19 juillet 2016

Convention «républicaine»?

Curieux spectacle que nous offrent cette semaine les conservateurs américains réunis à Cleveland pour leur grand-messe électorale.
Le fond de scène est déjà spectaculaire: des massacres massifs plus ou moins islamistes il y a un mois à Orlando, Floride et jeudi dernier à Nice, France, un assaut à la hache et au couteau dans un train allemand et des attentats plus ciblés de tireurs à Dallas et Baton Rouge, USA, sur des policiers (surtout blancs) clairement provoqués par plusieurs bavures policières contre des citoyens noirs.
Face à cela, le gouverneur républicain de l'Ohio où se tient la convention rejette catégoriquement la requête unanime des forces policières de suspendre pour une semaine le droit illimité de porter des armes de toutes sortes. Pourtant, les organisateurs ont clairement posé comme thème majeur de l'événement la sécurité publique, la loi et l'ordre!
Autre paradoxe, le parti qui défend mordicus le droit absolu des riches et des entreprises à inonder d'argent les caisses électorales... se trouve à court de fonds de campagne, boudé par bon nombre de ses bailleurs de fonds traditionnels! Et la rhétorique virulente de Donald Trump et des autres ténors conservateurs contre le Président démocrate Barack Obama tombe drôlement à plat face à un imprévu regain de popularité du Chef d'État en fin de mandat. En même temps Mme Trump, pour vanter les mérites de son époux devant les délégués, ne trouve rien de mieux que d'«emprunter» les mots mêmes qu'utilisait dans les mêmes circonstances Michelle Obama à propos du sien!
Tandis que le candidat officiel républicain a facilement triomphé de tous ses rivaux pour s'imposer dans les primaires, la direction du parti demeure visiblement réticente à son égard: beaucoup de membres de l'establishment ne l'appuient qu'à reculons, certains d'entre eux et non des moindres (par exemple le gouverneur de l'État et les deux ex-présidents vivants issus du GOP) n'assistent même pas à la fête et un mouvement cherchant à lui faire opposition continue à se manifester en marge même de la convention qui devait être son couronnement. À tel point que les analystes mêmes des chaînes conservatrices que sont CNN et encore plus Fox News s'interrogent publiquement sur la capacité du parti de se présenter unifié à la campagne présidentielle cet automne...
Ça promet!

15 juillet 2016

Nice – Valls et LE ou LES terrorismes?

Disons d'abord que Manuel Valls a raison... et tragiquement tort. 
Raison en ce sens qu'il n'y a rien de plus que la sécurité puisse faire contre une action individuelle suicidaire, sauf à transformer nos sociétés en camps de concentration pseudo-nazis, comme Israël le propose cyniquement. 
Tort parce que contrairement à ce qu'il affirme et jusqu'à plus ample informé, la tuerie de Nice n'avait pas plus de rapport avec l'Islamisme radical que celle d'Orlando. Désespoir radical ou déséquilibre mental radical dans les deux cas, oui. Mais Islamisme radical? Aucune preuve. 
Daech et Al Qaida ont suffisamment de crimes sur la conscience pour qu'on leur en ajoute dont ils ne sont que bien indirectement responsables, seulement pour avoir montré à des gens instables et motivés par un désir de mort ce qu'il est possible d'accomplir avec les moyens disproportionnés que notre civilisation leur offre à cet effet. C'est une erreur aussi grave que celle qu'avait faite Aznar en Espagne en attribuant le massacre de la gare d'Atocha au "terrorisme basque".
Une rare voix calme et intelligente s'est élevée dans la panique discordante ambiante. Louis Brunet, psychologue quinquagénaire, moustache et débonnaire, prof à l'UQAM, disait à RDI vendredi après-midi: Le problème de détection et de prévention de telles tragédies relève plus des psys, sociologues et organismes d'aide aux gens fragiles et instables que des policiers et escouades antiterroristes. Le simple bon sens que personne, bien sûr, ne va écouter.
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Je sens le besoin d'ajouter ceci, après une journée supplémentaire de lecture et de réflexion:
On commence à entendre une interrogation qu'il aurait fallu se poser bien plus tôt. Se trompe-t-on de cible en faisant la guerre AU terrorisme – comme si c'était un bloc monolithique? Ou n'y a-t-il pas plutôt, même dans la mouvance islamiste, DES terrorismes bien distincts qu'il ne faut pas forcément combattre tous de la même manière avec les mêmes moyens?
N'étant pas expert en la matière, je me sens un peu téméraire de m'avancer dans ce qui suit, mais cela me paraît assez vraisemblable – et potentiellement utile – pour m'y risquer.
Je perçois au moins quatre variétés de terrorisme: celui des luttes nationalistes et territoriales: Hezbollah, Fatah (plus apparentés aux Mau-Mau kenyans, au FLN algérien et au FLQ québécois qu'au Coran)... Celui qui se définit essentiellement par ses cibles et ses ennemis, islamiste mais sans ambition géographique: Al Qaida... Celui qui se définit par un crédo bien spécifique avec des ambitions historiques «impériales»: Daech et l'État islamique. Enfin, celui des fanatiques plus ou moins solitaires qui peuvent ou non se réclamer d'un des autres mais sans en suivre les règles et le modus operandi: les tueurs d'Orlando, de Nice...
Le premier est connu de longtemps et son action est circonscrite. Les deux suivants sont organisés et structurés en cellules et groupes d'action qu'il est possible d'identifier, mais rarement d'inflitrer; les revendications de l'un peuvent presque toujours être vérifiées et doivent être prises au sérieux, mais celles de l'autre sont douteuses, car il a tendance à s'associer après coup à des actions individuelles et anarchiques dont il est loin d'être certain qu'il a vraiment été l'initiateur. C'est contre ces deux variantes que la «lutte au terrorisme» policière et paramilitaire devrait être le plus efficace, même si à mon avis elle n'est pas suffisante.
Le dernier est le plus difficle à détecter et à prévenir par les moyens classiques... et c'est aussi celui dont le potentiel de croissance est le plus élevé et le plus dangereux. Il est souvent le fait d'individus instables, déséquilibrés, qui peuvent soit adhérer plus ou moins brusquement à un islamisme radical sans faire partie de son organisation, ou simplement s'inspirer de ses méthodes et s"en servir comme excuse pour leurs propres pulsions. Dans ce cas, il me paraît particulièrement indiqué de recourir moins à des techniques policières et plutôt à des approches sociologiques et psychologiques pour identifier et soigner avant le fait les personnes susceptibles d'y succomber. Je ne prétends pas que c'est là LA solution, mais il me semble que c'est une composante indispensable de toute réponse à la fois efficace et civilisée au défi qui nous est posé.