17 avril 2021

À quand un réveil du Québec?

(Petite réflexion de milieu de pandémie, inspirée par un échange avec Sonia del Rio) J'avoue que ce n'est pas facile d'être optimiste ces jours-ci, mais il ne faut jamais baisser les bras définitivement. 

J'ai vécu mon adolescence dans la «grande noirceur» du Duplessisme des années 50, entre la domination apparemment éternelle du clergé et celle féroce des Anglais... et ma jeune vie d'adulte dans l'extraordinaire sursaut imprévu et libérateur de la Révolution tranquille, qui nous a débarrassés des deux en un peu plus d'une décennie; le Québec était alors l'idole et le modèle d'une grappe de petits peuples avides de liberté, Montréal une des capitales intellectuelles et artistiques de la planète (chanson, théâtre, cinéma, peinture, poésie, audiovisuel...). 

Même dans la morosité actuelle, ce peuple conserve un potentiel de dynamisme et de solidarité qui permet de toujours espérer. Il suffit de revivre en esprit non seulement le grouillement politique et social de 1960 à 1976, mais encore plus les soirées fertiles en belles folies de la vieille Assoç et du Perchoir d'Haïti, les happenings de la Casanous, les lancements chez Tranquille, les premières de cinéma (Groulx, Jutra, Carle, Perrault, Lamothe...) à l'Élysée ou au Dauphin, les Roussil et Vaillancourt du symposium de sculpture du Mont-Royal, les enivrantes expos  des plasticiens chez Delrue ou à la Galerie du Siècle, le merveilleux délire audiovisuel de l'Expo '67, les pièces des Tremblay, Gurik, Dubé au TNM, à l'Égrégore ou au Rideau-Vert, les boîtes à chansons partout en province avec les Vigneault, Dor, Pauline Julien, Gauthier, Lelièvre et cie, les murales de l'Hydro, du métro et la Moussespacthèque de Mousseau, l'Osstidcho au Quat'Sous avec Charlebois et les monologues d'Yvon Deschamps, la Nuit des Poètes au Gésu, la danse moderne des soeurs Sullivan, de Jeanne Renaud et du Groupe de la Place-Royale... Un vrai feu d'artifice que j'ai vécu en direct avec délices.

Les successeurs talentueux dans tous ces domaines sont là, qui semblent en attente de l'étincelle d'audace et d'arrogance nécessaire et justifiée qui leur manque pour exploser. Alors, je ne perds pas l'espoir d'un autre réveil national et populaire, même si je commence à douter qu'il se produise de mon vivant.