29 décembre 2012

Bonjour l'hiver!

Pas grand-chose d'autre à raconter du séjour à Paris, sauf deux agréables découvertes, juste en face de la Gare Saint-Lazare. Le Marco Polo n'a d'italien que le nom. C'est l'archétype du grand bistrot parisien à voyageurs, toujours rempli, bruyant, pressé et brouillon, avec l'offre la plus classique: choucroute, bavette et entrecôte, saucisses grillées aux lentilles, mais le tout irréprochable... Son voisin est une autre histoire: Mollard est une brasserie de fruits de mer datant de la Belle époque, qui vient d'être remise à neuf dans son style originel, absolument spectaculaire -- et délicieux en plus, des belons et bulots à l'île flottante, en passant par la sole meunière et les gambas cardinal.

Aussi, lors d'une balade en bus du côté des Invalides, rencontre d'un jeune couple de Gabonais dont la jeune femme a une des plus belles têtes d'Africaine que j'aie vues depuis longtemps, et que je ne puis me retenir de partager avec vous.
Le retour à Montréal s'est effectué comme un charme même si nous n'étions pas enchantés de devoir prendre l'avion le 24 décembre – rien de disponible avant. Il fallait bien sûr nous lever à l'heure des poules (en pleine nuit, même) car notre vol décollait avant onze heures; heureusement l'hôtel nous a servi un petit déj abrégé mais soigné et, contrairement à mes craintes, pas d'embouteillage sur les périphériques et l'autoroute.
Air France a aménagé à l'aéroport Charles-de-Gaulle une "voie express" pour ses passagers les plus choyés: non seulement une priorité à l'enregistrement, mais des raccourcis au contrôle des passeports et à la sécurité. Et un immense salon confortable près de la zone d'embarquement, desservi par un personnel non seulement empressé, mais presque jovial – à cause des Fêtes?
Même la veille de Noël, l'avion était rempli... mais à notre surprise ravie, pas de file d'attente à l'immigration à Dorval, puis un nouveau système automatisé (rapide) pour le passeport et le formulaire de douanes et moins de dix minutes d'attente au carrousel à bagages. Trois-quarts d'heure à peine après l'atterrissage, nous débarquions devant la maison en début d'après-midi.
Après dix jours du gris humide de Paris, ça faisait un peu bizarre de trouver une bonne couche de neige – déjà sale! – et un froid sec et piquant, mais ensoleillé et pas désagréable du tout. Ajoutez à cela le plaisir de retrouver de bons voisins et notre cocon confortable. Pour cause de décalage horaire, la célébration de Noël est réduite à sa plus simple expression: une bonne nuit de sommeil suivie d'un repas de Fête acheté au marché de Saint-Germain-des-Prés et amené dans les bagages: foie gras d'oie et confit de canard artisanal avec asperges vertes, enfin roquefort onctueux coiffés d'un superbe champagne blanc de noir d'une petite maison de l'Aude.
Nous avons à peine eu le temps de récupérer un peu du voyage que l'hiver nous est rentré dedans jeudi, avec une splendide tempête: vents tourbillonnants, 40 cm de neige aveuglante qui cachait même complètement le Stade olympique pourtant voisin. Et ce matin, bonheur: en ouvrant les rideaux, nous sommes inondés d'un soleil conquérant qui fait scintiller l'épais manteau de neige autour des blocs gris et rouges et sur les toits plats des immeubles, jusqu'au Mont-Royal dans le lointain.
«Tu vois comme on a bien fait de revenir maintenant», commente Azur.
Peu après midi, nous descendons appeler un taxi pour nous rendre à l'autre bout de la ville, à la fête que donnent le cousin Claude Aubin et Cécile. Le chauffeur marocain nous fait la conversation sans répit, tout en se fourvoyant sur une avenue encore peu déblayée où la circulation se fait à pas de tortue. À ce rythme, Dieu sait quand nous arriverons chez nos hôtes.
C'est après deux heures que nous débouchons enfin dans la petite rue presque totalement engorgée de neige et de voitures en panne où se trouve leur jolie maison de style tudor: colombages sombres et torchis blanc sous des toits en pente aiguë. Ils nous attendent avec un peu d'impatience, l'heure de passer à table longtemps dépassée. Nous y retrouvons, outre mon frère Antoine et sa compagne Lucie, deux couples d'universitaires et un autre d'enseignants originaires du Lac Saint-Jean comme Cécile.
Celle-ci, qui sait recevoir et adore ça, a préparé deux gargantuesques tourtières de sa région, farcies de lièvre et de volaille en plus des viandes et légumes habituels. Plus quelques savoureux pâtés de porc et boeuf et trois salades. Impossible de ne pas s'empiffrer à l'excès, avec accompagnement d'un bon brouilly, d'un prosecco très fin et d'un vigoureux blanc californien ou australien.
Pour le fromage et le dessert, nous passons au lumineux jardin d'hiver que Claude a fait construire dans sa cour arrière, au coeur d'un magique décor d'allées, de buissons et d'arbustes enneigés. C'est là qu'au milieu d'un faisceau entrecroisé de conversations (voyages, cinéma, littérature, musique, souvenirs communs du personnage hors du commun qu'était notre ami Lucien Gagnon), Azur insiste pour se faire prendre en photo, juste comme le soleil disparaît...

20 décembre 2012

Petit blogue de fin du monde

 Ah, c'est compliqué, Paris! On voulait réserver pour le grand show de l'Apocalypse du 21, mais on s'y est pris trop tard, y'avait plus de places à vendre même à la billetterie de dernière minute de la Place des Ternes. La fin du monde se passera donc de nous. Alors, si vous ne nous retrouvez pas demain soir au Jugement dernier, vous saurez au moins pourquoi! (Et gardez-nous une place au bar, dit Azur)
 Le retour de Barcelone à Montpellier il y a déjà trois semaines s'est bien passé, surtout que la fin du séjour a été embellie par cette fameuse visite à la Sagrada Familia que je me promettais depuis toujours. La basilique est maintenant très avancée (fin des travaux dans une quinzaine d'années à peine, dit-on) et l'intérieur, que je n'avais vu qu'à l'état de chantier il y a des décennies, tient toutes les promesses de l'extérieur.

 Les trois voûtes sont d'une hauteur et d'une envolée à couper le souffle, les gigantesques colonnes ont un caractère végétal très gaudien, la décoration avec ses statuaires de trois genres bien distincts -- primitif médiéval, cubiste et moderniste catalan --, ses céramiques et ses splendides vitraux se combine avec une surprenante réussite au thème néo-gothique de l'architecture...
 En l'absence d'Azur qui, en prenant de l'âge, apprécie un peu moins les hauteurs, je me suis tapé la grimpette (en ascenseur presque tout le long) dans une des tours de la façade, y compris les derniers mètres à pied dans un étroit escalier en colimaçon qui rappelle ceux de Notre-Dame de Paris. Dur-dur pour les vieilles jambes, mais la vue d'une des passerelles d'arc-boutant à 65 mètres d'altitude en valait la peine. D'un côté l'élan des tours, le jet des arches et les plans sinueux des toits écaillés, de l'autre la perspective à vol d'oiseau de Barcelone étalée entre le Tibidabo et la mer.
 La veille du départ, je suis allé faire ma petite tournée habituelle au marché de la Boqueria, à cinq minutes de l'hôtel. Pas tout à fait aussi spectaculaire que la dernière fois (c'était la Semaine sainte), mais l'animation du début des emplettes de Noël valait le coup d'oeil. J'ai vertueusement résisté à l'envie de rapporter un des superbes "jamons de bellota" qui se balançaient partout au-dessus de nos têtes et me suis consolé avec quelques tranches translucides de lomo (soc de porc fumé, un délice!) et une fiole de conyac Lepanto XO -- non, vous n'y goûterez pas cette fois-ci, il reste dans notre réserve spéciale à Montpellier.
 Débarquement au crépuscule, deux jours plus tard que prévu, à la Gare St-Roch dans un froid quasi hivernal; heureusement Ingrid avait eu la bonne idée de laisser tourner le chauffage de l'appartement à mi-régime. Un p'tit coup de réchauffant, et nous étions comme chez nous! La belle surprise de notre retour a été les retrouvailles avec les bons amis Mistouf et Yvelyne Mathias, ex-restaurateurs de haut vol à l'Arboisie devenus chômeurs (temporaires).
Nous avions gardé le contact par courriel et Facebook, mais nous ne nous étions pas vus sauf en coup de vent il y a un an à la fin d'un lunch avec les voisins Chantefort. Cette fois-ci ils avaient tout leur temps, leur seule occupation majeure étant de suivre des cours de "réinsertion au travail" -- en informatique et comptabilité, c'est ça qui va améliorer la finesse de leur fameuse sauce au beurre blanc! Mais le moral est bon, et je les soupçonne un peu d'en profiter pour reprendre leur souffle, après quinze années et plus d'efforts soutenus pour tenir à bout de bras un restaurant hors-norme.
 Quoi qu'il en soit, après nous être retrouvés aux Trois-Grâces, Place de la Comédie où nous avons aussi croisé notre guitariste préféré Fethi, nous avons pu nous offrir le luxe de nous installer pour une belle et longue bouffe au Pescator, Place du Nombre d'or. Tout y a passé: souvenirs communs, jongleries philosophiques, élucubrations politiques, anecdotes journalistiques et culinaires... Au café, les jeunes patrons du restaurant, connaissant la réputation de Mistouf, sont venus se joindre à nous autour de deux bouteilles de fort bon "rhum traffiqué", et la conversation a nettement dévié "métier". Il faisait presque nuit quand nous sommes ressortis prendre le tram vers la maison.
 Ne restait plus qu'à faire nos adieux aux voisins du dessous et aux patrons de la brasserie en face (cuisine fortement améliorée et tables remplies depuis la venue d'un nouveau jeune chef), puis jeter quelques effets dans deux petites valises pour Paris et Montréal.
 Demain, si la planète est toujours là, nous rejoignons les vieux amis montparnassiens Janine et Michel Euvrard autour d'un joyeux couscous!