29 mai 2019

Mueller clarifie

Dans son intervention publique au Ministère de la Justice à Washington ce matin, Robert Mueller résume en 10 minutes son rapport, sans la moindre ambiguïté: (a) il confirme l'intrusion russe dans la campagne pour nuire à la candidate démocrate, (b) il rejette une probable complicité de l'équipe Trump dans cette action, (c) il refuse d'innocenter le Président quant à une obstruction à la Justice, enfin (d) il affirme l'intégrité et l'objectivité de son personnel et de son enquête. Deux choses me frappent: 
Un, Mueller contredit directement ceux qui voient le «Russiagate» comme un complot du Deep State de Washington: il met toute sa réputation d'intégrité dans la balance en insistant que son équipe et leur travail ont été scrupuleusement honnêtes, sans influence externe, et qu'il y a indubitablement eu des efforts multiples et illégaux de la Russie pour influencer l'élection contre Hillary Clinton (et donc, forcément, en faveur de Donald Trump). 
Deux, il renvoie la balle au Congrès en disant qu'il lui était impossible de poursuivre le Président pour obstruction à la Justice, mais qu'il ne pouvait non plus le blanchir de cette accusation; donc, le seul recours est politique, sous la forme d'une procédure de destitution.
Pour répondre à la mention de «documents ukrainiens et italiens» selon lesquels la campagne de Mme Clinton aurait infiltré chez Trump des agents pour fabriquer des preuves d'intervention russe, il faut préciser ceci: (1) Ces documents «prétendent montrer», ils ne présentent pas des faits concrets, jusqu'à preuve du contraire. (2) Le mandat de Mueller (donné par des dirigeants républicains pro-Trump du Ministère de la Justice à un enquêteur lui aussi républicain) le limitait à examiner des interventions RUSSES -- toute tentative portant sur des actions internes aurait outrepassé ce mandat et vicié son rapport, lui donnant un biais partisan. (3) Les actions russes ont été si nombreuses, si variées et si bien documentées que tout effort des démocrates pour en ajouter n'aurait pas changé grand chose à la réalité.
Il faut en déduire que la seule façon dont les promoteurs d'un complot du Deep State washingtonien pour fabriquer un Russiagate peuvent faire avancer leur cause est désormais une attaque frontale sur l'intégrité de Robert Mueller.
Enfin, parce que Mueller n'a pas trouvé de preuve formelle de «collusion» de la part de Trump, cela ne veut pas dire qu'il n'a rien trouvé d'important. Au contraire, il a accumulé des preuves nombreuses et solides, consolidées par plusieurs témoins et éléments matériels, d'activités russes pour influencer la campagne, soit secrètes (vol de courriels, fausse représentation de messages de citoyens américains...), soit ouvertes (publicités sur Internet et convocation d'assemblées publiques pro-Trump); il documente aussi clairement au moins onze cas d'obstruction à la Justice par le Président Trump et son équipe qui, normalement, seraient jugés des «crimes». Le rapport comprend plus de 2000 notes factuelles et est accompagné d'une masse de documentation d'appoint à l'appui de tout cela. Impossible de le comparer, comme le voudraient certains critiques, aux preuves limitées et peu documentées de la présence d'armes de destruction massive chez Saddam Hussein en 2003.

10 mai 2019

Pour en finir avec Mueller

Même si l'affaire est loin d'être enterrée comme le souhaiterait le Président Trump, le sujet peut devenir lassant à la longue. J'essaie donc d'y apporter ce qui pour moi est une conclusion (au moins temporaire?) avec ce résumé traduit du Web, qui offre de manière concise une liste des constats les plus significatifs quant à la possibilité de «collusion» entre Trump, son entourage et les Russes:
«Le Rapport Mueller, même censuré, démontre de manière importante que les gens de la campagne Trump ont facilité, encouragé ou ont donné un soutien aux activités d'intervention de la Russie et de Wikileaks dans l'élection de 2016. Le Rapport documente les faits suivants:

1. Trump était réceptif à l'initiative de son conseiller de sécurité nationale (George Papadopoulos) de créer un canal de communication discret (back channel) avec Poutine.
2. Des agents du Kremlin ont fourni à la campagne des prévisions du plan russe pour distribuer des e-mails volés.
3. Le président et le vice-président (Paul Manafort et Rick Gates) de la campagne ont sciemment fourni à un espion russe des résultats de sondage et des informations sur certains États-clés; et le président de campagne a travaillé avec cet espion sur un «plan de paix» pro-russe pour l'Ukraine.
4. Le président de campagne a partagé avec l'espion des données internes avec l'espoir qu'elles seraient transmises à un oligarche proche de Poutine, Oleg Deripaska.
5. Le président de campagne escomptait qu'une victoire de Trump aurait pour effet que Deripaska l'emploierait (Manafort) pour promouvoir les intérêts de l'oligarche aux États-Unis et ailleurs.
6. La rencontre du 9 juin à la Trump Tower: (1) ayant reçu un e-mail offrant de l'information nuisible à Clinton de la part d'un fonctionnaire Russe, Donald Trump Jr. «semble avoir accepté cette offre»; (2) des membres de la campagne avaient parlé de la rencontre à la Trump Tower avant sa tenue; (3) Donald Trump Jr. a dit aux Russes pendant la rencontre que Trump pourrait revoir le Magnitsky Act une fois élu.
7. Un membre de la campagne a déclaré au Procureur Spécial qu'il s'était «senti obligé de contester» un changement à la plate-forme du GOP sur l'Ukraine parce qu'il contredisait les voeux de Trump; cependant, l'enquête n'a pas établi que ce membre (Gordon)  obéissait à un ordre du candidat.
8. Des hackers militaires russses auraient réagi à la déclaration publique de Trump du 27 juillet 2016: «Russie, si vous m'écoutez...» dès les heures suivantes en ciblant le bureau de Clinton pour la première fois.
9. Trump a demandé à son personnel d'obtenir les e-mails de Clinton, à la suite de quoi un individu qui semblait agir en accord avec la campagne s'est vanté d'avoir réussi à contacter des hackers russes.
10. La campagne — et Trump lui-même — paraissait avoir connaissance d'avance des publications de Wikileaks.
11. La campagne coordonnait clairement ses communications publiques en tenant compte des prochaines publications de Wikileaks.
12. Michael Cohen a, au moins jusqu'en juin 2016, négocié pour l'Organisation Trump un projet de Trump Tower à Moscou, impliquant directement l'entourage immédiat de Poutine.
13. Durant la transition à la Présidence, Jared Kushner et Eric Prince ont communiqué en secret avec des agents russes. (1) Kushner a suggéré à l'ambassadeur de Russie d'utiliser un téléphone sécurisé dans son Ambassade pour le faire parler à des généraux russes. (2) Prince et Rick Gerson, un ami de Kushner, ont tenu des réunions discrètes avec un agent de Poutine pour élaborer un plan de relations U.S.A.-Russie.
14. Durant la transition à la Présidence, en accord avec d'autres membres de l'équipe de transition, Michael Flynn a parlé à l'ambassadeur russe pour empêcher une réaction symétrique de la Russie à l'imposition par Obama de sanctions pour l'interférence dans l'élection américaine; Moscou a accepté de ne pas répliquer disant qu'ils souhaitaient établir de bons raports avec la prochaine administration.
15. Pendant 2016, les membres de la Campagne Trump n'ont rapporté aux agences américaines de sécurité aucune des approches des Russes ou de WikiLeaks, ont nié tout contact avec les uns et les autres et ont encouragé activement le public à douter que la Russie soit responsable du «hacking» et de la révélation des e-mails volés. [...]
Une part importante de l'information requise a échappé aux enquêteurs de Mueller pour quatre raisons. D'abord, dit le Rapport, «plusieurs individus affiliés à la campagne Trump ont menti au Bureau d'enquête [...] ces mensonges ont faussé effectivement la recherche sur l'interférence russe dans l'élection». Deux, l'ingérence du Président Trump dans l'enquête semble aussi avoir handicapé celle-ci; un exemple clé en est l'absence de collaboration de Paul Manafort avec le Procureur Spécial parce qu'il avait été incité à croire qu'il obtiendrait un pardon présidentiel de Trump. Trois, certains individus ont utilisé des communications chiffrées ou effacé leurs échanges. Enfin, certains de ceux qui acceptaient en apparence de coopérer avec l'enquête (entre autres Steve Bannon) se sont avérés peu fiables dans leurs déclarations au Procureur Spécial; ainsi certains «oubliaient» les contenus de conversations importantes avec Trump ou d'autres interlocuteurs. Le Rapport précise que «même quand ils témoignaient ou acceptaient d'être interviewés, plusieurs ont fourni une information fausse ou incomplète».» 
(Ryan Goodman, sur le site Web «Just security»)