25 mai 2008

23 mai 2008

Jeudi, au lendemain de l'enterrement, nous sommes partis nous installer à bord du Bum chromé pour une semaine de vacances imprévues. Il fait une chaleur écrasante, à peine tempérée par quelques souffles d'alizés au niveau de la marina. Nous nous consolons au moyen d'une savoureuse salade de langouste chez Ti-Toques. Seul véritable problème, la jambe de Marie-José qui la fait toujours souffrir, mais une visite au kinésithérapeute local lui fait le plus grand bien.
Ce qui fait que samedi, aux petites heures, nous quittons le ponton et hissons les voiles pour trois jours de bonheur en mer. Le programme, que nous suivrons presque à la lettre, est un tour de la Martinique en partant par la Côte Atlantique, la moins connue et la plus venteuse. Même si le vent du nord-est ne nous aide pas beaucoup (il faut faire du "près serré" une bonne partie du chemin, ce qui n'est pas l'allure idéale pour un cata comme le nôtre), nous progressons tout doucement au large de la Table du Diable, de la Baie des Anglais puis des récifs coraliens du Vauquelin. Arrivée vers les 14h30 sur les merveilleux Fonds blancs de Saint-François, où nous jetons l'ancre pour une baignade et un lunch de côtes d'agneau sur barbecue. Le repas se prolonge en sieste, et la sieste en mouillage pour la nuit: il est trop tard, de toute façon, pour doubler la presqu'île de la Caravelle et pénétrer de nuit dans la baie de Trinité, qui peut réserver de mauvaises surprises.
Dimanche, tout va nettement mieux. Non seulement une bonne brise nous permet de contourner à près de huit noeuds de moyenne la côte nord-atlantique jusqu'à Grand-Rivière, pointe extrême de l'île, mais les lignes que Gérard a lâchées derrière les deux coques ne cessent de siffler: en moins de deux heures, nous avons en réserve sous la trappe d'échelle de plongée deux jolis thons et deux barracudas, qui assureront abondamment nos repas d'aujourd'hui et de demain. De plus, le temps est superbe et la Montagne Pelée, habituellement voilée de nuages opaques, se dresse dégagée dans toute sa splendeur (photo).
Au large du Prêcheur, un scooter-des-mers nous croise à toute vitesse, puis revient sur ses pas: - "Vous n'avez pas vu une course de scooters?" - "Non, où ça?" - "Ben, il paraît que c'est en face de Saint=Pierre." - "Dans ce cas, vous lui tournez le dos: Saint-Pierre, c'est la prochaine commune en descendant vers le sud, justement d'où vous êtes venus!" Les deux jeunes hommes semblent peu enclins à nous croire, mais lorsqu'on leur explique que le seul endroit vers le nord où pourrait se tenir une compétition de scooters des mers est l'île de la Dominique, à deux bonnes heures de route (et hors de portée de leur réservoir d'essence), ils finissent par se rendre à l'évidence et rebroussent chemin en pétaradant de plus belle.
Nous les retrouverons une heure plus tard dans le bruyant tohu-bohu d'un grand rassemblement de tout ce que la Martinique compte sans doute de rutilants petits bolides noirs, jaunes, rouges, verts et oranges. Un tracé de régate a été dessiné au moyen de bouées jaunes au large du quai de Saint-Pierre, bloquant presque entièrement l'accès au mouillage -- au grand déplaisir de Gérard, pourtant grand amateur de courses de toutes sortes. Nous finissons par trouver à nous caser un peu plus loin en amont du grand bourg, là où le bord de mer est moins envahi par la fiesta qui accompagne la course. À notre surprise, malgré le hors-saison, le mouillage est très achalandé de voiliers venus de tous les coins du monde. Nous sommes entourés entre autres d'un danois, d'un brésilien et d'un britannique, sans compter un allemand, canadien, un acadien (probable), plusieurs français et quelques amerloques.
Une courte visite à terre pour nous approvisionner tant bien que mal (dimanche de la Pentecôte, tout est évidemment fermé sauf un snack de bord de plage qui n'a ni pain, ni légumes) est suivie d'une savoureuse grillade de thon accompagnée de pâtes à l'ail -- à défaut de riz ou de pommes de terre et malgré la vive opposition d'Azur.
Heureusement, la foire aux scooters prend fin peu après la nuit tombée, et nous pouvons dormir paisiblement au mouillage.
Lundi matin, petites provisions (cette fois, les épiceries sont ouvertes) et départ vers la dernière escale, l'Anse-à-l'Âne, ou nous allons plonger une dernière fois avant un dernier repas de poisson frais. Sitôt sortis de la Baie de Fort-de-France, le vent tombe complètement, et c'est au ronron des moteurs que nous complétons le tour de l'île autour du Rocher du Diamant pour rentrer au Marin.
Les deux jours suivants sont consacrés à de nombreux "milans" téléphoniques et à quelques visites. La copine martiniquaise Léna et son Québécois de mari Jean-Yves viennent faire un tour à bord. Lui a quitté son emploi de moniteur de plongée pour se lancer avec un nouveau patron dans une entreprise d'excursions aux baleines semblable à ce qui se pratique à l'embouchure du Saguenay. Ça démarre plutôt bien, comme nous avons pu le constater lorsque nous avons croisé leur zodiac rempli de clients exubérants lundi midi du côté de Schoelcher.
C'est finalement jeudi en fin d'après-midi que nous mettons fin à cet intermède martiniquais imprévu en reprenant l'avion pour Montpellier via Paris. Avec un petit regret, mais aussi un certain soulagement: il faisait vraiment un peu trop chaud sous les Tropiques à cette saison...

15 mai 2008

Gros changement au programme. Quelques jours après la mort d'Aimé Césaire, juste au moment où nous nous ajustions à une petite vie pépère en attendant les prochaines aventures de l'été, samedi après-midi dernier un coup de téléphone de la Martinique nous apprend une autre triste nouvelle, qu'à vrai dire nous appréhendions depuis quelque temps déjà: l'oncle Vincent d'Azur, son presque-grand frère, est décédé dans la nuit à l'hôpital La Ménard, après des années d'une vie quasi végétative. En ce week-end de la Pentecôte, vigoureusement chômé autant dans la laïque France que dans la catholique Martinique, pas facile de trouver moyen de se rendre de Montpellier aux Antilles dans les plus brefs délais. Mais Internet et le téléphone aidant, nous finissons par trouver une solution: avion de Montpellier à Charles-de-Gaulle aux petites heures du dimanche matin, navette vers Orly puis presque neuf heures de classe affaires sur Air France (à un prix exorbitant) jusqu'à Fort-de-France. Et aucune possibilité de retour avant une dizaine de jours -- le mois de mai ici est truffé de congés qui sont autant de prétextes à des départs massifs en courtes vacances. Finalement, dimanche en fin d'après-midi, nous débarquons à l'aéroport Aimé-Césaire, d'où le cousin Daniel nous emmène vers le seul hôtel que j'ai pu trouver à si courte échéance: le même Mercure Diamant où nous  avions passé une quinzaine avec ma soeur Marie, Jean et Mathieu il y a deux ans. Chambres très potables, piscine splendide et jolie vue, mais services inexistants. Et pourquoi pas nous loger sur le Bum chromé? Parce que ça voudrait dire d'incessantes navettes entre Le Marin, Fort-de-France et le Diamant pour la veillée funèbre, les funérailles et l'enterrement. Sitôt arrivé, je pique une tête dans l'eau tiède et turquoise de la piscine, histoire de me décrasser du décalage horaire. Lundi, repos et récupération grâce notamment à un très bon "matoutou" (fricassée de crabes au riz blanc), le plat traditionnel de la Pentecôte, concocté selon toutes les règles de l'art par la cousine Armande dans son resto "Chez Lucie" au bourg du Diamant. Mardi soir, c'est la veillée funèbre dans un salon derrière le cimetière La Joyaux, où vient d'être enterré Aimé Césaire. Il ne s'agit pas d'une veillée traditionnelle avec chants et contes, mais de la version moderne, qui se distingue fort peu de ce qu'on fait au Québec. Famille et amis défilent devant un cercueil à face de verre, puis s'agglutinent en petits groupes pour échanger des nouvelles et des souvenirs du défunt. La seule différence notable étant que ça se passe en grande partie dehors, par une chaleur dont nous avions perdu l'habitude. Ne connaissant presque personne, je me retire dans un coin, tandis qu'Azur est assaillie par une masse de parents ou quasi-parents dont, pour la plupart, elle ne connaissait qu'à peine l'existence et qu'elle aura oubliés le lendemain. Mais ça aussi, ça n'a rien de bien original. L'enterrement, le mercredi après-midi au Diamant, est bien plus typique et plus intéressant. Lorsque le corbillard portant le cercueil arrive devant l'église, la moitié de la population du bourg est rassemblée sur la place, la plupart soigneusement vêtue de noir et de blanc, les hommes en complet-cravate, les femmes portant souvent chapeau. Tout le monde entre derrière le cercueil sous la nef de bois typique en forme de bateau renversé, où le curé officie dans une cérémonie marquée de chants et d'un assez long éloge funèbre. Ce qu'on y apprend sur la piété et les vertus du défunt semble quelque peu étonner ses proches -- j'avais plutôt entendu parler de lui comme d'un bon vivant ayant semé des rejetons dans tous les coins de la Martinique, mais bon. M. le Curé prêchait sans doute (littéralement!) "pour sa paroisse". Au son du glas, le cortège se reforme derrière le corbillard et traverse lentement à pied une bonne moitié du bourg, jusqu'au pittoresque et fleuri cimetière en bord de mer, au quartier La Dizac. Là, on s'assemble autour du caveau familial de tuile blanche, dont la dalle fermant la crypte souterraine a été descellée. Les porteurs, aidés du personnel du cimetière, descendent précautionneusement le corbillard à travers l'étroite ouverture, dans un silence seulement meublé par le bruit de la mer voisine et par les sanglots de Gilberte, celle des enfants de Vincent qui est le plus affectée par le décès de son père. Graduellement, les conversations reprennent, d'abord à mi-voix. Des groupes se forment et s'en vont chacun de son côté, sans doute pour prolonger l'événement par quelques libations en privé, comme nous le faisons chez Jacques, le petit-fils de tante Marcelle, qui s'est fait construire récemment une jolie maison sur les hauteurs derrière le centre du village.Nous y retrouvons la tante, son fils Daniel et sa fille Yolande, ainsi que le compagnon de celle-ci, Valère.

08 mai 2008

8 mai 2008

En fin de compte, le temps à Montpellier n'a pas été si réjouissant. Une alternance de soleil doux et de vents forts et froids, sans rime ni raison, depuis bientôt un mois et demi. Un jour, on déjeune en terrasse sous un parasol au bord du bassin en contemplant une floraison incroyable de coquelicots (photo), le lendemain on se pelotonne dans l'appartement (heureusement confortable) sans la moindre envie de mettre le nez dehors.Résultat, nous avons pris l'habitude de manger au moins autant à la maison que dehors. Je finis de répertorier la mini-cave à vins que je m'étais constituée l'automne dernier à l'occasion de la Foire aux Vins annuelle: une centaine de bouteilles, bien réparties entre grands crus, vins des grandes régions et bons crus locaux. De plus, une série de petits pensums nous attendaient ici, dont le moindre n'était pas de compléter à distance les déclarations d'impôts canadiennes et québécoises, en y ajoutant les chiffres du Bum chromé que Gérard et Daniel nous ont fait parvenir de Martinique -- où, à ce qu'ils nous en ont dit, il y a eu encore plus de pluie qu'en France. Les bonnes nouvelles, c'est qu'on va avoir de la visite. Ici, où ma soeur Marie et son copain Jean viennent nous rejoindre à la mi-juin pour une semaine à Montpellier et une autre  se balader dans l'arrière-pays. Et en Martinique, où la nièce Geneviève et son nouvel ami Yves viennent passer une semaine à bord du Bum au début août.Un des charmes de Montpellier, ce sont les petits imprévus. Comme l'autre jour, après un apéro sur la Comédie pour renouer avec le copain guitariste algérien Fethi, nous avons eu droit, rue de la Loge, à un très bon concert de jazz impromptu d'un trio de musiciens de rue (photo). Et la semaine suivante, Festival des sports extrêmes (VTT, vélo acrobatique, rouli-roulant, batailles de "paintball", etc. ) juste sous notre nez sur les berges du Lez (autre photo)Dimanche dernier, petite virée au bord de la Méditerranée, au restaurant l'Artimon de Palavas, où la vue de centaines de voiles de plaisanciers s'ébattant au large nous a rappelé notre première sortie en mer en Belgique et m'a donné un petit coup de nostalgie pour le Bum chromé. Je me console en me disant qu'on y sera dans deux mois. C'est avec un plaisir un peu méchant, du genre "On vous l'avait bien dit", que nous avons lu cette semaine les bilans très critiques de la première année de Sarkozy au pouvoir. Avec ma vieille expérience de journaliste politique, je ne peux imaginer comment les gens ont pu croire que ce type-là pouvait se changer en homme d'État: tel il était comme comme maire de Neuilly et comme ministre de Chirac, tel il demeure comme Président. Égocentrique et tape-à-l'oeil, ambitieux sans retenue, incapable de faire la part des choses et de rassembler les gens même de son propre camp. Et comme dit Marianne: "Putain, encore quatre ans!".

Par contre, les dernières nouvelles de la campagne américaine nous ont réjouis: Obama a traversé sans trop de dommage la tempête médiatique (typiquement américaine) autour de ses liens avec un pasteur noir agressif, et il est sur le point de s'imposer comme le premier homme de couleur candidat sérieux à la Présidence. Souhaitons seulement que Hillary Clinton (et son ex-président de mari) cesse de s'accrocher en faisant flèche de tout bois; heureusement, ses deux derniers discours, le soir des primaires de l'Indiana et de la Caroline du Nord, et le lendemain en Virginie, ont un ton plus conciliant. Avant-hier, sortie exploratoire dans la région derrière Montpellier, en prévision du vagabondage avec Jean et Marie. Découverte de la très belle et très ancienne (804) Abbaye de Gellone (Saint-Guilhem-le-Désert, photo), étape importante sur la route méridionale du pélerinage vers Compostelle, et des gorges de l'Hérault voisines. Un vrai goût de "revenez-y".

23 mars 2008

Je reprends brièvement le blogue à l'occasion d'un court (et humide) intervalle parisien. Il y a huit jours, nous en avons eu assez de contempler la montagne de neige qui continuait de s'amonceler dans le parc derrière la maison de Montréal et nous avons avancé d'une semaine notre départ vers Montpellier. Par bonheur, nous avons pu retrouver notre hôtel chouchou de la rue Saint-Didier dans le 16e, toujours aussi agréable, avec son sympathique et débrouillard chasseur belge Pascal. Tout comme le coiffeur favori d'Azur, Marc (rue de Longchamp) et notre resto de fête maintenant presque attitré, le Passiflore de Roland Durand, où nous avons mangé jeudi avec Gisèle Maya, une amie de jeunesse de Marie-José qu'elle avait retrouvée récemment après un hiatus de plus de 40 ans. Autre plaisir parisien, un petit restaurant espagnol près de la Gare de Lyon, la Casa de Espaňa  que nous avons découvert avec le néo-Marseillais Bernard Savonet et dont le patron nous a servi une des meilleures paellas que nous ayons mangées hors d'Espagne. Nous envisagions un séjour de 10 à 15 jours à Paris, mais quatre jours consécutifs de temps gris, crachineux et frais nous ont fait changer d'idée. Dès samedi, veille de Pâques, nous avons bouclé les bagages et foncé sur la Gare de Lyon, le TGV et (espérons-le) le soleil de Montpellier. Fin de l'épisode.