27 septembre 2016

Visite magique au Cabaret

Ma soeur Marie vient de me faire un merveilleux cadeau: un petit bout de ma jeunesse! Elle a déniché quelque part un disque de repiquages du mythique Cabaret du Soir qui Penche, tirés des Archives de Radio-Canada.
Lorsque j'ai débuté comme rédacteur-reporter au Service des Nouvelles radio en 62-63, j'étais souvent conscrit, en tant que dernier arrivé, pour assurer les bulletins de nouvelles des soirs de fin de semaine. Célibataire et couche-tard, ça ne me gênait pas trop, d'autant que j'ai vite découvert un bénéfice caché à ce pensum: celui d'être le seul client physiquement présent au virtuel Cabaret de Guy Mauffette. 
Le génial et charmant inventeur de la «radio intimiste» canadienne m'avait pris en amitié, et souvent le dimanche soir, une fois que j'avais composé à toute vitesse mes trois radio-journaux (fortement répétitifs) pour la soirée, nous descendions ensemble à la cafétéria du sous-sol nous munir de sandwiches, cafés et sodas, puis remontions à son studio du deuxième étage nous asseoir face à face dans la quasi-pénombre qui baignait son pupitre d'animateur. 
Il me faisait un clin d'oeil complice, agitait la main en guise de signal du départ pour le technicien en cabine derrière nous (c'était souvent le père de Robert Lemieux, le futur avocat du FLQ), ouvrait son micro et, sur le ton de la confidence après les dernières notes du «Petite fleur» de Sidney Bechet, murmurait: «Bonsoir, bienvenue au Cabaret du Soir qui Penche, this is the Night-Falling Cabaret...». 
Ce qui suivait, extraits de poèmes, chansons poétiques de toutes origines, pièces de jazz et andantes classiques entrecoupés de soliloques partiellement improvisés à mi-voix, tenait de la pure magie, une gondole vénitienne de cristal flottant sur une nappe nocturne de velours noir. Parfois, nous allions clore la soirée par un verre (plus ou moins clandestin, c'était dimanche!) dans un bar du coin Guy-Dorchester. 
Une jeunesse pareille, ça continue longtemps à vous tenir chaud au coeur...

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