29 avril 2020

Une inquiétante myopie?

Je vois avec une certaine inquiétude se reproduire aux États-Unis un phénomène qui leur est chronique: une fois qu'ils ont choisi un candidat à la Présidence, ils refusent de voir ses faiblesses et le parent de toutes les vertus. C'était arrivé aux Démocrates avec Jimmy Carter en 1976, Bill Clinton en 1992 et Hillary Clinton en 2016, aux Républicains avec les Bush père et fils en 1988 et 2000 et avec Donald Trump en 2016. Je fais de rares exceptions pour Ronald Reagan, Al Gore, John McCain et Barack Obama, qui étaient des candidats valables chacun dans son genre, qu'on les ait appréciés ou pas. Certains des prétendants déficients ont gagné, certains ont perdu mais les résultats ont toujours été plutôt pénibles. 
C'est en train de se produire encore une fois avec Joe Biden – ce qui laissera à l'électeur le choix de reporter au pouvoir le catastrophique Donald Trump ou d'élire un président Biden sans dynamisme, quasi sénile et qui n'a jamais su faire preuve de vision et d'autorité. La perspective n'a rien de réjouissant, quand on pense que le prochain occupant de la Maison Blanche va devoir sortir le pays du marasme social et économique causé par une pandémie non maîtrisée en même temps que corriger un cap passéiste et divisif, bien mal adapté aux défis du 21e siècle.

21 avril 2020

Après le magasin de porcelaine

Je vois un tas de nos grands penseurs écoutés de nos gouvernants qui commencent à dire qu'il faudra être prudents et modestes dans les réformes à envisager au lendemain de la pandémie. C'est peut-être vrai que nous vivions dans un magasin de porcelaine... mais ce qu'il a en rester comme débris après le passage de l'éléphant COVID-19 va-t-il mériter qu'on le préserve précautionneusement? Pas sûr du tout!
Il faudrait peut-être suggérer à cette tribu des «sur-la-pointe-des-pieds» d'examiner ce qu'il est resté de l'empire romain après les invasions barbares (rien: la féodalité), du Moyen-âge chrétien après la Peste noire (rien: la Renaissance et la Réforme protestante); de la monarchie «de droit divin» et de l'aristocratie terrienne après 1776, 1789 et la Révolution industrielle (rien: la démocratie bourgeoise et le capitalisme).
C'est ce qui me fait croire que le réalisme d'après la pandémie ne sera pas celui des petits pas, mais celui de chercher à reconstruire courageusement sur les ruines avec une architecture plus solide et plus résistante aux secousses subites.

11 avril 2020

COVID-19 et les vieux

J'écoute le premier ministre François Legault faire le mea culpa du Québec sur la négligence manifestée par le gouvernement et par la société à l'égard des gens âgés. Je reconnais qu'il a l'humanité et l'intelligence de souligner que la question ne se limite pas à la santé et à la durée d'une épidémie, mais doit faire l'objet d'une préoccupation plus vaste et à plus long terme.
Par ailleurs, cela me remet en mémoire la dernière conversation que j'avais eue avec René Lévesque avant son élection. C'était à l'automne 1976, j'étais coincé sans moyen de transport à Sorel à la sortie d'une assemblée électorale du PQ que j'avais couverte pour La Presse. Le futur premier ministre, éclatant de rire, m'a touché l'épaule: «Embarque avec moi, je te ramène en ville.» 
Nous nous sommes donc retrouvés seuls dans sa voiture (il n'avait pas encore de garde du corps); quelque part avant Boucherville, arrêt obligé pour acheter des cigarettes et bon prétexte pour prendre une bière dans le grill d'un motel de bord de route. Suite à ma question: «Si vous êtes élus le 15 novembre, ce sera quoi, vos vraies priorités?», j'ai eu droit à un long soliloque assez émouvant sur exactement ce thème du vieillissement prochain de la population et des mesures diverses qu'il allait falloir prendre pour y faire face. 
Il y aura bientôt 45 ans de ça... et ce qui se passe montre à quel point le dossier n'a pas progressé au rythme de l'évolution de notre société pendant ces près de deux générations...

10 avril 2020

Un Chinagate «made in USA»?

Il est intéressant de noter que les Américains sont les seuls à affirmer que la Chine a falsifié par malveillance ses statistiques d'épidémie de coronavirus. Plusieurs pays (et des responsables de l'OMS, contrairement à ce que prétend la Maison Blanche) estiment que les chiffres sont sujets à caution, en raison de la précipitation, de la panique, du manque d'expérience, mais pas à des fins de propagande.
Plusieurs constats vont dans ce sens:
  - Les services de renseignement de Washington ont publié des chiffres gonflés, mais ils n'ont pas trouvé de vraies statistiques à révéler, pas de ventilation par région ou par date et ils n'ont identifié aucune source sérieuse pour leurs soupçons au sein de l'immense communauté médicale chinoise (qui est souvent critique à l'égard de son propre gouvernement).
  - Dès que la Chine a dépassé la pointe de l'épidémie, elle a envoyé des équipes médicales spécialisées et du matériel dans plusieurs pays - ce qui aurait été imprudent et imprévoyant si la crise n'avait pas vraiment pris fin chez elle: les gouvernants chinois n'ont pas plus envie que ceux des autres pays de risquer leur propre santé et leur propre vie pour renforcer une simple propagande de parti. Puis les États-Unis se sont précipités pour acheter du matériel à Pékin - volant même des marchandises déjà acquises par certains de leurs alliés (France, Canada ...). Auraient-ils osé le faire s'ils avaient été convaincus que le virus mortel contagieux courait encore en liberté pour infecter les avions, les emballages et les marchandises?
  - Depuis lors, avec les yeux du monde concentrés sur Wuhan et des observateurs étrangers sur le terrain pour vérifier, les chiffres publiés par les autorités chinoises sont restés remarquablement cohérents avec les courbes existantes basées sur leurs publications précédentes et avec les tendances documentées de manière fiable ailleurs.
  - Pékin dit que la plupart des nouveaux cas signalés depuis sont dus à des personnes venant de l'extérieur du pays ... ce que même Washington ne conteste pas. Si la pandémie avait été tellement plus étendue en Chine que ce qui est admis, il est peu probable qu'elle aurait pu être écourtée aussi facilement et complètement qu'elle l'a été, si nous regardons comment le reste du monde peine à atteindre le même résultat.
Il est vrai qu'au début, Beijing a tenté (comme la Maison Blanche d'ailleurs) de masquer ou minimiser la gravité du problème, bâillonnant certains de ses experts et suggérant même que le virus était une création américaine; mais sitôt que la crise a émergé dans la conscience publique, les dirigeants chinois semblent avoir été plutôt transparents et cohérents sur le sujet.

09 avril 2020

Gauche-droite, en avant!

Deux approches dans l'évolution de la production et de la main-d'oeuvre deviennent particulièrement intéressantes face à la crise économique déclenchée par la pandémie de la COVID-19. Il est ironique que l'une d'entre elles soit combattue par la gauche, et l'autre par la droite.
D'une part, il est évident que plus une industrie ou un secteur commercial est informatisé et robotisé, moins il sera affecté par un problème médical qui n'affecte que les travailleurs humains. Donc, peu importent les profits accrus qu'elle promet aux entreprises – et que dénoncent violemment les syndicats et les mouvements progressifs – , l'automatisation a sur l'ensemble de l'économie un effet significatif de stabilisation avantageux pour toute la société. Elle aurait à tout le moins, dans le contexte actuel, réduit le nombre des congédiements subits, aussi bien que des vagues de faillites d'entreprises.
D'autre part, dans un système aussi fortement dépendant sur la consommation que celui où nous vivons, l'existence d'un revenu universel garanti à l'ensemble des consommateurs et de leurs familles (une mesure détestée et condamnée par les conservateurs et les milieux d'affaires) aurait atténué le choc causé par un brusque sursaut du chômage, puisqu'il n'aurait eu sur le niveau de dépenses des ménages qu'un effet restreint. Il aurait aussi évité au secteur privé de pénibles ruptures dans la production et la distribution de certains biens indispensables et aux gouvernements des déficits publics difficilement soutenables pour venir au secours des plus démunis.
Est-il possible d'imaginer que, dans le monde de l'après-coronavirus, gauche et droite accepteront de mettre de l'eau dans leur vin et de faire les compromis nécessaires pour que l'investissement massif exigé par l'automatisation et ses effets sur la main-d'oeuvre soient compensés par un filet de sécurité sociale et économique repensé en fonction des conditions du 21e siècle? Il fait peu de doute qu'une double évolution en ce sens aurait pour conséquence bénéfique une infrastructure économique nettement plus robuste face à des évènements catastrophiques imprévus, pour le bien autant des travailleurs que des patrons.

07 avril 2020

Penseurs et militants...

Plus on plonge dans «l'ère du coronavirus», plus je suis frappé par le caractère partiel et temporaire des mesures prises pour lutter contre la COVID-19. Bien sûr, les autorités et les acteurs de première ligne doivent traiter rapidement les aspects médicaux, sociaux et économiques immédiats du vaste problème que pose la pandémie. Mais très peu de gens semblent se préoccuper des changements plus durables et plus vastes que nous devrons apporter à notre mode de vie, de travail et de consommation afin d'assurer une sortie juste et efficace de la crise et d'éviter des événements similaires à l'avenir.
Alors que le personnel médical lutte contre la maladie, que les gens d'affaires tentent d'en minimiser l'impact sur l'industrie, le commerce et la main-d'œuvre, que les individus et les communautés adoptent des habitudes et des gestes de distanciation pour contrôler la contagion, que les gouvernements fournissent l'équipement nécessaire et une aide financière instantanée aux plus nécessiteux, il est probablement vital que les intellectuels et les activistes se mettent au travail sur ce à quoi devrait ressembler le «monde post-coronavirus». Il peut sembler tôt pour le faire, mais en revanche il n'y a pas de temps plus propice que maintenant pour une réflexion et un débat virtuel: nous sommes presque tous assis à la maison avec peu d'autre chose à faire que de suivre ce qui se passe et d'échanger des pensées et des informations avec nos correspondants à travers le monde. Profitons-en!
Discuter et critiquer ce qui se fait sur le terrain contre l'épidémie, spéculer sur son origine et pointer des coupables peut être très amusant, mais je ne pense pas que cela changera quoi que ce soit dans la progression des événements. Identifier, débattre et valider les réformes à long terme susceptibles de faciliter la transition vers un avenir meilleur et plus sûr, CELA PEUT CHANGER LES CHOSES. Pourquoi n'appliquons-nous pas au moins une partie de notre énergie et de nos connaissances à cette tâche (en particulier dans le contexte d'un rôle redéfini pour des mouvements tels que DiEM25 au lendemain de la crise actuelle, tant en Europe que dans le monde)?
Que diriez-vous: de parler de:
  - concevoir une réforme politique axée sur les citoyens?
  - redistribuer la richesse dans une éventuelle situation de chômage permanent?
  - renforcer la robustesse et l'indépendance du réseau de communication virtuelle?
  - améliorer les systèmes de santé publique et le réseau de sécurité sociale?
  - repenser les règles d'immigration, de traitement des réfugiés, de citoyenneté?
  - harmoniser la protection de l'environnement avec ses effets sur les réalités sociales et économiques?
etc.