15 juillet 2016

Nice – Valls et LE ou LES terrorismes?

Disons d'abord que Manuel Valls a raison... et tragiquement tort. 
Raison en ce sens qu'il n'y a rien de plus que la sécurité puisse faire contre une action individuelle suicidaire, sauf à transformer nos sociétés en camps de concentration pseudo-nazis, comme Israël le propose cyniquement. 
Tort parce que contrairement à ce qu'il affirme et jusqu'à plus ample informé, la tuerie de Nice n'avait pas plus de rapport avec l'Islamisme radical que celle d'Orlando. Désespoir radical ou déséquilibre mental radical dans les deux cas, oui. Mais Islamisme radical? Aucune preuve. 
Daech et Al Qaida ont suffisamment de crimes sur la conscience pour qu'on leur en ajoute dont ils ne sont que bien indirectement responsables, seulement pour avoir montré à des gens instables et motivés par un désir de mort ce qu'il est possible d'accomplir avec les moyens disproportionnés que notre civilisation leur offre à cet effet. C'est une erreur aussi grave que celle qu'avait faite Aznar en Espagne en attribuant le massacre de la gare d'Atocha au "terrorisme basque".
Une rare voix calme et intelligente s'est élevée dans la panique discordante ambiante. Louis Brunet, psychologue quinquagénaire, moustache et débonnaire, prof à l'UQAM, disait à RDI vendredi après-midi: Le problème de détection et de prévention de telles tragédies relève plus des psys, sociologues et organismes d'aide aux gens fragiles et instables que des policiers et escouades antiterroristes. Le simple bon sens que personne, bien sûr, ne va écouter.
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Je sens le besoin d'ajouter ceci, après une journée supplémentaire de lecture et de réflexion:
On commence à entendre une interrogation qu'il aurait fallu se poser bien plus tôt. Se trompe-t-on de cible en faisant la guerre AU terrorisme – comme si c'était un bloc monolithique? Ou n'y a-t-il pas plutôt, même dans la mouvance islamiste, DES terrorismes bien distincts qu'il ne faut pas forcément combattre tous de la même manière avec les mêmes moyens?
N'étant pas expert en la matière, je me sens un peu téméraire de m'avancer dans ce qui suit, mais cela me paraît assez vraisemblable – et potentiellement utile – pour m'y risquer.
Je perçois au moins quatre variétés de terrorisme: celui des luttes nationalistes et territoriales: Hezbollah, Fatah (plus apparentés aux Mau-Mau kenyans, au FLN algérien et au FLQ québécois qu'au Coran)... Celui qui se définit essentiellement par ses cibles et ses ennemis, islamiste mais sans ambition géographique: Al Qaida... Celui qui se définit par un crédo bien spécifique avec des ambitions historiques «impériales»: Daech et l'État islamique. Enfin, celui des fanatiques plus ou moins solitaires qui peuvent ou non se réclamer d'un des autres mais sans en suivre les règles et le modus operandi: les tueurs d'Orlando, de Nice...
Le premier est connu de longtemps et son action est circonscrite. Les deux suivants sont organisés et structurés en cellules et groupes d'action qu'il est possible d'identifier, mais rarement d'inflitrer; les revendications de l'un peuvent presque toujours être vérifiées et doivent être prises au sérieux, mais celles de l'autre sont douteuses, car il a tendance à s'associer après coup à des actions individuelles et anarchiques dont il est loin d'être certain qu'il a vraiment été l'initiateur. C'est contre ces deux variantes que la «lutte au terrorisme» policière et paramilitaire devrait être le plus efficace, même si à mon avis elle n'est pas suffisante.
Le dernier est le plus difficle à détecter et à prévenir par les moyens classiques... et c'est aussi celui dont le potentiel de croissance est le plus élevé et le plus dangereux. Il est souvent le fait d'individus instables, déséquilibrés, qui peuvent soit adhérer plus ou moins brusquement à un islamisme radical sans faire partie de son organisation, ou simplement s'inspirer de ses méthodes et s"en servir comme excuse pour leurs propres pulsions. Dans ce cas, il me paraît particulièrement indiqué de recourir moins à des techniques policières et plutôt à des approches sociologiques et psychologiques pour identifier et soigner avant le fait les personnes susceptibles d'y succomber. Je ne prétends pas que c'est là LA solution, mais il me semble que c'est une composante indispensable de toute réponse à la fois efficace et civilisée au défi qui nous est posé.

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