07 février 2007

Train-train martiniquais

(11/01/2007) Les jours suivants, c'est le train-train qui nous occupe beaucoup, mais qui est sans le moindre intérêt pour les autres. Travaux sur le bateau, visites aux copains ou de copains, grand ménage, préparatifs de départ. Après tout, il faudra bien un jour quitter le bord et rentrer vers ce que nous considérons toujours comme chez nous (soit à Montréal soit à Montpellier).
La plus grosse affaire, c'est le moteur babord. Comme il continue à bouffer de l'huile sans la moindre indication quant à ce qu'il en fait, on se décide à le faire enlever pour l'emporter à l'atelier de Mécanique Plaisance. Là, un mécanicien expert le démonte et nous montre très clairement qu'il y a un sérieux problème dans les culasses des cylindres: un défaut de glaçage qui laisse l'huile de lubrification s'échapper pour se mélanger au gasoil -- ce qui explique qu'on n'en trouve pas trace par la suite.
Je prends des photos explicites, rédige une lettre poliment dénonciatrice à l'intention des responsables potentiels: Volvo, Lagoon et ShipShop (Belgique). Nous y ajoutons des photocopies de tous les autres documents pertinents, et allez hop! par courrier recommandé vers Göteborg, Bordeaux et Nieuwpoort. On verra bien.
Nous faisons aussi installer la radio BLU bidirectionnelle et son modem data-Internet, après une belle bagarre avec l'expert en électronique qui n'y croit pas. Mais on a assez souffert pendant la traversée du manque de fiabilité de l'Iridium, je trouve que dans un cas comme celui-ci, il vaut la peine d'avoir la culotte maintenue à la fois par une ceinture et des bretelles!
En parallèle, on a fait faire par un atelier graphique un logo du Bum chromé (voir photo), qui est placé (avec le nom) sur les deux pointes avant du bateau. Comme c'est moi qui en ai conçu l'original, j'en suis plutôt content. Au moins, on ne le prendra pas pour un vulgaire cata de location!
Prochain épisode, sur la terre ferme languedocienne...

Les trois «on»

(4/01/2007) Intermède explicatif sur le "on".
Il existe en français plurinational (et non international, esscusez la nuance), trois sortes de "on". Le Français, bien connu, qui couvre tout le monde, sauf la personne qui parle. Genre: "ON fait rôtir le poulet à la broche ce soir?". Le Québécois, un peu moins connu hors du Québec, qui couvre tout le monde, y inclus (très spécifiquement) la personne qui parle. Genre: "ON mange du bon poulet rôti à la broche ce soir?"
Enfin, l'Antillais, parfaitement connu aux Antilles mais nulle part ailleurs, qui vise très spécifiquement une personne (à l'exception de la personne qui parle). Genre: "C'est comme ça qu'ON pense qu'ON fait rôtir un (dégueulasse) poulet à la broche?"
Pas besoin d'ajouter que lorsqu'on entend un ON dans un milieu plurinational francophone, ON a intérêt à savoir de quelle variante il s'agit.
Fin de l'intermède.

Guadeloupe, retour agité

(4/01/2007) Avant-hier, même opération avec Evelyne et une copine qu'elle amène de son village de Goyave. Mais avant, un épisode pas piqué des vers. Lorsque nous voulons sortir sur le cockpit pour un paisible petitdéj vers les 8h, impossible: un essaim furieux de guêpes (ou d'abeilles? on n'a pas sorti la loupe pour vérifier) nous barre le chemin. Elles sont au moins une soixantaine, et n'ont pas la moindre intention de se laisser intimider par nos "Ouste!" et nos chasse-mouche improvisés, auxquels elles répliquent par des piqués meurtriers. Ça fait penser aux "Oiseaux" de papa Hitchcock. Claro! Ce sont les traces de miel et de confiture d'hier, que nous n'avions pas bien nettoyées de la table de cockpit, qui les ont attirées. Il faut une véritable bataille rangée, avec comme arme principale le boyau d'arrosage à pleine puissance, pour leur faire lâcher prise.
Sur les entrefaites arrivent nos invitées. Cette fois, pas de mal de mer, donc virée à voile dans le Petit Cul-de-Sac et brunch prolongé et bien arrosé avant de rentrer à Bas-du-Fort.
C'est le 3 que les choses se gâtent. On appareille tout guillerets de la Guadeloupe vers la Martinique en fin de matinée. Déjà, au large des Saintes, ça brasse pas mal plus qu'à l'aller. Mais le vent est bon, on avance bien, et on se dit qu'une fois à l'abri de la Dominique, on aura un bon répit.
C'est vrai mais ça ne dure pas. À la tombée de la nuit, nous nous engageons dans le Canal de la Dominique, et aussitôt le Bum chromé se prend pour un tambour gros-ka: la houle courte et féroce tape de plein fouet sur les coques et le dessous du carré, causant des soubresauts et un vacarme difficiles à supporter. Suivent deux heures de véritable calvaire. Nous qui nous croyions aguerris après trois semaines d'Atlantique devons nous réfugier honteusement dans notre cabine, où la vague nous secoue comme de vieilles patates!
Enfin, vers les 21h30, on pénètre dans l'"abri" de la côte caraïbe martiniquaise. Illusion. Le vent est toujours aussi fort, la houle toujours aussi hachée. C'est seulement peu avant minuit,en entrant dans le noir au mouillage de saint-Pierre -- et encore! --, que les choses se calment un peu.
Nuit inconfortable: même si c'est plutôt paisible, nous demeurons sous le coup des chocs de la traversée, dont la mémoire nous réveille périodiquement. Il faut un bon petitdéj fourni par Gérard (qui s'est offert pour la corvée de marché à terre) pour nous remettre à peu près en bon état.
On rentre au Marin par petites étapes, tout au long d'une longue journée.

Jour de l'An guadeloupéen

(2/01/2007) Autant la fête en Guadeloupe a été super, autant le retour sera pénible et mouvementé.
On (rappelez-moi de vous exposer ma théorie sur les différents sens du "on" -- québécois, français et antillais) appareille le matin du 30 pour longer tout gentiment la baie du Diamant et doubler la pointe du Morne Larcher. Bon vent tout le long de la côte caraïbe, on passe Saint-Pierre peu après quatorze heures et on dépasse le bout nord de l'île pour entrer dans le Canal de la Dominique à 16h30.
Installés sur le skybridge avec Gérard, nous nous disons qu'après tout, les fameuses vagues du canal ne sont pas si féroces. Pour l'instant.
À 19h30, on double la pointe sud de la Dominique, et immédiatement péééétole! L'anémomètre plonge pratiquement à zéro (il était à 25 noeuds il y a pas dix minutes!). Trois heures de moteur dans la pénombre pour longer l'île jusqu'au mouillage, extrêmement sympa, de Portsmouth au nord. On s'y installe dans la noirceur... et au réveil, je (premier levé) découvre que nous sommes au beau milieu d'au moins une centaine de voiliers à l'ancre, sans compter une demi-douzaine de vieux cargos rouillés échoués ici et là sous l'effet des ouragans des trente dernières années.
Peu après, les boat-boys (institution locale) s'amènent en pagayant leurs surf-boards chargées de fruits, de légumes, de colifichets et de pain frais (ah!!!). Gérard négocie trois pains pour deux euros-- et le Dominicain, qui parle un excellent créole guadeloupéen, nous laisse de savoureuses mandarines en prime. Ce qui nous assure un excellent petit déjeûner, et un appareillage des plus gais.
Peu avant 11h, on longe les Saintes. Vu du large, c'est ravissant et on se promet d'y revenir. Marie-Galante est une mince ligne sombre à l'horizon sur notre droite (on dit à tribord, idiot!).
Il n'est pas encore 14h que nous sommes amarrés à la marina de Bas-du-Fort ("C'est petit comparé au Marin", commente l'indécrottable Martiniquaise Azur). Dans l'intervalle, nous avons communiqué avec Belaye, qui ne croyait pas qu'on allait vraiment débarquer, et Evelyne, la soeur d'Azur, à qui on n'avait pas parlé depuis deux ans au moins... et qui se met à brailler comme une Madeleine.
Le réveillon on le fait entre nous: foie gas, fruits de mer, roquefort et blanquette de Limoux (meilleur que du champagne, quoi que vous pensiez), etc.
Le midi du 1er janvier, Belaye arrive avec son fils Tony, et on part en mer, en principe pour un dîner du Jour de l'An sur les flots bleus. Sauf que Tony a un mal de mer carabiné. Donc, on fait un long et délicieux plongeon au large de l'Îlet Gosier -- une fois à la flotte, Tony se porte comme un charme -- et on rentre au port pour une (assez bonne) bouffe au resto. Le reste est sans histoire.

Tatie Gisou

(30/12/2006) Alors, pour le Jour de l'An, on fait quoi? Guadeloupe, nous voici!
Des quatre jours après Noël, pas grand-chose à dire, sauf qu'on récupère de nos joyeuses libations, qu'on appelle les parents et amis pour les Voeux, qu'Azur va voir à Case Pilote sa vieille copine Giselle Baka (comédienne et chanteuse, la Tatie Gisou de tous les enfants martiniquais), et qu'en parlant avec le vieux frère Robert Belaye, on a le goût d'aller le surprendre pour le Premier de l'An à côté de chez lui.

Un Noël «accidenté»

(26/12/2006) Devrait-on nous décorer pour sauvetage en mer? Drôle d'histoire.
Après avoir prévu de nous rendre au Diamant (30 km, soit 45 min. de petites routes) en taxi pour le réveillon, une autre idée nous vient: et si on y allait en bateau? Ce sera bien plus simple pour rentrer se coucher dans la nuit de Noël, non? Sitôt dit, sitôt fait, dans l'après-midi du 24 on met le cap sur l'anse de la Cherry, l'endroit abrité le plus proche du bourg -- 5 minutes à peine de taxi.
Mais à l'entrée de la baie, un voilier monocoque de location est en difficulté: son skipper, inexpérimenté, a raté la passe d'entrée et s'est échoué sur une caye juste au large de la pointe, où lui et sa femme se font drôlement secouer par la célèbre houle courte et vicieuse du Diamant. En même temps que nous, trois garçons sur des scooters de mer arrivent à la rescousse. Après plusieurs tentatives pour touer le "naufragé" hors de sa position inconfortable, c'est le pro Gérard qui trouve la solution: il faut faire pencher le voilier jusqu'à ce que sa quille se libère du récif.
On accroche donc sa drisse de grand-voile à notre poupe, et on force le mat à s'incliner à environ 45 degrés (la femme du skipper du dimanche pique une bonne crise de nerfs, couchée au fond du cockpit), pendant que les trois scooters, grâce à des câbles attachés à la proue du voilier, tirent à l'unisson. Après 15 secondes de suspense, victoire! La coque glisse loin de son piège et, soulagé, le marin amateur va jeter l'ancre au fond de la baie... et consoler sa femme, du moins on l'espère.
Nous, qui avons beaucoup moins de tirant d'eau, pouvons mouiller un peu plus près de la passe, pour être à courte portée du quai de l'hôtel Novotel, où le taxi de l'ami Boucou doit venir nous prendre.
Pas grand-chose à dire du réveillon, très réussi entre le bar abondant et la succulente cuisine d'Armande, qui officie elle-même tout en participant à la fête. Nous sommes une trentaine, y compris la Tante Marcelle et ses trois enfants, plus Gérard, Maryse et nos copains ex-québécois Lena et Jean-Yves, venus de la Pointe-du-bout. Avec en vedette le sénateur-maire Serge Larcher, frère de Charles, qui était venu faire acte de présence... et qui reste à s'amuser avec sa famille jusque passé minuit. Sénateur peut-être, mais Martiniquais d'abord.
Le retour à bord n'est pas si évident: quand nous rentrons au Novotel, tout est plongé dans l'obscurité, il faut retrouver le chemin du quai et l'annexe presque à tâtons. Et descendre dans le gonflable puis remonter à bord du Bum sans lumière (et sous une pluie intermittente), c'est pas évident.
On finit par y arriver, et le fait d'avoir notre lit immédiatement sous la mainau lieu de nous taper un long retour en voiture vers le Marin est une jolie compensation. Se balader avec sa maison sur son dos, c'est pas si bête après tout!
La journée de Noël se passe à flâner en mer: baignade à la Pointe Borgnesse suivie d'un lunch "sur le pouce" de foie gras, asperges, langouste mayonnaise -- l'horreur, quoi! Retour au Marin au coucher de soleil.

Déménagement au Marin

(22/12/2006) Ben voilà, nous sommes maintenant résidents permanents du Marin.
C'était ça, le truc qui nous permettait d'amarrer le bateau ici sans payer d'énormes taxes: il fallait transférer notre résidence principale à la Martinique, et inclure le Bum dans les effets que nous avions le droit de déménager en franchise! Nous avons donc obtenu une attestation de résidence de la Marina, que la police locale s'est refusée à signer, puis nous avons rédigé un engagement "sur l'honneur" à effectuer le transfert de résidence à notre retour à Montpellier (qui deviendra "résidence secondaire").
Après moult péripéties et deux-trois trajets aller-retour à Fort-de-France, le douanier compatissant a décidé d'approuver notre dossier. Ouf. Nous habitons donc désormais à l'adresse "Bum chromé, ponton 6, Port de plaisance 97290 Le Marin"...
Ça implique avoir un casier postal ici, ouvrir des comptes de banque, prendre une ligne téléphonique, s'inscrire à la mairie, etc.
Heureusement, à travers toute cette paperasse, il y a des consolations: une promenade en mer pour faire le tour du Rocher du Diamant, un délicieux poulet boucané au Marin Mouillage (chez Gaston, en face de la marina), une tout aussi bonne langouste grillée beurre à l'ail sur la plage de Sainte-Anne après un bain de mer prolongé, sans compter quelques petits punchs.
Mercredi, alors que nous nous préparons à luncher au Diamant au resto d'Armande, une bonne surprise: Gérard nous appelle du bateau pour nous dire qu'"il y a ici une dame appelée Maryse qui vous cherche". C'est évidemment notre "soeur de café" (Azur dixit) de Paris qui a débarqué pour les Fêtes en Martinique et qui vient nous rejoindre avec ses voisins, deux jeunes métros (Français de la Métropole) sympas. Invitation à participer au réveillon (les jeunes ne peuvent pas, ils repartent la veille), échange de réminiscences et de papotages divers.
Hier soir, Charles et Raphaëlle sont venus faire leurs adieux (au champagne, comme d'habitude) avant de partir pour passer les Fêtes dans la famille de Raphaëlle en Guadeloupe.

Débarquement au Marin

(17/12/2006) On s'était juré qu'en arrivant, on irait passer quelques jours dans le luxe à la Plantation Leyritz... mais on se trouvait si bien sur le bateau (force de l'habitude, sans doute) qu'on a décidé de demeurer à bord au moins pour le moment.
De toute façon, il y a pas mal de détails à régler, surtout après un aussi long périple: les formalités d'inscription à la marina, la location d'une place de ponton à long terme, l'examen du bateau et des équipements: voiles, gréement, radar (défectueux), etc. Les deux premiers jours, on assiste à un défilé d'experts... tous plus coûteux les uns que les autres. Bof.
De plus, nous avions compté sans le comité d'accueil. Dès le premier midi, la femme et les deux fils de Charles sont arrivés à bord en même temps que notre copain Raymond Marie (par qui nous avions connu le skipper) et le cousin Daniel, qui avait fait un bout avec nous de Belgique en Bretagne l'été dernier. Après la distribution des jambons "pata negra" amenés d'Espagne, ça tourne -- bien sûr -- en party au restaurant Ti-Toques, le meilleur du Marin – bien arrosé au champagne.
Puis c'est le tour de la mère et du frère (gigantesque) de Gérard, qui viennent visiter le bateau. Enfin, il faut communiquer avec la cousine Armande du Diamant pour régler les détails du réveillon de Noël que Marie-José a promis d'offrir à sa famille.
Le lendemain vendredi, nous nous réveillons avec le soleil, pour contempler un spectacle fascinant: une nuée de superbes aigrettes blanches quittent à tire-d'aile les bords de la mangrove où elles ont passé la nuit pour s'égailler dans toutes les directions. Féérique.
La suite est moins drôle. Il faut aller dédouaner le bateau à Fort-de-France, et là, on en apprend une bonne: pour garder le Bum chromé en permanence en Martinique, il faudrait payer un "octroi de mer" s'ajoutant à d'autres taxes, une bagatelle de plus de 50 000 €! Heureusement, un douanier compatissant nous indique qu'il existe une possibilité d'éviter cela: à creuser dans les plus brefs délais.
Au retour à la marina, nous rencontrons Pancho, patron de la boutique "Le Marin pêcheur", grand copain de notre vieux pirate d'ami franco-californien Jean-Marie Deschamps; échange de nouvelles et de promesses de se revoir.
Samedi et dimanche, rythme un peu plus relax: grand ménage à bord avec Cynthia, une jeune femme trouvée par Gérard, récupération de la valise d'effets qu'on avait laissée chez Charles (dont la femme Raphaëlle nous avait préparé un super dîner martiniquais pour l'occasion), flânage dans le bourg et Internet par WiFi au café Mango Bay de la marina.