13 décembre 2021

Amérique et Premières Nations

J’ai le plus grand respect pour les droits, les croyances et les coutumes des peuples autochtones, mais... Sans doute de façon atypique, j’ai été élevé dans une famille où leurs portraits ornaient les murs de notre maison, leurs récits avaient place dans notre bibliothèque et nous avions avec eux de fréquents échanges. Ma grand-mère a égayé notre enfance des souvenirs heureux qu’elle avait gardés de ses condisciples huronnes chez les Ursulines de Québec à la fin du 19e siècle. Mon père avait des amis aussi bien à l’Ancienne-Lorette près de Québec que dans la réserve de Tobin, à côté de notre village ancestral de Trois-Pistoles. Mon frère et moi avons partagé de courtes périodes de leur vie dans notre adolescence, lors d’emplois d’été dans les forêts de l’Abitibi et de la Côte Nord.

C’est ce qui m’autorise et m’incite à exprimer une certaine inquiétude face à l’importance médiatique qu’ils prennent ces temps-ci. Oui, leurs griefs à l’égard de la majorité d’origine européenne sont valides et sérieux. Oui, ils ont droit à leur dignité et à leur différence. Mais à trop insister là-dessus sans faire la part des choses quant aux réalités planétaires du 21e siècle, cela risque d’avoir exactement l’effet contraire de ce qu’ils souhaitent et méritent. 

Soyons réalistes: jamais ils ne reprendront le contrôle de l’ensemble des immenses territoires qui étaient leurs avant notre arrivée en Amérique; jamais ils ne convaincront les majorités diversifiées d’immigrants qui les ont envahis d’adopter même partiellement leur vision ni leur manière de vivre. Et même s’ils le faisaient, cela n’aurait jamais l’amplitude nécessaire pour résoudre le problème de maintenir notre continent et notre planète dans l’état d’un environnement vivable et confortable pour l’immense multitude des populations qui l’occupent désormais; sans d’énormes compromis avec leur tradition, le résultat serait catastrophique aussi bien pour eux que pour le reste du monde.

Ils ont donc le choix entre trouver un tel compromis et un inévitable refoulement dans des ghettos sans doute plus confortables, mais aussi contraignants que leurs actuelles «réserves» canadiennes et américaines et leur statut très inconfortable dans la plus grande partie de l’Amérique latine. Or, d’une part la fenêtre pour exercer ce choix est réduite: dès que les pressions de l’actualité les occulteront de l’avant-scène des médias (ce qui se produira inévitablement), ils n’auront plus guère de force de négociation face à des majorités qui controlent les leviers politiques et financiers et dont les préoccupations quotidiennes sont bien éloignées  des leurs. Et d’autre part, qui d’autre qu’eux, sauf une minorité d’écologistes convaincus mais sans réel pouvoir décisionnel, peut élaborer une formule à cheval entre leur tradition et notre modernité et mener les négociations qui auront la moindre chance de la mettre en oeuvre?

D’où mon inquiétude.


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