08 mars 2022

Si vis pacem...

 Je suis un peu étonné d’un côté va-t-en-guerre que je ne connaissais pas à Jean-François Lisée, mais sans aller aussi loin que lui dans son article au Devoir, je suis plutôt d’accord sur le fond. La question n’est plus: Guerre ou pas guerre? mais: Guerre maintenant ou plus tard?

En effet, Vladimir Poutine a ouvertement affirmé sa volonté d’en découdre. D’abord en envahissant l’Ukraine avec le plus de force possible; en faisant une campagne qui vise clairement des cibles civiles pour terroriser la population; en menaçant des centrales nucléaires; en rejetant toute restriction à ses manoeuvres aériennes; en frappant de censure tous les médias aptes à diffuser une information objective sur les évènements en cours; en exigeant que les civils empruntant les « corridors de sécurité » se retrouvent en fait prisonniers de guerre et otages en Russie; en prétendant que les sanctions économiques à l’égard de la Russie sont l’équivalent d’une déclaration de guerre, alors que c’est lui qui a déclenché la guerre contre un État voisin qui n’avait eu aucun geste agressif à son égard. 

Pourtant, cette posture a tout d’un bluff, si on considère les réalités suivantes, révélées par les deux premières semaines de campagne: la lenteur de la progression de ses forces terrestres en territoire ukrainien malgré la faiblesse relative de l’armée de Kiyv et sa propre supériorité aérienne incontestée; les lacunes évidentes de la logistique de ses troupes, dont une partie sont paralysées par un manque d’organisation, de carburant et d’équipement; la faible efficacité de ses soldats, faute d’entraînement et d’expérience. Face aux forces mieux équipées et mieux entraînées et aux ressources bien plus vastes de l’Otan, il est presque certain que la Russie ne ferait pas le poids dans un affrontement conventionnel.

Le seul argument qui joue en la faveur du Kremlin est une incontestable puissance nucléaire qui fait froid dans le dos; mais il ne faut jamais oublier que cet argument est suicidaire, car à double tranchant – s’il menace effectivement de causer des dommages monstrueux aux cibles visées, il est clair que son propre territoire n’est en rien à l’abri d’une riposte du même type, et que la seule issue possible est la destruction totale ou presque de son propre pays, qu’il réussisse ou non à faire subir le même sort au reste de la planète. Dans ce contexte, quel que soit l’ascendant de Vladimir Poutine sur son commandement militaire, on peut très bien se demander s’il convaincra ce dernier de se lancer à fond dans une telle aventure – l’idée qu’il détient seul le «bouton rouge» de déclenchement de la guerre totale ne tient pas debout, connaissant la profonde méfiance mutuelle qui existe entre les dirigeants russes. 

Mais le temps compte, et plus les amis de l’Ukraine hésitent et se retiennent d’agir décisivement, plus des succès probables sur le terrain risquent de conforter l’agresseur, bien avant que les sanctions économiques ne le forcent à reculer. En revanche, une intervention militaire immédiate ne fait certainement pas l’unanimité chez les membres de l’Otan et leurs alliés des autres continents, et la réaction des rares appuis (la plupart de circonstances) externes de la Russie est imprévisible.

Quoi faire alors?  Il faut se fier à la vieille maxime qui a maintes fois fait ses preuves: «Si vis pacem, para bellum». 

  • Dans un premier temps, déclarer clairement que les puissances occidentales ne rejettent plus l’hypothèse d’une intervention militaire. Mais en précisant que cette action aurait pour seul objectif de libérer l’Ukraine de la présence militaire étrangère, et ne s’en prendrait jamais au territoire russe lui-même ni à sa population (ceci pour montrer qu’il n’est pas question de tomber sous une des quatre situations dans lesquelles Moscou se croit justifiée d’employer l’arme nucléaire). 
  • Aussitôt cela fait, commencer à préparer visiblement l’avance de troupes terrestres et aéroportées et les vols de surveillance aérienne et mettre en place des batteries mobiles de missiles anti-chars et anti-aériens dans les pays de l’Otan aux frontières de l’Ukraine et dans les mers au large de ses côtes. 
  • Enfin, aviser publiquement Poutine qu’à défaut d’un cessez-le-feu général immédiat accompagné de pourparlers de paix, on lui accorde un délai raisonnable mais limité pour se retirer en bon ordre, sinon les forces alliées viendront directement à la rescousse des Ukrainiens, et la Russie sera tenue financièrement responsable de tous les dégâts résultant de son invasion; de plus, l’Otan examinera immédiatement la possibilité d’inclure dans ses rangs le pays agressé, y compris les territoires contestés du Donbass et même de la Crimée; enfin et surtout, en cas de frappe nucléaire russe, les frontières du pays et Moscou elle-même ne seront plus considérés inviolables contre toutes les formes de riposte. 

Ce message sera diffusé sur papier, par Internet, radio, télévision et haut-parleurs partout en territoire ukrainien et dans les régions frontalières russes, accompagné de vidéos ou d’images des exactions commises par les envahisseurs. Il servira également de mise en garde au reste du monde. L’idée est simple: convaincre non seulement Poutine, mais le peuple russe dans son ensemble qu’ils ont beaucoup plus à perdre qu’à gagner à la poursuite de cette guerre, peu importe son issue, tout en dissuadant tout pays tenté de  leur venir en aide de sortir d’une prudente neutralité.

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