cela implique dans nos manières habituelles de fonctionner, en analysant et modifiant nos comportements personnels et collectifs en conséquence. Les domaines à considérer et les problèmes de chacun sont multiples:

a) Médecine et hospitalisation (locaux et équipements, personnels et rémunération, traitements et médication)

b) Réglementation (universalité, critères d’ajustement, conflit sécurité publique/libertés privées)

c) Transport et voyages (restrictions, aménagements, sécurité, documents d’identité)

d) Éducation et formation (interruptions, distanciation, outils techniques, ajustements humains et parentaux)

e) Travail et main d'oeuvre (chômage, télétravail, organisation, équipement, financement)

f) Loisirs, sports et spectacles (restrictions, soutien financier, taille des personnels et des auditoires)

g) Restauration et espaces commerciaux (fréquentation, taille des entreprises et des locaux, livraison, critères d’ajustement)

h) Relations familiales et humaines (taille des groupes, technologie et virtualité, chaleur humaine)

Dans chacun de ces sphères, le danger de contagion provoque des perturbations importantes et variées et des effets secondaires dont nous commençons seulement à percevoir l’impact et les désavantages. Dans chacune de ces sphères, il faudra donc nous efforcer de trouver des formules, des adaptations, des compensations non plus à la pièce et à court terme, mais plus généralisées et plus durables. Et ceci sur plusieurs plans, dont l’ampleur variera d’un cas à l’autre: économique, technique, organisationnel, social, juridique et législatif, psychologique, etc.

Cela ne se fera pas du jour au lendemain, mais il me paraît évident que le plus tôt on s’y attèlera sera le mieux. C’est une tâche qui concerne non seulement les autorités aux divers niveaux de l’État, mais aussi les groupes et institutions de la société civile, les communautés de toutes sortes (religieuses, sportives, culturelles, ethniques, sociales…), les experts dans chaque domaine, enfin les individus et leurs familles…


13 décembre 2021

Amérique et Premières Nations

J’ai le plus grand respect pour les droits, les croyances et les coutumes des peuples autochtones, mais... Sans doute de façon atypique, j’ai été élevé dans une famille où leurs portraits ornaient les murs de notre maison, leurs récits avaient place dans notre bibliothèque et nous avions avec eux de fréquents échanges. Ma grand-mère a égayé notre enfance des souvenirs heureux qu’elle avait gardés de ses condisciples huronnes chez les Ursulines de Québec à la fin du 19e siècle. Mon père avait des amis aussi bien à l’Ancienne-Lorette près de Québec que dans la réserve de Tobin, à côté de notre village ancestral de Trois-Pistoles. Mon frère et moi avons partagé de courtes périodes de leur vie dans notre adolescence, lors d’emplois d’été dans les forêts de l’Abitibi et de la Côte Nord.

C’est ce qui m’autorise et m’incite à exprimer une certaine inquiétude face à l’importance médiatique qu’ils prennent ces temps-ci. Oui, leurs griefs à l’égard de la majorité d’origine européenne sont valides et sérieux. Oui, ils ont droit à leur dignité et à leur différence. Mais à trop insister là-dessus sans faire la part des choses quant aux réalités planétaires du 21e siècle, cela risque d’avoir exactement l’effet contraire de ce qu’ils souhaitent et méritent. 

Soyons réalistes: jamais ils ne reprendront le contrôle de l’ensemble des immenses territoires qui étaient leurs avant notre arrivée en Amérique; jamais ils ne convaincront les majorités diversifiées d’immigrants qui les ont envahis d’adopter même partiellement leur vision ni leur manière de vivre. Et même s’ils le faisaient, cela n’aurait jamais l’amplitude nécessaire pour résoudre le problème de maintenir notre continent et notre planète dans l’état d’un environnement vivable et confortable pour l’immense multitude des populations qui l’occupent désormais; sans d’énormes compromis avec leur tradition, le résultat serait catastrophique aussi bien pour eux que pour le reste du monde.

Ils ont donc le choix entre trouver un tel compromis et un inévitable refoulement dans des ghettos sans doute plus confortables, mais aussi contraignants que leurs actuelles «réserves» canadiennes et américaines et leur statut très inconfortable dans la plus grande partie de l’Amérique latine. Or, d’une part la fenêtre pour exercer ce choix est réduite: dès que les pressions de l’actualité les occulteront de l’avant-scène des médias (ce qui se produira inévitablement), ils n’auront plus guère de force de négociation face à des majorités qui controlent les leviers politiques et financiers et dont les préoccupations quotidiennes sont bien éloignées  des leurs. Et d’autre part, qui d’autre qu’eux, sauf une minorité d’écologistes convaincus mais sans réel pouvoir décisionnel, peut élaborer une formule à cheval entre leur tradition et notre modernité et mener les négociations qui auront la moindre chance de la mettre en oeuvre?

D’où mon inquiétude.