28 août 2007

Fjords de Norvège

(11/08/2007) Nous avons presque deux jours pour nous installer à bord du Seabourn Pride et nous réacclimater à la vie de croisière. Un temps grisâtre s'associe avec une longue et plutôt monotone traversée vers le sud-ouest de la côte norvégienne pour nous imposer un niveau important d'inactivité.
Le navire est rempli à presque capacité, soit environ 200 passagers, surtout des Américains. Les seuls autres francophones sont une bande de Belges fort sympathiques, mais qui ont tendance à se tenir en groupe (normal, ils avaient organisé leur croisière ensemble) et qui, de toute façon, nous fausseront compagnie dans huit jours. Un seul passager que nous connaissions déjà, un jovial Japonais accro des croisières, Jimmy Yoshino, dont l'anglais est presque aussi mauvais et le sourire aussi communicatif que ceux d'Azur.
Comme d'habitude, l'équipage et le personnel sont un mélange de nationalités, surtout européens (le capitaine est un British, Marc Dexter) et asiatiques, mais ceux qui parlent français sont moins nombreux que la fois précédente. De manière générale, l'atmosphère est beaucoup plus « américaine » que lors de notre voyage précédent sur la même ligne: on sent que les nouveaux propriétaires yankees (la ligne était norvégienne au départ) imposent leur personnalité et leur façon de voir les choses. Cela se manifeste aussi bien dans la cuisine que dans les spectacles et les relations personnel-passagers. Heureusement, Azur retrouve Crina, une copine roumaine polyglotte qui a pris du galon, passant de préposée à la réception à responsable du booking des excursions et futures croisières.
Malgré trois premiers jours de mauvais temps, le voyage lui-même est un enchantement. On a beau avoir entendu parler à satiété des fjords de Norvège et en avoir vu de multiples images, la réalité vous prend aux tripes. Surtout que la taille modeste de notre navire lui permet de se faufiler jusqu'au fond des criques les plus enfoncées et les plus spectaculaires, frôlant des parois de rocs abrupts parfois à près de 200 km à l'intérieur des terres. La première escale, à Ulvik et Eidfjord (Hardangerfjord), nous coupe littéralement le souffle par son mélange de grandiose sauvagerie et de délicieuses fermes verdoyantes improbablement coincées entre des promontoires de mille mètres d'où dégringolent des cascades cerclées d'arcs-en-ciel. Une excursion sur le haut plateau du Hardangervidda nous permet de contempler notre premier glacier, qui se mire dans un lac aux eaux de cristal.
Bergen, deuxième ville de Norvège et ancien port hanséatique, est quasi invisible derrière un rideau de brume cotonneuse qui ne se lèvera qu'en fin de journée. Elle nous laisse quand même deux bons souvenirs: un très sympathique marché aux poissons et aux aliments divers, à deux pas du port, dont nous ramènerons un saucisson de viande de renne, et un pélerinage doublé d'un mini-concert à la résidence-musée du compositeur Edvard Grieg (un de mes favoris, auteur des suites Peer Gynt et du Concerto en la), résidence qui ne ressemble à rien tant qu'à la charmante et vieillotte maison victorienne de la « tante Puce » dans le Trois-Pistoles de mon enfance.
Rien de spécial à dire de notre escale la plus septentrionale, Alesund, jolie petite ville coquettement lovée autour de son port de pêche. Par contre, le minuscule village de Flam, au fond du Sognefjord, est justement célèbre par son chemin de fer, une prouesse technique du début du 20e siècle qui grimpe en un peu plus d'une heure à quelque 850 mètre d'altitude, grâce à une série de rampes et de tunnels qui débouchent sans avertissement vers des paysages grandioses.
Oslo, enfin, nous impressionne par son musée des drakkars vikings: il en possède trois, dont deux en excellent état car ils avaient été enterrés dans la glaise il y a plus de 1100 ans, pour servir de sépulture à leurs capitaines sans doute. Comme nous l'explique un guide, « la tradition de placer les corps des vikings dans leur bateau et d'y mettre le feu en les lançant au large est une pure invention de Kirk Douglas, pour qui la réalité historique ne faisait sans doute pas assez spectaculaire en technicolor sur grand écran... »
Autre attrait de la ville, moins connu mais tout aussi étonnant, le jardin de sculptures dû au génie, pour ne pas dire à la folie de Gustav Vigeland. Ce dernier, peu connu hors de son pays mais célébrissime ici, s'était fait confier par les autorités d'Oslo l'aménagement d'un grand parc aux limites de la cité; il y a passé plus de vingt ans à sculpter ou faire sculpter par des élèves, d'après ses maquettes, pas moins de 200 monuments de granit ou de bronze comportant quelque 750 personnages nus, de toutes les conditions et de tous les âges, depuis le fétus jusqu'au vieillard mourant, en passant par des vénus plantureuses, des athlètes en pleine course ou en plein saut, des couples clairement homosexuels, des familles dans leur intimité... Vaut vraiment le détour.
Après un dernier arrêt sans grand intérêt dans la station balnéaire suédoise de Lysekil, nous rentrons à Copenhague, que nous retrouvons avec plaisir le temps d'aller nous régaler d'un succulent smorrebrod (sandwich-lunch traditionnel) dans un café d'une des rues piétonnes.

Paris-Copenhague

(2/08/2007) Nous passons à Paris trois jours d'autant plus agréables que nous y avons découvert un petit hôtel qui mérite le prix du charme douillet: le Garden Élysée, niché au fond d'une cour sur une petite rue près de l'avenue Kléber. Grande chambre très claire donnant sur un jardin fleuri, personnel aux petits soins pour nous, petit-déj. délicieux. Pas de resto, mais il y en a une pelletée de bons dans le quartier et le service aux chambres est excellent. Pas donné, mais vaut son pesant d'euros.
À Charles-de-Gaulle, une surprise pas très drôle: notre avion vers Copenhague est « surbooké »; à la demande du personnel d'Air France, nous nous résignons à céder notre place à une famille qui doit rentrer d'urgence en Scandinavie. En échange, on nous loge dans un Holiday Inn Express qui est l'exacte antithèse de notre hôtel parisien: purement fonctionnel et d'un confort tout juste acceptable, mais bétonné mur à mur et sans le moindre atome de charme. Avantage non négligeable cependant, on modifie aussi nos billets pour nous permettre de rentrer plus tard en France après la croisière si nous le souhaitons.
Copenhague est tout gris et pas très chaud quand nous arrivons le lendemain en milieu d'après-midi. Notre hôtel (Kong Frederick) est très bien situé, à deux pas de la Place de l'hôtel de ville (Radhuspladsen), et fort élégant. C'est un immeuble du début du siècle dernier, qui a été rénové en respectant le style de l'époque. Mais la chambre est un peu étroite, les rangements bizarroïdes, et le service plutôt minimal, quoique généralement sympa.
Nous allons faire un tour en ville, et notre première impression est, disons, mitigée. Nous entrons dans un resto style pub au début de Stroget, la grande rue commerciale piétonne, et nous faisons arnaquer joyeusement: c'est une « trappe à touristes » de la plus belle eau, le service est au mieux grognon, la boisson juste passable et la bouffe mérite amplement que nous la laissions croupir dans l'assiette après deux bouchées. Le tout à des prix dignes du Grand Véfour. En sortant, nous nous retrouvons dans le crachin, au milieu d'une bousculade de touristes surtout germaniques, anglais et polonais, tout le long de l'avenue. C'est ça, Copenhague?
Heureusement, ce n'est pas que ça. Dès le petit déjeûner du lendemain, nous faisons une découverte gastronomique majeure: la cuisine danoise n'est peut-être pas géniale, mais Copenhague doit offrir les meilleurs pains au monde! Oui, Paris et Lyon inclus. La corbeille qu'on nous offre contient non seulement une fort bonne baguette, mais des pains de campagne blanc, parfumé au fromage et de blé entier, un pain noir aux grains de carvi, des pains de seigle, et d'autres aux ingrédients plus mystérieux, qui vous transportent au 7e ciel, surtout lorsque servis chauds avec une touche de délicieux beurre local. Azur décrète même qu'elle ne saurait vivre ici, car Dieu sait combien de kilos en plus elle se collerait! D'autant plus que partout où nous irons, du plus petit café au plus grand restaurant, le pain sera toujours aussi délicieux.
Sur la grand-place, se tient (tenez-vous bien!) le Mondial de football des SDF, mettant en lice des concurrents de 48 pays. On a dressé des estrades de part et d'autre d'un terrain de jeu entouré de palisades, à la manière d'une patinoire de hockey, et des équipes hétéroclites – incluant à l'occasion des filles et des vieillards barbus aussi bien que des gamins de 12-14 ans – d'une demi-douzaine de joueurs sy ébattent dans une bonne humeur qui n'exclut pas une âpre compétition. L'ambiance est d'autant plus colorée que tout autour campent des dizaines de plus ou moins clochards venus de tous les coins de l'Europe assister à « leur » Mondial. Nous y passons avec grand amusement une bonne heure et plus.
Puis nous nous armons d'une carte de transports en commun (10 passages pour une vingtaine d'euros) et descendons jusqu'à la seconde grande place, la Kongens Nytorv. Là, déjeûner dans un resto agréable installé dans une vieille cour et servant (si l'on peut s'exprimer ainsi, le personnel étant débordé au point d'être totalement inefficace) un très bon homard – canadien! – au beurre à l'ail.
Ensuite, embarquement sur un bateau-mouche qui parcourt le pittoresque Nyhavn (le "nouveau" port à peu près aussi nouveau que le Pont Neuf est neuf), fait ensuite le tour du port marchand, curieusement bordé d'une vingtaine d'éoliennes géantes ancrées en pleine mer, puis s'engage dans les multiples canaux qui sillonnent la ville – construite, comme tout le monde le sait n'est-ce-pas? sur une collection d'îles. Malheureusement, ça se termine sous une douche aussi soudaine que brutale, alors que nous nous trouvons en plein milieu d'un canal, à l'écart de tout embarcadère. À la première occasion, nous débarquons trempés des pieds à la tête et, après une halte dans une pâtisserie encombrée d'autres réfugiés, réussissons à arrêter un taxi qui nous ramène au Kong Frederick. La leçon: comment distingue-t-on le vrai Copenhagois du touriste? C'est celui qui porte un parapluie même au grand soleil.
La capitale danoise n'est pas une séductrice, mais une discrète. Elle ne vient pas vous chercher, préfère qu'on prenne la peine de la découvrir et de l'apprivoiser. À ce titre, son emblématique « Petite Sirène » la représente parfaitement: on s'attend à un monument important dans un site prestigieux, il faut presque la chercher pour la découvrir, modeste et le dos à demi tourné au spectateur, assise sur un vulgaire caillou à l'entrée du port. Décevant? Au premier abord, certes... mais plutôt émouvant une fois qu'on en a compris le sens.
Au fond, ville prospère et sans complexes, Copenhague n'a que faire des touristes, qu'elle accueille poliment, mais sans faire le moindre geste pour s'adapter à eux. Au contraire, elle fait clairement entendre que c'est à nous, étrangers, à nous ajuster à a ses habitudes et à ses lubies, un effort qui sera, il est vrai, amplement récompensé. Par exemple par l'escalade des sept tours et demi de la rampe en spirale de sa Rundetarn (tour ronde), au milieu de laquelle je découvre une magnifique exposition de tapisseries (photo) et au sommet de laquelle la vue sur la ville est rien moins que spectaculaire. Sans oublier le célèbre parc d'attractions Tivoli, dont nous n'attendions pas grand-chose, mais dont l'élégance fleurie et le caractère relax nous ont ramenés en enfance comme n'aurait jamais su le faire un spectaculaire et ultracommercial Disneyland.
À force de circuler dans tous les quartiers en utilisant son pratique système de tranport en commun, de déambuler à pied dans les multiples voies piétonnières du centre, de prendre l'air dans un de ses nombreux parcs, de flâner et de nous arrêter le temps d'une bière ou d'un café sur une de ses fréquentes et jolies places, nous tombons graduellement sous le charme. Si bien qu'au bout de cinq jours, c'est presque à regret que nous refaisons nos valises pour nous embarquer sur le Seabourn Pride, le bateau de croisière qui nous attend à un quai tout près du centre-ville.

Montpellier, un poème

(25/07/07] De ce mois à Montpellier, trois incidents se détachent:
a) Notre calme quartier vert, à la limite d'Aiguerelles et du nouveau quartier de Port Marianne, s'est transformé en chantier bruyant et poussiéreux (photo) depuis quelques mois. C'est surtout dû à la construction de la nouvelle mairie de Montpellier, qui sera bientôt notre voisine d'en face. Elle s'élèvera sur le terrain vague, jadis envahi de lauriers fleuris de toutes les couleurs, qui séparait de l'avenue le quartier habité par les Harkis, au sujet duquel l'ex-maire et président de l'Agglo Georges Frêche a eu avec ces derniers des mots violents et fort médiatisés l'hiver dernier. Heureusement, la mairie ne nous cachera pas trop le gracieux jet d'eau et les palmiers du bassin Jacques Coeur, qui m'avaient inspiré il y a trois ans ce sonnet dans le genre classique:

Les palmiers tout ensoleillés
Jouent à l'été en plein automne
Novembre nous a fait l'aumône
D'un temps qui ressemble à juillet

Le jet d'eau s'est éparpillé
Au coeur du bassin qui frissonne
Le Lez flirte avec Antigone
Des cygnes s'en vont y mouiller

Tout bleu, d'arondes émaillé
Un tramway s'est entortillé
Au dédale des rues piétonnes

Vieilles folies, fraîches colonnes
Le ciel est doux, la vie est bonne
L'hiver oublie-t-il Montpellier?

Note explicative pour les celles et ceusses qui ne connaissent pas la ville: le Lez est le « fleuve » minuscule, généralement paisible comme un miroir, mais parfois féroce en périodes d'inondation, qui arrose Montpellier. Il côtoie en particulier le nouveau quartier Antigone, dessiné par l'architecte catalan Ricardo Bofil et caractérisé entre autres par de nombreuses rangées de colonnes classiques blanches. Le centre-ville de Montpellier est entièrement piétonnier (1 km carré), traversé uniquement par des tramways bleus (photo) décorés d'hirondelles blanches, emblèmes de la ville. Les « folies » sont de luxueux châteaux construits autour de la ville par la riche aristocratie et bourgeoisie commerçante et terrienne, notamment vigneronne, aux XVIIe et XVIIIe siècles.
b) C'est la première fois que nous fêtons ici le 14 juillet, et nous sommes gâtés: le feu d'artifice traditionnel est tiré depuis les bords du bassin, juste en face de nos fenêtres. Dès 21 heures, tous les espaces dégagés sont envahis de badauds et de fêtards, les rues sont barrées par les policiers, les transports publics cessent de rouler. À 22 heures, le spectacle commence, et il est somptueux (photo), d'autant que le temps clair et sec favorise les artificiers. Nous sommes assis face à la fenêtre de notre chambre, et battons des mains comme des gamins.
c) Cinq jours plus tard, c'est au Tour de France de venir nous rendre visite. La folle cavalcade débouche de l'Avenue de la Mer juste en face de chez nous et dévale, à travers le Pont Zucarelli, vers l'avenue Antonelli. Pendant qu'Azur contemple le phénomène du confort de son 5e étage, je me précipite en bas, caméra en main, juste à temps pour voir le peloton contrôlé par Rasmussen prendre le virage devant la maison. La surprise, pour moi qui n'ai jamais vu le Tour en direct, c'est combien peu de temps ça dure: à peine cinq minutes entre l'apparition des motards qui précèdent les coureurs et le passage des derniers traînards et des voitures d'équipe (photo). Évidemment, le plaisir que nous en tirons sera ébréché rétroactivement par la cascade de scandales au dopage révélés au cours des prochains jours, en particulier le départ honteux du maillot jaune danois Rasmussen, qui était devenu mon favori depuis ses performances extraordinaires dans les Alpes. Blah. Et dire que nous partons pour le Danemark, ça va être joyeux!

27 août 2007

Le chaos des vacances françaises

(30/06/07) Et nous voici rentrés «sur le plancher des vaches» de notre appart de Montpellier. À la fois un peu tristes et bien contents de retrouver le cadre familier et chaleureux de notre ville d'adoption.
Lundi dernier, avant-veille du départ, nous sommes allés prendre l'apéro du soir chez Daniel, avec qui nous en avons profité pour régler les derniers détails des choses à faire en notre absence. Un début de soirée très sympa, fêté au champagne, avec sa femme Edmée et sa fille Armelle. Retour de nuit, sur une image féérique de la marina illuminée (photo).
Le lendemain, dernière balade en mer avec Gérard,, sa mère et sa fille Pauline: une demi-journée idyllique sur les Fonds blancs de la Baie des Anglais, une anse profonde du côté Atlantique qui est presque miraculeusement protégée de la vague par une barrière de corail et un semis de petites îles. On se baigne, on prend un pique-nique et on rentre au Marin dans un état proche de l'euphorie.
Puis mercredi, c'était l'embarquement à bord d'Air Caraïbes, dont le confort nous a un peu déçus même si le personnel était bien sympa et le repas, tout à fait savoureux. Le lendemain matin à Orly (où nous sommes arrivés une heure en retard, mais avons franchi le guichet de la police des frontières et récupéré nos bagages dans un temps record), taxi pour la Gare de Lyon, où nous allions prendre le premier TGV en partance pour le Midi. Sauf que.
D'abord, nous n'avions pas pensé que c'était le grand branle-bas du départ en vacances. La gare était sans dessus-dessous, bouillonnante de familles déboussolées et de gamins énervés qui couraient et grimpaient partout. Heureusement que nous avions réservé nos places depuis la Martinique... sauf que! Quand j'ai voulu retirer mes billets à la borne de self-service, impossible de me rappeler le !$%?&*! code de guichet de ma carte bancaire avec laquelle j'avais effectué l'achat par Internet. Et il ne restait plus une place libre sur le train, le prochain disponible était au milieu de la soirée.
Sur le conseil d'une gentille préposée à l'aide aux voyageurs (oui, ça existe!), nous sommes montés à bord sans billet et nous avons fini par trouver nos places: facile, c'étaient les deux seules encore libres dans tout le train! Le contrôleur nous a revendu des billets, nous suggérant de nous faire rembourser les premiers une fois rendus chez nous. Ce que nous ferons.
Comme les gens heureux n'ont pas d'histoire, passons sous silence les détails sans grand intérêt de notre séjour de terriens au Languedoc, et rendez-vous pour les péripéties aoutiennes d'une fabuleuse (du moins nous y comptons bien) croisière de trois semaines dans les fjords de Norvège et les ports de la Baltique. Bye pour l'instant.

Yôles et famille

(23/07/2007) Samedi dernier, c'était le deuxième tour des législatives pour les territoires et départements d'outremer. Avec une tendance à gauche prononcée aux Antilles et en Guyane qui a un peu foutu la frousse à nos copains férus de politique: allaient-ils se retrouver isolés, trois petits points roses dans une mer de bleu sarkozien? Heureusement, les nouvelles de la «correction» du lendemain en Métropole les ont rassurés: non seulement la gauche n'était pas réduite à un moignon, mais même les petits partis communistes, verts et bayrouistes avaient survécu à peu près convenablement. Ouf.
Ce même dimanche, Azur avait invité toute une branche de sa famille à venir faire connaissance avec le Bum chromé. Le programme se composait d'une ballade en mer pour admirer de près une course yoles rondes qui se déroulait au large de la marina, d'un ti-punch à bord en regagnant le ponton, puis d'un déjeûner gargantuesque au Ti-Toques, où nous avions réservé une grande table.
Mais l'homme propose... Le cousin Daniel est bien arrivé à l'heure avec sa fille Armelle et son petit-fils, mais le reste de la bande était retenue par un «impondérable» assez nébuleux. Après les avoir attendus pendant une bonne demi-heure, nous avons décidé de prendre le large. Nous avons bien fait, ils ne sont arrivés qu'une grosse heure plus tard, juste à temps pour manger... et ils n'ont jamais vu le bateau.
Peu importe, au moins la course de yoles a rempli toutes ses promesses: un beau bal de couleurs, un enchaînement de manoeuvres périlleuses et d'affrontements audacieux, souvent ponctués de chavirements spectaculaires mais sans danger, le tout accompagné de cris et même de musique (provenant des bateaux à moteur portant les juges).
Pour le repas, nous nous sommes retrouvés un peu à l'étroit, le groupe comportant deux adultes et deux enfants de plus que prévu. Et la bouffe, quoique correcte, n'était pas à la hauteur de ce à quoi Ti-Toques nous avait habitués.
Le lendemain lundi, nous avons installé sur un cadre à l'arrière les panneaux solaires achetés à Saint-Martin. L'installateur nous avait donné rendez-vous à la première heure au carénage, à l'autre bout de la marina. Nous nous y sommes rendus en bateau, pour nous rendre compte qu'il était loin d'être prêt à opérer. Il a fallu attendre le début de l'après-midi pour qu'il se mette en oeuvre... faisant, il faut l'admettre, un travail tout à fait professionnel.
Entre-temps, nous nous étions tapé un repas plutôt médiocre au bar-restaurant qui surplombe l'aire de travail du carénage... et y avions fait une rencontre aussi agréable qu'imprévue: un vieux copain que nous n'avions pas vu depuis des lustres, Georges Brival, y déjeûnait en compagnie du maire du Marin, Rodolphe Désiré. Nous nous sommes tombés dans les bras, promettant de nous revoir au plus tôt.
Et pour nous consoler de cette journée en grande partie perdue, nous avons fait un détour par Sainte-Anne, où nous avons piqué une bonne tête à l'eau au large de la plage, juste avant le coucher du soleil.
Deux jours plus tard, l'électricien est venu compléter le branchement des panneaux solaires sur le parc de batteries, avec un résultat spectaculaire: dès que le soleil est tombé dessus, l'aiguille du cadran indiquant la charge a grimpé d'un poussif douze volts à un solide quatorze ou presque. Youppi!
Depuis plusieurs jours, nous avions décidé de «personnaliser» le bateau et d'en faire la promotion, en décorant l'annexe et les bouées de sauvetage du nom et du logo et en faisant imprimer des t-shirts. Le graphiste qui avait réalisé la première phase de l'opération en janvier se faisait tirer l'oreille pour la suite, et de toute façon les feuillets de pub qu'il nous avait dessinés n'étaient pas fameux (avec mon passé de journaliste et une imprimante convenable, j'étais certain de pouvoir faire mieux).
En cherchant un peu, nous avons trouvé des gens plus sympa et plus efficaces au Lamentin pour la partie lettrage et t-shirts, et je me suis attelé moi-même à la confection d'un dépliant en six volets. Mais la bonne imprimante HP que j'avais achetée à Fort-de-France était affligée d'un bloc d'alimentation hoqueteux, qui me laissait en plan au milieu d'une feuille trois fois sur quatre. Il a fallu rapporter le tout au vendeur pour le faire remplacer... et bien sûr, ça va prendre une semaine ou plus!
Hier, vendredi, Danielle du Lamentin nous a livré les t-shirts, vraiment superbes, auxquels elle avait ajouté une dizaine de casquettes portant notre logo et une demi-douzaine de polos du meilleur effet. Son copain Hervé a collé son lettrage prédécoupé sur l'annexe et sur les pointes avant, mais il n'a pu décorer les bouées: les mesures étaient incorrectes, les lettres trop grosses. Il est parti avec pour corriger ça, il nous les rapportera la semaine prochaine, juste avant notre départ. Ben oui, déjà!

De Sarkozy à Ste-Lucie

(18/06/2007) Entre partie de pêche à Sainte-Lucie et péripéties électorales, les dix derniers jours ont été aussi actifs et mouvementés que les précédents avaient été calmes.
Nous avions depuis longtemps promis cette excursion «anglaise» à notre vieux copain Raymond Marie du Marin, celui qui nous avait présenté le skipper Gérard, ainsi qu'à son beau-frère Pierrot, qui nous avait été d'un précieux secours dans les dédales administratifs de la douane DOM-TOMienne il y a quelques mois.
Mais comme Raymond (chaud partisan du leader indépendantiste Alfred Marie-Jeanne) doit agir comme assesseur et inspecteur des polls pendant la journée électorale – samedi dans territoires d'Outremer –, pas question de partir avant dimanche matin. Samedi soir, les premiers résultats indiquent que les DOM, contrairement à ce qu'on prévoit pour la Métropole, penchent vers la gauche.
Le lendemain matin, on décroche le câble de l'antenne-télé (une nouvelle routine à laquelle il faut nous habituer), on largue les amarres et on pique vers le sud. Une bonne petite brise nous emporte vers Sainte-Lucie, où le mouillage de Rodney Bay que nous atteignons vers 14h se prête à un bon barbecue arrosé de rhum paille et de rosé.
La sieste est suivie d'une première session de pêche au nord de la baie, au coucher du soleil. Sans le moindre résultat, il faut l'avouer, malgré tous les savants préparatifs de Pierrot et les conseils avisés de Gérard. Et, bien sûr, une dose judicieusement mesurée de ti-punchs.
De plus, l'écoute de la radio nous apprend que le redouté «tsunami bleu» sarkozyste aux législatives semble bien en voie de se matérialiser: plus de cent élus au premier tour, contre un seul pour les socialistes. Verts, gauchistes et bayrouistes sont, dit-on, sur le point de s'ajouter à la liste des baleines, bébés phoques et autres espèces en voie de disparition.
Au matin, les esprits sont un peu plus joyeux et les lignes relancées avec optimisme dans le renommé « garde-manger » sous le rocher de Pigeon Island. En vain. Pas la moindre touche. En désespoir de cause, on pique une tête à l'eau puis Gérard, Raymond et moi partons en annexe pour la marina voisine. Azur se repose et met un peu d'ordre, Pierrot-le-Pêcheur s'acharne à relancer ses lignes dans une mer totalement non-coopérative.
À terre, une fois les formalités expédiées dans une bonne humeur qui tranche avec l'esprit tâtillon des fonctionnaires de Nevis et St. Kitts, nous nous embarquons dans un des multiples taxis-pays qui semblent se suivre à la queue-leu-leu sur la route de la capitale, Castries.
Celle-ci n'a pas grand monument à montrer (elle a été détruite une «kalté» de fois par des ouragans, incendies et autres séismes), mais son animation et le caractère bon enfant de sa population, qui parle au moins autant «kwéyol» qu'anglais, la rendent sympathique. Nous prenons le frais un instant dans la cathédrale catholique à la voûte et aux vitraux superbes, prenons une bière locale debout au comptoir d'un des multiples petits bars qui parsèment le marché, achetons deux ou trois trucs en paille (il nous fallait notamment un panier à pain) puis reprenons un taxi-pays pour le retour vers Rodney Bay.
À défaut du poisson pêché par nos éminents experts, nous improvisons un repas avec de la bouffe que nous avions emportée «au cas où». Puis c'est la sieste (photo de nos pêcheurs en action!) et la rentrée, toujours à voile mais assez tranquille, vers la Martinique.

Télé sur ponton

(07/06/2007) Au retour de Saint-Martin, les mails s'étaient accumulés dans ma boîte à lettres, il a fallu une séance de près de trois heures surle Wifi du resto Mango Bay pour les lire et répondre aux plus urgents. Pour me récompenser, Azur s'est mise en cuisine et nous a fricoté des rognons à la moutarde sur lit de riz blanc. Miam. Et j'ai découvert les vertus du trampoline du Bum comme lieu de sieste et de digestion (à condition d'y trouver un coin d'ombre, bien sûr). Pour le reste, à part une courte ballade jusqu'à Sainte-Anne pour nous baigner, le bateau est demeuré à quai pendant dix jours. Blah.
La grande opération de cette période a été l'installation d'une antenne satellite fixe sur le pylone du ponton, pour qu'Azur puisse regarder sa télé dans de bonnes conditions. La direction de la marina nous en a donné l'autorisation, mais l'installation elle-même a été une véritable épopée.
En premier lieu, les gens de CanalSat ne semblaient pas croire que c'était faisable. Il a fallu un long palabre avec deux techniciens pour les convaincre qu'un pylone d'acier ancré dans le béton et conçu pour résister à des vents cycloniques de 300 kmh (voir à droite sur la photo) devrait constituer une base aussi stable pour une parabole que la corniche de la véranda d'une villa créole.
Lorsque le technicien s'est pointé le lundi suivant, il s'est vainement escrimé contre le pylone avec sa perceuse. Nous avons finalement réussi à le convaincre d'aller voir comment les lampes et mâts pour cables électriques qui surmontaient d'autres pylones étaient installés. La réponse: pas de trous, mais des ancrages soudés à l'arc. Pour lesquels, évidemment, il n'était pas équipé (les maisons construites en acier trempé sont plutôt rares en Martinique). Il a donc fallu que le skipper Gérard, débrouillard comme toujours, déniche un copain à lui possédant le matériel approprié. Le lendemain, le support d'antenne était fixé.
Mais la saga ne s'arrête pas là. Car d'une part, nous entrions dans une période de perturbations tropicales amenant de fréquentes et brutales averses accompagnées de violents coups de vent; et d'autre part, l'installation se faisait exactement au moment où CanalSat déménageait ses transmissions sur un nouveau satellite. Le technicien-installateur a donc dû venir s'y reprendre à trois fois avant d'obtenir un résultat satisfaisant... dont nous sommes intimement convaincus qu'il est l'effet direct et magique de la recette de pâtes noires aux fruits de mer de Marie-José, dont le technicien a pu manger la dernière portion à son troisième passage.
Du moins avons-nous pu contempler en clair les derniers matches de Roland-Garros et les dernières étapes de la campagne des législatives. C'est pas rien!
Dans l'intervalle, nous avons pu vérifier encore une fois que l'apparence et le coût des restaurants n'ont souvent pas grand-chose à voir avec la qualité de la bouffe. Une première expérience, dans un des restos les plus chics et les plus titrés de Fort-de-France, nous a laissés sur notre appétit -- et le portefeuille nettement plus léger. C'est une magnifique maison créole sise dans un jardin surplombant la ville; hélas, ni le service, ni la nourriture ne sont au niveau du décor (splendide) et des prix (faramineux). Nous en tairons le nom par politesse, mais nous ne saurions trop conseiller à quiconque de se méfier d'une adresse de prestige pas loin du 100, route de Didier.
En revanche, deux jours plus tard, sur la foi d'une recommandation du Guide du Routard, nous nous sommes pointés avec un peu d'inquiétude devant une petite maison du Robert appelée "la Case aux Délices". La façade ne paie pas de mine, donnant directement sur l'étroit trottoir de la rue qui monte vers le portail de l'église. Au rez-de-chaussée, elle ouvre sur un comptoir de traiteur et trois tables genre bistrot. À l'étage, une petite salle comporte une demi-douzaine de tables hautes entourées de tabourets, le tout dans un décor gaiment coloré, mais assez rudimentaire.
Hé bien, si vous voulez déguster (à prix très raisonnable) une des meilleures fricassées de langouste de toute l'île, courez-y. D'autant plus que les jeunes patrons, sympathiques et rigolos, traitent avec le même respect jovial le client qui vient commander trois bouts de boudin pour emporter ou une cuisse de poulet-frites de cinq euros à consommer sur un coin de table, que celui qui prend le menu gastronomique avec vin à trente euros. Nous, on a bien l'intention d'y retourner.