23 juillet 2008

21 juillet 2008

De retour sur le Bum chromé depuis vendredi après-midi. C'est la saison des tempêtes tropicales, si bien que le temps est plutôt instable: quelques heures de soleil, puis soudain un coup de vent frais et une grosse bouboule de nuages gris qui surgit et nous fouette d'une pluie aussi courte que violente. Chaud (31-32°) le jour, un peu plus frais la nuit, ce qui n'est pas désagréable.
Gérard assistait à un enterrement, c'est donc Daniel qui est venu nous cueillir au Lamentin à la sortie de l'avion d'Air Caraïbes. Vol très confortable, quoi qu'en dise Azur qui est fana d'Air France, et surtout un des meilleurs repas que j'aie dégustés sur un avion depuis très longtemps: trois bouchées chaudes genre tempura de fruits de mer avec l'apéro (ti'punch évidemment), une entrée de lotte chaude sur un lit de mousse de légumes froids, et un excellent colombo de poulet avec une lasagne fondante d'aubergines, enfin un macaron fourré de crème au rhum pour finir. Ça ressemblait plus à la cuisine d'un très bon resto antillais qu'au réchauffé d'un Airbus.
Malgré l'incontournable embouteillage sur la route Lamentin-Rivière Salée, nous sommes arrivés à bord vers 16h30, et avons constaté qu'encore une fois la précieuse Henrietta avait rangé toutes nos affaires si adroitement que nous avons l'impression de n'être jamais partis. Il y a même un minimum de bouffe fraîche et de boisson dans les frigos et nous avons acheté des recharges Orange-Antilles et un forfait Internet en passant au village. Même pas besoin de défaire les bagages donc, tout ce qu'il nous faut est à portée de main. Pour les valises, on verra demain ou dimanche, hein?
Samedi on s'est réveillés très tôt, décalage horaire aidant. Pas beaucoup d'aigrettes perchées dans la mangrove, à la grand déception d'Azur. Petit déj improvisé, paresse et récup. Pour le lunch, grand débat: j'avais envie d'une baignade à Sainte-Anne et d'une langouste sur la plage, mais Azur tenait mordicus aux accras et à la cuisine créole de ses copines de Marin-Mouillage. Ce que femme veut, évidemment... Je me reprendrai demain pour la plage. Heureusement, il y avait à Marin-Mouillage une bonne chiquetaille de morue comme entrée du jour et le poulet boucané est toujours à la hauteur. Et Céline et sa patronne Nicole nous ont accueillis comme les enfants prodigues. Rencontre des frères Glen et Éric Jean-Joseph, patrons de la Marina, à qui nous avons pu donner des nouvelles de leur copain Gilles Goujon, chef-proprio de l'Auberge du Vieux-Puits de Fontjoncouse. Leur Capitainerie est désormais logée dans une roulotte près de leur ancien immeuble, tellement endommagé par le tremblement de terrre de novembre dernier qu'il faudra le raser.
Hier dimanche, la plage de Sainte-Anne était bondée, surtout de gens du pays. Bonne baignade quand même, suivie de la traditionnelle langouste grillée -- juste assez cuite, et de taille fort respectable -- au Touloulou avec Gérard, pour qui c'étaient les retrouvailles. Sa fille Pauline est en vacances en Martinique, elle viendra faire le Tour des Yoles avec nous la semaine prochaine.

17 juillet 2008

Trois jours d'escale à Paris. Au lendemain du 14 juillet (pompeuse cérémonie ultra-sarkozyenne aux Champs-Élysées et à la Concorde, diffusée par toutes les télés), le TGV du matin au départ de Montpellier était presque vide, nous avons squatté un compartiment double, le grand confort. À la Gare de Lyon, Azur s'est débrouillée pour court-circuiter la queue interminable des taxis, et nous débarquons rapidement à notre hôtel favori de la rue Saint-Didier. Le copain chasseur belge Pascal est en vacances, mais son remplaçant est OK.
Repas tardif, mais pas mauvais du tout, dans un pub de l'avenue Kléber. Pas d'étape du Tour de France aujourd'hui, c'est jour de relâche... mais pas pour le grand débat sur le dopage, alimenté de nouvelles révélations espagnoles. Appels aux copains parisiens, la plupart vains; tout le monde est bien sûr en vacances.
Pendant qu'Azur est au coiffeur et à la manucure, je traverse la ville pour une visite inutile dans les boutiques d'informatique et de photo, où je ne trouve rien de ce que je cherche. On se console avec un délicieux dîner chez Roland Durand au Passiflore, à qui je promets une bouteille de rhum Depaz hors d'âge à notre retour à l'automne. Dernière visite chez Gisèle, l'amie retrouvée de Marie-José, à qui nous avions laissé en dépôt quelques colis pour la Martinique. Elle rigole encore de la photo que nous lui avions envoyée -- courtoisie de Savonet -- de Sarko faisant de pointes sur le perron de l'Élysée pour paraîre aussi grand que sa femme en talons extra-plats!
Paris était plutôt sympa cette fois, temps doux, assez nuageux mais sans pluie, et une atmosphère de vacances étonnamment relax avant l'arrivée massive des touristes. N'était la patte de plus en plus folle d'Azur, nous nous serions bien baladés le long de la Seine en vieux flâneurs de luxe. Nous regrettons presque de ne pas y demeurer plus longtemps, mais la Martinique et le Bum chromé nous appellent dès demain matin.

5 juillet 2008

Le retour en train de Toulouse à Montpellier s'est fait en douceur, en moins de deux heures dans un compartiment Corail partagé avec un type assez sympathique. À l'arrivée, Ingrid avait mis la maison en ordre, en plus de remplir le frigo. Heureusement que nous l'avons.
Nous passons les deux premiers jours à la maison à récupérer. Même si la semaine de vagabondage sur les petites routes du Languedoc avec Marie et Jean a été merveilleuse, c'était quand même assez fatigant pour les deux vieux croûtons que nous devenons.
À Toulouse, nous étions logés au Clos des Potiers, un bel hôtel particulier transformé en auberge de charme par un gentil couple d'antiquaires -- une trouvaille de ma soeur Marie, grâce à l'Internet. Et comme il est situé sur une petite rue calme entre le Grand Rond et le Capitole, c'était idéal comme point d'ancrage pour visiter la ville.
Pendant que Marie et Jean partaient à pied de leur côté, nous nous sommes attablés Chez Authié, un magnifique vieux bistro face à la Halle aux Grains (devenue salle de concert célèbre). Le patron, à qui nous demandions un taxi, nous a déniché une formule fabuleuse: un taxi touristique qui, pour un forfait tout à fait raisonnable, nous a baladés pendant deux heures à travers le Vieux Toulouse, nous laissant descendre et visiter les monuments et les places à notre gré et à notre rythme. En plus de ses explications de vive voix, il avait un CD de textes descriptifs sur fond de musique médiévale, qu'on pouvait interrompre ou relancer à volonté.
Nous avons évidemment eu droit au Capitole, à Saint-Sernin, à la Grave et aux bords de la Garonne et même à une vue du nouveau géant Airbus A-380 sur le terrain d'EADS en banlieue. Surtout, j'ai passé un bon vingt minutes au splendide monastère des Jacobins, dont j'avais gardé le meilleur souvenir d'une première visite il y a 25 ans.
Retrouvailles avec Marie et Jean Place Jeanne-d'Arc, près de laquelle nous avons mangé dans un restaurant chaudement recommandé, mais au fond assez décevant, le Colombier. Ce sont surtout Marie et Jean qui sont déçus, car ils avaient attendu jusqu'ici pour goûter au fameux cassoulet toulousain... or celui que j'avais mangé dans une auberge de bord de route à Sant-Ferréol la veille était bien supérieur!
Le lendemain matin, petit déjeuner d'adieu: nos chauffeurs mettent le cap sur l'Espagne à travers les Pyrénées, guidés par le fidèle (enfin, espérons-le) Fantasio, notre GPS passe-partout.
Nous remontons la rue des Potiers pour un café Chez Authié, où nous attend une autre bonne surprise: accoudé au comptoir avec le patron, un musicien montréalais installé à Toulouse avec sa femme peintre et ses enfants depuis une dizaine d'années. Sylvain Picard joue du tuba dans l'Orchestre du Capitole, un des plus grands orchestres de province de France et probablement d'Europe. Nous lui donnons des nouvelles de Montréal (où nous avons plusieurs connaissances communes) au-dessus d'une bonne bière blanche.
Retour aux Jacobins, dans le réfectoire desquels se tient une originale exposition sur la science arabe et son influence sur la pensée européenne. Instruments scientifiques et astronomiques, traités de médecine, de chimie et de mathématiques, maquettes de machines et d'automates, animations, nous passons là une heure fascinante qui conforte Azur dans sa conviction que les Occidentaux sont loin d'avoir tout inventé... mais qu'ils ont été les meilleurs pirates d'idées et de copyrights de l'histoire humaine!
Avant de reprendre le train pour Montpellier, lunch simple et délicieux dans un petit resto sans prétention mais astucieusement décoré d'objets et de jouets enfantins qui illustrent bien le concept incarné par son nom, "la Madeleine de Proust". Une vraie trouvaille.

1 juillet 2008

Nous avions oublié qu'aujourd'hui est le Jour du Canada... mais sincèrement, c'est pas  une fête que nous célébrons bien fort ni les uns ni les autres.
Nous sommes arrivés à Carcassonne en toute fin d'après-midi. Impossible de nous loger dans la Cité médiévale ce soir-là, notre hôtel du lendemain nous a proposé en alternative un Mercure trois-étoiles situé près des portes, où nous nous rendons directement. D'abord désappointés, nous nous sommes vite rendu compte que dans notre état de fatigue, c'était un bien pour un mal:  un ensemble moderne assez banal d'apparence cachait de grandes chambres claires et confortables, à cinq minutes à peine du pont-levis de la ville ancienne à travers un stationnement et un terre-plein.
Je connaissais vaguement Carcassonne pour y avoir passé quelques heures en 1983 ou 1984; j'y suis allé faire un tour en début de soirée, histoire de retrouver mes repères pour la visite du lendemain. Malgré son statut hyper-médiatisé, le charme de l'endroit opère toujours autant. En quelques minutes à peine, on oublie les multiples boutiques à touristes et on se sent totalement plongé dans une autre époque.
Au matin, nous sommes entrés par la Porte Narbonnaise et, après être passés à notre nouvel hôtel (Le Donjon, une belle vieille maison du XVe siècle à vingt pas du château-fort comtal, en plein coeur de la Cité), nous sommes partis visiter les fortifications. Celles-ci sont si connues que ce n'est pas vraiment la peine d'en parler, sauf pour dire que les reconstitutions de Viollet-le-Duc sont extrêmement crédibles, en plus d'être spectaculaires au possible.
Après quelques achats à la boutique du château, nous avons pris l'apéro dans un sympathique bar à vins puis le repas à une belle terrasse voisine. Dans l'après-midi, flânerie dans les vieilles rues puis descente dans la ville nouvelle. Là, près de la gare (et d'un centenaire Hôtel Terminus de style art nouveau particulièrement réussi), nous nous sommes embarqués sur une antique gabarre reconvertie pour une lente navigation le long du Canal du Midi, de ses chemins de hâlage et de ses écluses, croisant ici et là une péniche ou une pénichette circulant au même rythme tranquille. Par chance, nous sommes presque les seuls passagers, à part trois jeunes Espagnols assez discrets. Deux heures de détente sous une voûte de hauts platanes, avec des animatrices assez intelligentes pour ne donner qu'un minimum d'explications essentielles et laisser le décor enchanteur parler pour lui-même.
Le contraire du plein-la-vue de Carcassonne... et pourtant tout aussi remarquable à sa manière.
Ce matin, en route pour notre dernière étape, Toulouse. Avec un détour sur lequel j'insiste vers Revel, une "bastide" consacrée à l'art du meuble classique, dont l'"Institut du bois et de l'ébénisterie" nous plonge dans le ravissement avec ses outils anciens, son exposition d'objets d'art en bois précieux et sa salle de montre de magnifiques meubles de style. En cours de route, nous longeons le réservoir de Saint-Ferréol, première source d'alimentation du Canal du Midi, et nous arrêtons dans une auberge de bord de route où je déguste (contre l'avis de mes compagnons de route, qui préfèrent attendre Toulouse, mal leur en prendra) un abondant et goûteux cassoulet à la mode de Carcassonne.

29 juin 2008

Deux jours et deux nuits à Carcassonne, ça ne sera vraiment pas de trop. Autant pour avoir la chance de tout voir que pour le répit que ça nous offre après cinq jours sur la route.
Nous étions partis mercredi vers midi de Montpellier pour piquer ves les garrigues et l'arrière-pays. On voulait démarrer plus tôt, mais entre le temps qu'il a fallu à Marie et Jean pour récupérer la voiture de location (une immense Peugeot 807 hyper-automatisée), les bagages, la fermeture de la maison, etc., on a pris une bonne heure de retard sur l'échéancier prévu.
De plus, entre l'imprécision des panneaux routiers et les incertitudes d'un GPS tout neuf que nous ne maîtrisons pas encore, nous nous sommes deux fois trompés de route et nous sommes retrouvés à l'opposé de notre itinéraire planifié, sur le chemin du littoral menant à Frontignan et Sète. Joli-joli, mais imprévu et surtout beaucoup plus long. C'est finalement bien après 13h que nous retrouvons la nationale menant vers Gignac et notre premier arrêt souhaité, le lac de Salagou.
Sur la grand-place de Gignac, tous les restaurants sont en train de fermer. Par bonheur, la patronne du Brasier nous prend en pitié et nous offre de nos nourrir... à condition que tout le monde mange la même chose, un jambon paysan en entrée puis le canard aux olives, spécialité du chef et plat du jour, heureusement excellent.
Nous reprenons une petite route tout en lacets et en brusques virages, pour laquelle la carte routière n'est pas d'un grand secours malgré les efforts méritoires de Marie agissant comme co-pilote. Nous devons de plus en plus nous fier au GPS, dont les sautes d'humeur (dues en grande partie à notre manque de connaissance de son fonctionnement un peu idiosyncratique) nous incitent à le surnommer Fantasio, d'après l'inséparable complice du Spirou de notre enfance.
Le lac de Salagou est en réalité un réservoir de barrage, et nous avons de la difficulté à imaginer comment il a pu trouver place dans les guides touristiques. C'est strictement un plan d'eau artificiel sans personnalité, où les locaux peuvent faire la saucette et du pédalo. Ne valait décidément pas le détour.
Et dire que ce détour nous aura fait presque rater le Cirque de Mourèze, un dédale fantastique de rochers aux formes étranges que nous atteignons presque au coucher du soleil, bien trop tard pour effectuer une des balades fléchées à travers ses merveilles. Nous nous consolons avec la vue superbe du belvédère à l'entrée, avant de continuer jusqu'à notre première étape, Pézenas.
Le Grand Hôtel Molière où nous voulions coucher est plein à craquer; je dois faire tout plein de charme (ce qui impressionne Marie et Jean, peu au courant de cet aspect bien caché de ma personnalité) pour persuader la réceptionniste de nous dénicher une solution de rechange. Après trois ou quatre appels, elle nous trouve deux chambres à l'Hôtel Genieys, un deux-étoiles vieillot mais confortable et doté d'un parking intérieur, pas très loin. Le style "décor de vieux film" où on s'attendrait à avoir Louis Jouvet comme voisin de palier et Arletty comme réceptionniste!
Nous prenons une bouchée sous la marquise déployée au-dessus d'un coquet jardin intérieur. Marie et Jean, moins fatigués que nous, décident d'aller voir le centre-ville. Vers les 22h30, un vacarme se déclenche au-dessus de nos têtes, qui fait penser à un combat d'hélicoptères dans Apocalypse Now. 
Pas si fausse, cette impression: il y a bien combat, et il y a bien hélicoptères. C'est au petit déjeuner jeudi que Jean me raconte le fin mot de l'histoire, à laquelle lui et Marie ont assisté aux premières loges. Des bus chargés de vignerons en colère ont débarqué en milieu de soirée en plein coeur de Pézenas, en provenance de Montpellier. Ils se sont aussitôt mis à manifester bruyamment et parfois violemment, difficilement contenus par un cordon de CRS dépêchés d'urgence, tandis que des hélicos militaires surveillaient (et sans doute filmaient) la scène. Un joyeux brouhaha, dont nos compagnons de route n'ont pu s'échapper que vers une heure du matin pour rentrer à l'hôtel.
Pézenas est un très joli bourg médiéval où tout tourne autour de deux choses: Molière et les ateliers d'art. Ces derniers sont une variante moderne d'une tradition séculaire; une foule d'artisans de toutes sortes, ébénistes, relieurs, graveurs, ferronniers, luthiers, émailleurs, tisserands, etc. ont réinvesti le vieux quartier et transformé en boutiques élégantes et parfois un peu anachroniques les antiques échoppes qui constituaient les rez-de-chaussée habtuels de maisons des 13e-16e siècles très bien consevées et rénovées. Un vrai délice pour les yeux et le toucher. J'y passe une bonne heure avec Jean à flâner et photographier, tandis que Marie et Azur se prélassent au lit.
Quant à Molière, il a effectué ici quelques séjours avec sa troupe et y a écrit plusieurs de ses pièces des années 1650, qu'il jouait dans la cour de l'hôtel particulier de son protecteur, le Prince de Conti (si mes souvenirs sont bons).
Après Pézenas, Béziers, que nous explorons (trop) rapidement avant de déjeuner dans une délicieuse cour intérieure sous un bel olivier. Puis Narbonne, d'où nous piquons vers la mer et le port en "circulade" de Gruissan, dont la plage est hélas si achalandée et la mer si éloignée que nous décidons de ne pas nous baigner. Jean et Marie escaladent l'espèce de sentier de chèvre menant aux ruines du château-fort, tandis qu'Azur et moi devons endurer le verbiage bien gentil mais interminable d'un vieux du pays, d'autant moins compréhensible qu'il passe fréquemment sans s'en rendre compte du français à l'occitan et retour.
La Résidence, notre gîte narbonnais, est un bel hôtel ancien splendidement rénové, mais sans bar ni salle à dîner. Nous partons tous les quatre nous promener en ville, avec l'idée de prendre un verre et une bouchée sur la grand-place, que nous découvrons superbe avec ses arcs-boutants de cathédrale et la façade crénelée de son hôtel-de-ville médiéval. Hélas, à 19h30 à peine, tous les cafés sont déjà en train de rentrer leurs tables et leurs chaises. Drôle de ville, où les bistros ferment plus tôt que le Monoprix. M'enfin...
Azur et moi nous résignons à une pizzeria voisine (nous avons bien tort), tandis que nos co-voyageurs, plus aventureux, décident d'aller chercher un restaurant ouvert dans un autre quartier. Ils en trouveront un pas trop mal -- prétendent-ils. Adieu Narbonne.
Le lendemain avant-midi, la visite de l'Abbaye de Fontfroide est un enchantement. De la cour d'honneur à la très vieille chapelle romane, en passant par le réfectoire, la cour aux lavandes (et au vieux puits de fer forgé) et la nef abbatiale aux étincelants vitraux rouges et bleus, nous voudrions nous éterniser partout, malgré une chaleur redoutable (34° à l'ombre). Et la boutique de souvenirs regorge de trésors: disques peu connus de Jordi Savall, abondante documentation sur la période cathare, très belles reproductions d'herbiers de "plantes oubliées" qui feront un joli cadeau pour notre herboriste de nièce, Geneviève.
Cela fait que nous arrivons à notre étape la plus luxueuse et la plus gastronomique du voyage, Fontjoncouse, une fois le restaurant fermé pour la pause de l'après-midi. S'ensuit une vraie scène de comédie: Dans un premier temps, le réceptionniste de l'Auberge du Vieux-Puits veut bien nous loger, mais pas question de nous restaurer. Un maître d'hôtel et une serveuse, entendant nos éclats de voix indignés, viennent voir ce qui se passe et prennent notre cause en délibéré. Un émissaire est expédié en cuisine pour parler au chef. Ce dernier, Gilles Goujon, sort de son repaire pour constater par lui-même quelle gueule peuvent bien avoir ces clients tardifs.
Découvrant nos attaches martiniquaises, il nous confie avoir de bons copains en Martinique, notamment Glen Jean-Joseph, un des patrons de la marina qui abrite le Bum chromé. Bingo! D'un instant à l'autre, nous nous métamorphosons d'emmerdeurs de la pire espèce en vieux copains du patron, qui replonge dans sa cuisine et en ressort avec un magnifique loup de quelques kilos qu'il offre de nous préparer "selon une recette improvisée à ma façon". Comment dire non à une telle proposition, émanant non seulement d'un copain d'un copain, mais aussi d'un chef qui a deux étoiles au Michelin et trois toques chez Gault-Millau?
Gilles Goujon fait amplement honneur à sa réputation avec une improvisation qui tient de la haute voltige culinaire. Nous nous délectons sans retenue de tout ce qui passe sur la table, des amuse-gueule au dessert maison, le tout accompagné d'un remarquable muscat sec du pays, une découverte pour Marie et Jean.
Notre chambre est en réalité une suite appelée "Arum" au décor à saveur antillaise, donnant sur une jolie piscine dans laquelle nous descendons nous rafraîchir après une courte sieste. Re-restaurant en soirée sous les soins personnels du patron qui, décidément, nous a adoptés et qui est seulement un peu déçu que nous ne fassions pas plus grand honneur à sa somptueuse cuisine -- il oublie que depuis le matin nous nous sommes tapé quelques heures de route et que grâce à lui nous avons fini de déjeuner vers les 16h30! Pour lui remonter le moral avant d'aller dormir, nous promettons de revenir, peut-être en fin d'année.
Après un sybaritique petit déjeuner en bordure de piscine, nous nous remettons en route vers ce qui devrait être un des hauts-lieux de notre périple: Peyrepertuse, château cathare en ruines qui est une des cinq célèbres "citadelles du vertige", gloires de la région. Pour y parvenir, nous empruntons une nouvelle route en lacets qui grimpe et plonge au hasard des vallées profondes et des collines à demi dénudées.
Nous contournons le mignon village de Cucugnan, comme lové sur sa colline rondelette couronnée d'un moulin à vent actif et sous l'ombre d'un château médiéval haut-perché. Quelques kilomètres (et près d'une heure) plus loin, nous arrivons sous la falaise quasi verticale de Peyrepertuse, au sommet de laquelle se dressent trois ruines bien distinctes formant LE château cathare par excellence. 
Nous le contemplons d'en bas avec un mélange de fascination et d'inquiétude. La vue est absolument spectaculaire, mais le soleil tape comme un marteau sur une enclume, et la guichetière à l'accueil nous avise qu'il y a une bonne demi-heure de grimpette pour laquelle elle ne saurait trop conseiller de bons souliers de marche, des chapeaux et une provision d'eau. Compris. Seul Jean prend son courage à deux mains et décide d'escalader la montagne menant aux ruines. Pusillanimes, nous l'attendons en bas après lui avoir confié nos appareils-photo. Il redesend au bout d'une heure, enchanté mais quelque peu exténué.
Il est trop tard pour envisager de nous rendre à temps pour le déjeuner à notre prochaine étape, Carcassonne. Faisant confiance au hasard, nous faisons halte à la première enseigne rencontrée. La Batteuse est l'auberge méridionale dans toute sa splendeur folklorique. Murs de crépi jaunâtres, tuiles rouges, fers forgés et meubles de gros bois brun, le tout ouvert sur une cour-terrasse où picorent librement quelques poules sous l'oeil blasé d'une chèvre ou deux.
Au menu, des charcuteries locales en entrée, suivies au choix d'un ragoût de sanglier, d'une épaule d'agneau ou de boulettes de viande épicées, le tout accompagné d'une généreuse portion de haricots blancs parfumés. Un véritable délice, surtout marié à un corbières râpeux et presque noir provenant du village voisin. Vivent les auberges méridionales, folkloriques ou pas!

24 juin 2008

Jeudi midi dernier, nous sommes allés prendre Marie et Jean au débarquement de leur avion Montréal-Paris-Montpellier. Comme ils étaient un peu sonnés par douze heures de voyage, ils étaient plutôt contents de simplement déposer leurs valises à l'hôtel et de venir casser la croûte dans un restaurant près de chez nous. Il faut dire que nous avons un peu triché, car le "resto de quartier" était en réalité le Sequoia, un des bonnes tables de la ville dont la cuisine dite "métissée" leur en a mis plein la vue et plein les papilles.
Leur intention était de passer une semaine avec nous à Montpellier, avant de louer une grande bagnole dans laquelle nous parcourrions ensemble l'arrière-pays jusqu'à Toulouse. Là, nous leur fausserons compagnie pour rentrer à la maison tandis qu'ils poursuivront leur route vers les Pyrénées et la Catalogne pour le reste de leur mois de vacances.
Nous nous sommes retrouvés à la maison après le repas pour un digestif et un bout de planification. Comme c'était leur première visite, ils ont eu droit au tour du propriétaire, puis nous nous sommes entendus pour réduire au minimum les obligations et les horaires fixes. Ceux-ci se limitaient en gros à quatre points: samedi soir, Fête de la Musique dans les rues de la vieille ville piétonne; pendant le week-end, une courte virée à Palavas pour un plateau de fruits de mer et une saucette dans la Méditerranée; lundi, excursion à Sète, histoire de rendre visite aux cendres de Brassens, une de nos idoles à tous; enfin, mardi, veille du départ pour l'arrière-pays, déjeuner gastronomique au Jardin des Sens, une promesse que nous leur avions faite il y a fort longtemps.
Pour le reste, ils étaient libres de vagabonder seuls ou avec nous dans l'Écusson (l'immense centre piétonnier de Montpellier, un des plus beaux de France) et ailleurs dans la région, permission dont ils ont bien profité.
La Fête de la Musique a été un peu gâtée par une grève des transports publics qui a restreint nos déplacements au voisinage de la Gare et des Halles Laissac; elle a été sauvée par un bon spectacle de flamenco et de sévillane en plein air à la terrasse des Caracoles, une bodega sympa. Plateau de fruits de mer (surabondant et délicieux) et baignade à Palavas ont été un succès complet, la masse des estivants n'ayant pas encore complètement submergé la plage ni les restaurants.
Même si nous nous sommes mis en route un peu tard pour Sète lundi, la présence d'un chauffeur de taxi chaleureux et débrouillard a transformé l'expédition pourtant écourtée en réussite. Photos devant la maison natale de Brassens, arrêt prolongé sur le belvédère au sommet du Mont Saint-Clair, longue visite de l'Espace Brassens (revampé récemment avec grande intelligence) face à la plage de la Corniche et pour finir, bref détour par le Cimetière du Py où il est enterré.
Ce midi, jour de la Saint-Jean (mais qui de nous y avait pensé?), nous avons retrouvé une vieille copine, Emmauelle Jacques, pour un véritable banquet au Jardin des Sens, dont le personnel commence à nous connaître après trois ou quatre visites ces derniers mois. Il a beau avoir perdu un de ses macarons au Michelin et être en butte à pas mal de critiques, ça demeure non seulement un grand restaurant gastronomique, mais aussi une des plus belles, des plus agréables et des moins coincées parmi les tables "étoilées" de France.
Nous avions bien visé en invitant Emma. Celle-ci est l'ex d'un ami montréalais, avec qui elle a vécu plusieurs années au Québec, dirigeant une boîte de mutimédia tout en poursivant ses études à l'UQAM, avant de rentrer chez elle à Montpellier il y a quelques années. Dès le départ, Marie et elle se sont découvert des amis commun et diverses affinités, ce qui a donné au repas une texture particulièrement chaleureuse, le tout se terminant par un digestif à la maison -- et des promesses réitérées de se revoir bientôt.