28 février 2018

Montagnes russes (bis)

Une incroyable journée à la Maison Blanche.
a) Le Président Trump perd deux de ses aides les plus anciens et les plus fidèles: Hope Hicks, sa confidente et directrice des communications, démissionne après un interrogatoire de neuf heures par le Congrès sur l'interférence russe dans l'élection de 2016; Jared Kushner, son gendre, demeure officiellement en poste mais perd son accès à toutes les informations confidentielles qui lui permettraient de jouer vraiment son rôle de négociateur principal des États-Unis dans les principaux conflits internationaux (Israël-Palestine, Iran, Syrie, Russie-Ukraine, Corée du Nord, etc.).
b) Le Procureur général Jeff Sessions réplique publiquement aux critiques du Président, affirmant qu'il compte continuer à remplir son rôle de grand patron de la Justice et de la Sécurité publique «avec honneur et intégrité»: ce rôle le rend responsable de l'impartialité des enquêtes sur l'intervention russe dans la démocratie américaine et les soupçons d'obstruction à la Justice de la part de la Maison Blanche.
c) Dans l'autre sens, M. Trump adopte des positions très proches de celles de son prédécesseur Barack Obama sur le contrôle des armes à feu; en pleine vue des caméras de la télévision, il accuse ses alliés conservateurs Républicains (et quelques Démocrates) d'être «pétrifiés» de terreur face à la NRA (le principal lobby pro-armes) et les enjoint d'avoir le courage de régler le problème des tueries publiques une fois pour toutes.
d) Pour la première fois, le procureur spécial Robert Mueller franchit la «ligne rouge» que lui avait tracée le Président, en poussant son enquête dans un territoire «interdit», jusqu'aux transactions financières de M. Trump avec les oligarches russes avant la campagne électorale de 2016.
À suivre, sans le moindre doute.

16 février 2018

Montagnes russes

Un vrai spectacle de fête foraine, cette enquête sur l'intervention russe dans la politique américaine. Mais à suivre de près, car tout indique que les conséquences peuvent être beaucoup plus sérieuses que la rigolade actuelle.
a) L'accusation que 13 agents et de trois agences de renseignement russes ont oeuvré en faveur du Président Trump et contre Hillary Clinton en 2016 ne touche pas directement la Maison Blanche... sauf que le procureur spécial Mueller entrouvre la porte en affirmant que les accusés ont été en contact avec des membres «naïfs» de la campagne de Donald Trump.
b) Si jamais par la suite, il s'avérait que ces naïfs aient inclus un des trois proches du Président (Kushner, Trump Jr., Manafort) qui ont participé à la rencontre avec des représentants russes à la Trump Tower de NY en juin 2016, le fil d'Ariane des complicités – volontaires ou pas – s'approcherait à un seul pas du bureau présidentiel et de son occupant.
c) Le sous-ministre de la Justice Rod Rosenstein, en présentant l'accusation en tant que superviseur du FBI et du procureur Mueller, prend clairement ses distances avec M. Trump, qui vient de critiquer violemment l'agence policière fédérale. Et son patron Jeff Sessions, ministre en titre, se tient en retrait en prenant bien garde de soutenir les positions présidentielles.
d) FOX News, de loin le grand média américain le plus trumpien, accorde une importance majeure à cette histoire, et sur un ton critique, au lieu de l'enterrer sous une foule de simili-scandales mettant en cause l'opposition démocrate comme il le fait habituellement. Si jamais FOX lâche ouvertement Donald Trump, ce dernier sera d'autant plus handicapé que sa capacité d'influencer l'opinion publique repose en grande partie sur une présence positive dans les médias grand public, notamment ceux que suit l'électorat de droite.
e) Sur d'autres sujets, la majorité Républicaine au Sénat est de moins en moins soumise aux ordres venant de la Maison Blanche. Sur deux thèmes chers à M. Trump, l'immigration et la sécurité publique, des blocs bipartisans sont en train de se former qui prônent des approches qu'a déjà rejetées le Président. Et plusieurs élus conservateurs sont clairement mal à l'aise face aux multiples rumeurs de scandales (notamment sexuels) qui tourbillonnent autour du Bureau ovale...
f) Malgré une petite remontée dans les sondages, les majorités républicaines dans les deux chambres du Congrès sont visiblement menacées lors de l'élection «mid-term» de novembre... et M. Trump est vu par plusieurs comme un obstacle, plutôt qu'un soutien, à leur survivance. Si jamais cet automne le parti de droite perd ne serait-ce que le contrôle d'une des deux chambres, une rébellion interne débouchant sur une procédure de destitution n'est plus à écarter.

10 février 2018

Une Corée vraiment olympique

Intéressant de voir les deux Corées fraterniser pendant la tenue des Jeux de Pyeonchang. Elles pratiquent ainsi, sciemment ou pas, la «trève olympique» qui était la règle dans la Grèce classique, où tous les conflits et les guerres entre les États s'interrompaient une fois tous les quatre ans pour la durée des Jeux. Et il est tout aussi intéressant de voir les U.S.A., notamment par leur vice-président Mike Pence, s'en irriter et reproduire l'attitude de l'Empire romain, qui avait tout fait par la suite pour éliminer cette coutume pour la seule raison qu'elle imposait une «pax» qui n'était pas «romana».

04 février 2018

Une Tour de Babel repensée?

(Adapté d'une intervention sur le mur Facebook de Jean-Michel Billaut)
La Francophonie (comme ses équivalents pour l'allemand, l'espagnol...) a autant à voir avec la culture et la pensée qu'avec la langue.
Et il faut bien distinguer les variantes possibles de la traduction: oreillettes et apps sont extrêmement utiles pour les échanges pratiques, touristiques, commerciaux, mais nous sommes encore loin de pouvoir automatiser les raffinements de la poésie, des jeux de mots et de langage, les nuances philosophiques, les saveurs particulières des expressions régionales, etc. qui sont des éléments importants de toute culture; je ne suis même pas sûr que nous y parviendrons jamais entièrement.
Il faut relire là-dessus Douglas Hostatder («Gödel Escher Bach») et Wittgenstein, qui dit que «chaque langue est une carte distincte du monde» où l'on apprend sur l'humanité des choses que les autres langues ignorent.
J'utilise couramment les outils de traduction automatique... mais en même temps, je suis bien conscient que je ne «pense» pas de la même façon en anglais et en espagnol qu'en français... et je suis très heureux d'avoir appris ces deux autres langues pour cette raison. Par exemple, quand sur le site de DiEM25 sur l'Europe, je lis des interventions en allemand ou en grec traduit, cela me donne l'essentiel du sens, mais pas l'esprit particulier qui anime les auteurs, et souvent il faut quelques échanges subséquents pour désamorcer les malentendus que cela crée.
Je pense que la traduction automatique résout bien des problèmes pratiques, et notamment qu'elle permettra la survie des «petits langues» (Islandais, Finnois, Basque, dialectes chinois et indiens, langues africaines...) qui autrement auraient été écrabouillées par l'anglais ou le chinois; mais j'espère qu'au contraire de nous dissuader d'apprendre d'autres langues, elle va encourager certains d'entre nous à le faire à fond, à mesure qu'ils découvriront les qualités et les richesses propres de chacune à travers des traductions de plus en plus réussies.