20 décembre 2012

Petit blogue de fin du monde

 Ah, c'est compliqué, Paris! On voulait réserver pour le grand show de l'Apocalypse du 21, mais on s'y est pris trop tard, y'avait plus de places à vendre même à la billetterie de dernière minute de la Place des Ternes. La fin du monde se passera donc de nous. Alors, si vous ne nous retrouvez pas demain soir au Jugement dernier, vous saurez au moins pourquoi! (Et gardez-nous une place au bar, dit Azur)
 Le retour de Barcelone à Montpellier il y a déjà trois semaines s'est bien passé, surtout que la fin du séjour a été embellie par cette fameuse visite à la Sagrada Familia que je me promettais depuis toujours. La basilique est maintenant très avancée (fin des travaux dans une quinzaine d'années à peine, dit-on) et l'intérieur, que je n'avais vu qu'à l'état de chantier il y a des décennies, tient toutes les promesses de l'extérieur.

 Les trois voûtes sont d'une hauteur et d'une envolée à couper le souffle, les gigantesques colonnes ont un caractère végétal très gaudien, la décoration avec ses statuaires de trois genres bien distincts -- primitif médiéval, cubiste et moderniste catalan --, ses céramiques et ses splendides vitraux se combine avec une surprenante réussite au thème néo-gothique de l'architecture...
 En l'absence d'Azur qui, en prenant de l'âge, apprécie un peu moins les hauteurs, je me suis tapé la grimpette (en ascenseur presque tout le long) dans une des tours de la façade, y compris les derniers mètres à pied dans un étroit escalier en colimaçon qui rappelle ceux de Notre-Dame de Paris. Dur-dur pour les vieilles jambes, mais la vue d'une des passerelles d'arc-boutant à 65 mètres d'altitude en valait la peine. D'un côté l'élan des tours, le jet des arches et les plans sinueux des toits écaillés, de l'autre la perspective à vol d'oiseau de Barcelone étalée entre le Tibidabo et la mer.
 La veille du départ, je suis allé faire ma petite tournée habituelle au marché de la Boqueria, à cinq minutes de l'hôtel. Pas tout à fait aussi spectaculaire que la dernière fois (c'était la Semaine sainte), mais l'animation du début des emplettes de Noël valait le coup d'oeil. J'ai vertueusement résisté à l'envie de rapporter un des superbes "jamons de bellota" qui se balançaient partout au-dessus de nos têtes et me suis consolé avec quelques tranches translucides de lomo (soc de porc fumé, un délice!) et une fiole de conyac Lepanto XO -- non, vous n'y goûterez pas cette fois-ci, il reste dans notre réserve spéciale à Montpellier.
 Débarquement au crépuscule, deux jours plus tard que prévu, à la Gare St-Roch dans un froid quasi hivernal; heureusement Ingrid avait eu la bonne idée de laisser tourner le chauffage de l'appartement à mi-régime. Un p'tit coup de réchauffant, et nous étions comme chez nous! La belle surprise de notre retour a été les retrouvailles avec les bons amis Mistouf et Yvelyne Mathias, ex-restaurateurs de haut vol à l'Arboisie devenus chômeurs (temporaires).
Nous avions gardé le contact par courriel et Facebook, mais nous ne nous étions pas vus sauf en coup de vent il y a un an à la fin d'un lunch avec les voisins Chantefort. Cette fois-ci ils avaient tout leur temps, leur seule occupation majeure étant de suivre des cours de "réinsertion au travail" -- en informatique et comptabilité, c'est ça qui va améliorer la finesse de leur fameuse sauce au beurre blanc! Mais le moral est bon, et je les soupçonne un peu d'en profiter pour reprendre leur souffle, après quinze années et plus d'efforts soutenus pour tenir à bout de bras un restaurant hors-norme.
 Quoi qu'il en soit, après nous être retrouvés aux Trois-Grâces, Place de la Comédie où nous avons aussi croisé notre guitariste préféré Fethi, nous avons pu nous offrir le luxe de nous installer pour une belle et longue bouffe au Pescator, Place du Nombre d'or. Tout y a passé: souvenirs communs, jongleries philosophiques, élucubrations politiques, anecdotes journalistiques et culinaires... Au café, les jeunes patrons du restaurant, connaissant la réputation de Mistouf, sont venus se joindre à nous autour de deux bouteilles de fort bon "rhum traffiqué", et la conversation a nettement dévié "métier". Il faisait presque nuit quand nous sommes ressortis prendre le tram vers la maison.
 Ne restait plus qu'à faire nos adieux aux voisins du dessous et aux patrons de la brasserie en face (cuisine fortement améliorée et tables remplies depuis la venue d'un nouveau jeune chef), puis jeter quelques effets dans deux petites valises pour Paris et Montréal.
 Demain, si la planète est toujours là, nous rejoignons les vieux amis montparnassiens Janine et Michel Euvrard autour d'un joyeux couscous!

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