03 octobre 2022

Et si on se mettait au neutre?

Plus j’écris, plus je me butte sur une faille invraisemblable de la langue par ailleurs admirable qui est mon premier outil de travail depuis toujours: un sexisme si profond qu’il est impossible de s’y mettre au neutre. 

Tout y est définitivement et souvent absurdement mâle ou femelle. Alors que quand je passe à l’anglais (ou même à l’espagnol, de façon plus limitée), j’ai accès à un troisième sexe qui n’en est pas un mais qui permet d’éviter tout naturellement les stupides et peu élégantes additions que notre relativement récente perception de cette lacune et la campagne justifiée des féministes nous ont imposées des «/e» e autres «(e)» apposées à la fin de termes obstinément masculins pour qu’il devienne possible de les attribuer à un ou des êtres de l’autre sexe. Sans parler des peu gracieux «eure» et un peu moins désagréables «trice» dont un souçon de neutralité grammaticale nous dispenserait une bonne partie du temps. 

Ce qui est déjà agaçant quand on parle d’individus sexués, humains ou autres, devient totalement indécent lorsqu’il s’agit de réalités soit collectives, soit inanimées. Pourquoi diable «une» foule mais «un» rassemblement, «une» famille mais «un» entourage, ou pire encore, «une» voiture mais «un» char, «une péniche» mais «un» chaland, etc.?

Vous direz ce que vous voulez du français et de ses charmes, il n’en reste pas moins qu’il s’agit là, quant à moi, d’«un» vice ou d’«une» carence profondément gênant/e!

01 octobre 2022

Pourquoi voter, alors?

À la veille non pas d’aller voter, mais au moins de décider si je vais y aller, je regarde non pas le programme des partis (quand c’est qu’un gagnant a vraiment cherché à réaliser ce qu’il avait promis dur comme fer, hein?), mais leur mentalité. 

Dès le départ, il y en a deux qui sont disqualifiés. Les conservateurs de Duhaime s’efforcent bêtement d’être une copie conforme de la droite américaine pure et dure, encore plus réac que les conservateurs canadiens post-Harper. Forget it, même si pour une raison totalement insondable, une bonne partie de la région de Québec semble vouloir gober cette couleuvre et si Duhaime joue assez habilement de son indéniable talent de bateleur des médias pour donner le change.

Les libéraux de Mme Anglade ont beau prétendre se ressourcer, ils s’acharnent toujours à nous convaincre que le statu quo fédéraliste est une ben bonne affaire, alors que c’est une catastrophe et un carcan dont il est impossible de sortir non seulement pour le Québec, mais pour tout le reste de ce capharnaüm post- et re-trudeauiste qu’est le Canada. Sans compter leur obstination à défendre des «droits acquis» des anglos qui sont strictement les reliquats des privilèges inadmissibles de leur passé colonialiste: pourquoi ils jouiraient d’avantages immérités que n’ont ni nos autres allophones ni les francophones du reste du Canada dépasse l’entendement. D’après sa binette déconfite à la télé vendredi, la brave Dominique-nique-nique a dû avaler de travers quelques sondages internes minables, et n’espère plus guère que sauver les meubles en comptant sur le West Island… tout une stratégie gagnante! De toute façon, depuis l’époque antédiluvienne où la suffisance arrogante de Jean Lesage m’avait fait me détourner de ce parti (pour qui je n’ai voté qu’une seule fois d’ailleurs), c’est pas cette fois-ci que je vais y retourner!

Restent la CAQ, Québec Solidaire et le PQ. Que ce dernier soit en débandade malgré les efforts (plutôt méritoires) de son chef, ce n’est que l’inéluctable conséquence de l’obstination des indépendantistes à maintenir contre vents, marées et contre toute logique un Bloc au fédéral qui a, exprès ou pas, vidé le «vrai» parti des Québécois de son dynamisme, de ses forces vives et, somme toute, de sa raison d’exister, ne lui abandonnant qu’une coquille meublée de ti’vieux dans mon genre et de jeunes rêveurs. Quand j’avais fait part de cette opinion à mon bon copain Gilles Duceppe il y a quelques années lors d’un échange impromptu au Théâtre Outremont, il m’avait (gentiment) pris pour un illuminé. Je regrette d’avoir eu aussi tristement raison... et j’ai ben d’la misère à jeter encore mon bulletin dans l’équivalent d’une corbeille à papier d’où ne sortira pratiquement aucun député!

Reste le choix final entre la relative efficacité terre-à-terre de la CAQ (qui est une sorte de Duplessisme en mieux) et le progressisme collectiviste un peu romantique et idéaliste de Québec Solidaire. Clairement, celui-ci ne prendra pas le pouvoir – quoique l’image de Manon Massé jouant les premières ministres avec sa queue de cheval, sa grosse voix et son poing sur la table devant le subtil sourire en coin de son vice-premier Nadeau-Dubois est plutôt réjouissante, non? – mais si le parti pouvait se faufiler dans le rôle d’opposition officielle, cela apporterait au moins de beaux débats, et peut-être même quelques bonnes idées qui pourraient séduire François Legault. Parce qu’à ma grande surprise, j’ai trouvé celui-ci plutôt ouvert non seulement au dialogue (nonobstant les affirmations en sens inverse de Mme Anglade), mais même au changement et à certaines innovations (pourvu qu’elles ne soient pas trop décoiffantes) lors de son premier mandat. De plus, il a trouvé le tour de se greiller d’une plutôt bonne équipe, qui a su apprendre à gouverner «sur le tas» dans un contexte pas simple du tout.

Le choix est clair, un peu difficile, mais pas désagréable au fond. C’est dit, je vais voter… mais pour qui???