30 juillet 2019

Entre deux continents

Un mois de juillet actif, sinon mouvementé, la moitié en Martinique l'autre à Montpellier.
Au retour de la petite navigation sur la Côte Caraïbe, nous avons croisé nos anciens voisins du ponton 6, Michel et Florence (lui Suisse, elle Montpelliéraine et leur monocoque, par un heureux hasard, la «Marie-Joseph»), ce qui a donné lieu d'abord à quelques libations dans un bar voisin puis sur le Bum Chromé – j'ai toujours une bouteille de bon pastis de côté à l'intention de notre méridionale copine – puis un souper d'adieu gastronomique au Zanzibar.
Il y a aussi eu une nécessaire mais désappointante re-visite au Diamant; Azur a bien salué la tombe familiale, mais ni les cousins Larcher ni le vieux vagabond Pancho (qui s'est mis au vert à la Dizac) n'étaient chez eux. Le chauffeur de taxi, un nouveau, nous a redéposés tout drette chez Marin Mouillage, où Lucille et Gaston nous ont fait la fête pour nous consoler. Et je n'ai même pas pu joindre ni Philippe Ursulet, le charmant chabin jazzomaniaque, ni l'ex-ex-ex (années 60) d'Azur Alex Cressan, dont il paraît que la santé n'est pas au mieux. En compensation, Daniel a déniché LA bouteille de Depaz cuvée 2002 que j'avais vainement cherchée à Saint-Pierre, et il y a rajouté un étonnant rhum vieux cubain rapporté d'une excursion là-bas. Je ne serai pas en manque...
Le jeudi 11, nous sommes repartis pour Paris après un dernier lunch antillais et un ti'punch au cocon-salon de l'aéroport. Le confort à bord des vols d'Air Caraïbes s'est encore amélioré, la cuisine et la gentillesse du service conservent leur très bon niveau – et le prix de la classe Madras (affaires) est à peine plus élevé que celui de la classe touristes d'Air France. Heureusement que nous avons passé une bonne nuit en vol, car on nous a débarqués non pas dans un couloir de l'aéroport d'Orly, mais sur le tarmac au bout du monde. Heureusement, deux acolytes antillais charmeurs ont aidé Azur à descendre les trois volées de marche jusqu'à terre, puis à monter dans le minibus jusqu'à l'aérogare.
Malgré ça, nous étions en avance sur les prévisions; le taxi d'Orly nous a déposés avec des soins attentionnés à la Gare de Lyon à 10h à peine, longtemps avant notre TGV de 14h07. Impossible de changer de train (tout était bondé, c'était le début du week-end de l'exode national du 14 juillet), il a fallu nous résigner à aller faire bombance au Train Bleu, probablement le plus spectaculaire resto de gare au monde, qui a pris un bain de jouvence sous la gouverne du chef étoilé Michel Rostang.
Service plus qu'attentionné: on nous a pris en charge au pied de l'ascenseur (bien caché) qui monte de la gare vers la salle à dîner, et pendant qu'un personnel bourdonnant s'activait à la mise en place – il n'était pas encore 11h – , une hôtesse nous a installés à une bonne table donnant sur les baies vitrées qui surplombent les quais et nous a munis d'un odorant muscat de Baumes-de-Venise et d'un bon scotch en attendant que la cuisine soit ouverte. Après des entrées légères, nous nous sommes attelés au plat phare de la maison, un énorme filet de turbot au beurre blanc à partager. Rien d'original ni d'imprévu, seulement la rare réussite qui vous fait dire: «Ha! C'est exactement comme ça qu'un turbot devrait toujours goûter!» Le temps d'un dessert pour Azur et d'un café pour moi, on nous a raccompagnés avec la même galanterie jusqu'à la salle d'attente pour les voyageurs ayant besoin d'assistance.
Arrivée sans histoire à la gare Saint-Roch vers 18h et taxi (pas très prévenant) jusqu'à la Résidence Les Palmiers, où heureusement un vieux voisin, surpris de nous voir, nous a donné un coup de main avec les bagages. Comme toujours l'appartement était dans un état impeccable, le frigo et le bar garnis et la clim en marche.
Le lendemain, le voisin du dessous André Chantefort nous a entendus par la fenêtre et s'est pointé pour le pot de bienvenue, avec une tige de laurier-rose flamboyante (coupée sans doute dans le parterre en bas) pour Azur. Pour le reste, nous avons vivoté jusqu'à l'arrivée de notre femme de confiance Ingrid avec son fils Christian mardi midi. En défaisant les bagages, je me suis aperçu que j'avais oublié au Marin les timbres de morphine qui rendent supportable les douleurs d'arthrose à la hanche et au dos. Ayoye! Le succédané trouvé dans une pharmacie locale n'est pas vraiment à la hauteur, mais bon.
Depuis, pas grand-chose à signaler. Hélas, Azur est retombée dans ses mauvaises habitudes de somnolence tardive et n'a en deux semaines mis le nez hors de l'appartement qu'une seule fois, malgré mes ruses de Sioux pour l'aguicher. Beaucoup d'heures passées devant la télé. D'abord à nous régaler de la somptueuse finale de Wimbledon en cinq sets lourds de revirements entre Djokovic et Federer (qui aurait dû gagner, à mon avis); ensuite à regarder les péripéties du Tour de France 2019, qui en valait vraiment la peine. Cette année, pas de super-vedette donnée gagnante d'avance, mais de brutales étapes de montagne aux résultats imprévus dans les Pyrénées et les Alpes, couronnées par deux épopées de quasi-inconnus: le Français Julian Alaphilippe, qui à l'ébahissement de tous les commentateurs a conservé le maillot jaune pendant deux semaines avant de l'abandonner (avec soulagement? on le dirait presque) deux jours avant la fin; ce qui a permis le triomphe modeste mais mérité d'un tout jeune Colombien, Egan Bernal, dont la joie étonnée, partagée avec toute sa famille dans un entrain très latino, faisait plaisir à voir. Même une canicule féroce la dernière semaine (Paris et plusieurs autres villes ont battu des records de chaleur) n'a pas réussi à gâter le spectacle.
J'ai au moins une fois respiré l'odeur de la Méditerranée, de la terrasse d'une des multiples «paillotes» qui bordent les immenses dunes de sable entre la mer et les étangs du côté de Carnon; au menu, de délicieux couteaux, ces espèces d'huîtres longilignes qu'on ne trouve que pendant quelques semaines au milieu de l'été. Vendredi dernier, profitant d'un retour à la fraicheur, je me suis hasardé (seul, hélas!) à aller célébrer les Estivales sur l'Esplanade au bout de la Place de la Comédie. Comme toujours, la moitié de la ville tourbillonnait autour des étals de bijoux, châles et écharpes, chandelles et parfums, livres et dessins, s'attablant ici et là pour quelques bouchées et un verre ou deux de vins locaux. 
Pour une vingtaine d'euros, j'ai eu droit à une abondante brasucade de moules et un demi-magret de canard grillé à l'aligot, arrosés d'un joli rosé et d'un rouge corsé. En prime, j'ai ramené à la maison une douzaine de churros aussi appétissants que ceux de Mazagon ou de Barcelone, pour tremper dans mon café du lendemain. Et pour la moitié du prix, j'ai rapporté à Azur un plateau d'une demi-douzaine d'huitres de Bouzigues, autant de bulots et quatre belles crevettes. Qui dit mieux?

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