29 septembre 2022

C’est pas fini!

Le décès tragiquement subit de Marie-José m’amène à faire un inventaire non seulement matériel, mais moral et intellectuel, de mon environnement. Cela implique une nouvelle démarche «dérivée» qui consiste à occuper le vide navrant de mon deuil en faisant le tour de divers ouvrages et projets que j’ai envisagés ou entrepris au long de ma vie mais soit pas menés à terme, soit pas concrétisés ou publiés.

Je ne suis sans doute pas le seul à m’être trouvé dans une pareille situation comme je franchissais le seuil des 80 ans. Je constate simplement que j’ai connu un bon nombre de tels faux départs ou manques d’aboutissement, dont certains auraient sans doute mérité un meilleur sort. Pourquoi sont-ils restés en friche? Ce n’est pas que je me sois montré plus velléitaire ou plus paresseux que la moyenne (je ne crois pas l’être), mais deux facteurs ont surtout joué pour me faire, sans doute plus souvent que d’autres, laisser tomber une entreprise prometteuse en cours de route. D’abord mon caractère procrastinateur reconnu a fait qu’il m’est arrivé sans doute plus qu’il n’aurait dû de mettre de côté un projet pourtant valable pour passer à autre chose de plus urgent ou attrayant en me jurant que j’allais y revenir bientôt… et en s’étirant à perte de vue ou de mémoire, le «bientôt» se transformait éventuellement en «jamais». Deuxièmement, le fait d’exercer le métier de journaliste, dont le parcours et la vision des choses sont dictés par les impératifs de l’actualité la plus frappante, s’est combiné chez moi à une vaste curiosité qui me faisait m’intéresser tour à tour ou simultanément à une multitude de domaines et de sujets, résultant en une dispersion de mon attention dans une variété de directions divergentes. Et cela, d’autant plus que loin d’avoir le génie (que j’envie) d’un seul genre d’ouvrage, je jouissais du dangereux privilège d’être plus ou moins doué de talents dans plusieurs domaines – et de l’envie irrésistible d’acquérir encore d’autres compétences sans aucun rapport avec celles qui m’étaient propres.

Un rapide tour d’horizon m’amène à dresser une liste préliminaire plutôt bien fournie:

• Des livres: «Refaire le monde», devenu «Un Monde meilleur» pour cause de pandémie, un essai – complété mais non publié – sur la nécessité de repenser la démocratie comme préalable aux diverses réformes nécessaires au 21e siècle; «Jouer ma vie», premiers chapitres de l’autobiographie d’une existence dont le parcours a (trop?) souvent été dicté par un coup de dés réel ou figuré; «Papa Pedro et le Printemps cosmique», un panorama ambitieux mais incomplet des volets culturels et sociaux souvent ignorés de la Révolution tranquille des années 1960 au Québec, dont j’ai été un témoin et un bénéficiaire.

• Des pièces de théâtre, des ébauches de romans, des recueils de nouvelles, des poèmes et chansons trop nombreux pour être  cités en détail, trop fréquemment laissés à l’état de brouillons, de schémas ou même de notes griffonnées ici et là.

• Des entreprises, notamment «Infoterra», né d’échanges avec le merveilleux et souvent irritant Jacques Languirand (cela consistait à refaire des Îles de l’Expo-67 une nouvelle zone d’exposition universelle, cette fois consacrée aux technologies et aux sciences de l’information) – un projet bien charpenté mais jamais présenté aux autorités pertinentes; et le NERF avec Vallier Lapierre, une passerelle virtuelle de communications et d’échanges économiques inter-régionaux orientée vers la Francophonie – qui est restée à l’état de présentation visuelle et de références dans une newsletter électronique.

• Des programmes informatiques, entre autres un compilateur de langage FORTH – dont une version préliminaire aurait été utilisée par la recherche de l’industrie spatiale française; (avec mon ami algérien disparu Kada Hechhad) un logiciel de gestion technique et financière de productions cinéma ou vidéo; «Infosouk», un modèle avant l’heure (1995-97) de réseau social complet, coopératif et solidaire, contrôlé par ses usagers; enfin (sur la base des travaux théoriques de mon cher, excentrique et brillant aîné Yves de Jocas dans les années 1970-80) un outil convivial, en grande partie automatique de validation ou démenti des masses indigestes de rumeurs et d’informations qui circulent sur l’Internet et particulièrement dans les réseaux sociaux.

Etc…

16 septembre 2022

Plein emploi et pénurie de main d’oeuvre

 Écoutant d’une oreille pas très attentive le débat québécois des chefs jeudi soir, il m’a semblé qu’un volet du problème très particulier de l’emploi était complètement occulté ou presque, celui de l’exploitation des technologies d’automatisation et de robotisation. Je fais appel aux experts dans le domaine, comme mon ami Pierre Sormany, pour l’y réinjecter (avec ses pour et ses contre).

Que le plein emploi soit réalisé au Québec d’une façon spectaculaire ne signifie pas que la question est réglée, loin de là: un effet pervers de cette réussite est que nous faisons face à une pénurie de main d’oeuvre aux deux bouts de l’éventail des tâches. D’une part manque de spécialistes dans les domaines de pointe, et plus gravement encore, carences majeures dans les secteurs clefs du tertiaire social: éducation, santé, services aux personnes (y compris la restauration et l’hôtellerie).

La solution n’est certes pas d’aller «voler» des travailleurs, surtout qualifiés, dans des pays moins riches qui se saignent pour les former et en ont encore plus besoin que nous, comme semblent le vouloir chacun à sa façon caquistes et libéraux. Je pense qu’elle consiste plutôt à accélérer et privilégier intelligemment l’automatisation la plus complète et la plus rapide possible dans les secteurs appropriés, notamment dans le primaire, le secondaire, les services à distance. Ça me paraît la seule manière efficace de libérer  des travailleurs pour occuper deux bassins distincts de main d’oeuvre: d’une part, celui des tâches qui ne sont pas automatisables – services sociaux, enseignement, santé publique, domaine créatif et artistique; d’autre part celui des professions exigeant une formation très poussée, donc plus longue.

Cela veut dire faire tout le contraire de ce que favorisent nos gouvernements, ici et ailleurs, en cours et en fin de pandémie, avec leur fixation sur les «bonnes jobs» industrielles; une stratégie qui ne peut qu’accentuer l’actuel déséquilibre dans l’emploi et les carences qu’il implique.