29 août 2017

C'est reparti

(Écrit dimanche matin) J'ai attendu quelques jours que la croisière se mette vraiment en marche pour en parler. Je profite donc du temps frais et gris ce matin au large de Paamiut, Groënland, pour me reprendre.
Nous avions raté le départ «officiel» à Montréal le 18 août pour un petit problème de santé. Heureusement, les effort combinés d'Évelyne, le médecin d'Azur, du pharmacien du rez-de-chaussée et surtout de notre agente de voyage Antonella, nous ont sauvé la mise, au prix d'une galopade assez épuisante.
En effet, il a fallu aller courir après notre paquebot, le 7-Seas Navigator de Regent Cruise Lines, pour le rattraper cinq jours plus tard au port de Saint-Jean, Terre-Neuve. Heureusement, le trajet en avion s'est bien passé, malgré la quantité de bagages à charrier (nous partions pour deux mois), et le temps à Terre-Neuve mercredi soir était étonnamment beau et doux.
Une fois installés au Newfoundland Sheraton — qui n'a rien à voir avec son homonyme édouardien que j'avais fréquenté dans les années 70-80 —, nous sommes ressortis sur Duckworth, une des deux rues qui longent le spectaculaire port de pêche, prendre un succulent souper de fruits de mer au Saltwater, un nouveau restaurant de qualité mais sans prétention, à la clientèle aussi jeune et animée que le personnel. Hélas, la fatigue et le manque d'appétit nous ont empêchés de faire honneur à des portions aussi gargantuesques que savoureuses de moules, de salade de crabe et de plateaux de coquillages variés. Pas de homard, malheureusement, la courte saison étant déjà terminée.
Au lever jeudi peu après 10 heures, notre fenêtre du 6e étage ouvrait sur un brillant soleil éclairant les activités du port où j'apercevais tout juste le nez blanc de notre navire. Un sympathique chauffeur de taxi marocain nous a baladés pendant une bonne demi-heure à travers le petit centre-ville coloré et sur les rives du havre tout en longueur, bordé de collines abruptes et protégé de la houle atlantique par un sévère goulot d'entrée serré entre deux caps.
J'ai depuis longtemps une attirance particulière pour le port de Saint-Jean, toujours grouillant de cargos et de chalutiers venus de tous les coins du monde, et ceinturé de bars et de bistrots bourrés de marins et de pêcheurs costauds parlant toutes les langues imaginables.
Pour finir, le taxi a grimpé Signal Hill et traversé le quartier typique de Battery, accroché au flanc d'un des promontoires qui gardent la sortie du port, pour s'arrêter à côté de la Tour Marconi, d'où en saison (juin et début juillet) on peut voir défiler à quelques kilomètres au large des troupeaux d'icebergs scintillants de toutes les tailles et de toutes les formes. C'est aussi de là que l'inventeur Marconi avait échangé les premiers signaux de radio sans fil avec l'Europe il y a une centaine d'années, inaugurant l'ère des communications modernes.
En début d'après-midi, nous nous sommes finalement embarqués sans trop de problèmes, et avons pu nous installer dans la mini-suite à balcon qui sera notre résidence jusqu'à la mi-octobre. Le Navigator est un petit paquebot qui prend moins de 500 passagers, mais dans un luxe impressionnant. Quatre restaurants, une demi-douzaine de bars dont un grand cabaret à spectacle, piscine, mini-casino, spa, boutiques...
Nous avons raté les premières escales, Québec, Saguenay, Charlottetown, sans trop de regret, sauf pour les îles françaises caillouteuses de Saint-Pierre et Miquelon, qu'Azur n'a jamais vues et où je n'ai pas remis les pieds depuis plus de 50 ans — et dont je ne garde pratiquement aucun souvenir, pour cause: j'étais avec deux copains chansonniers, aussi bohèmes que moi, et au premier bistrot que nous avons rencontré, nous avons découvert qu'un cognac pris au comptoir coûtait à peine la moitié du prix d'un café! Je vous laisse imaginer le reste du séjour.
Au coucher de soleil, le Navigator a appareillé, se glissant entre les deux lèvres escarpées et rocailleuses qui ferment le port pour mettre cap au nord, sur une mer grise et plutôt agitée qui allait nous secouer pendant deux jours et trois nuits.
C'est donc avec une plaisante surprise que dimanche matin, ouvrant les rideaux de la cabine, j'ai pu admirer la vue de Nuuk, «capitale» du Groënland, sous un clair soleil qui faisait miroiter une mer d'un calme plat, à peine égratignée par les sillages entrecroisés des nombreux speedboats et bateaux de pêche en goguette qui zigzaguaient au large de la côte.
Nuuk, avec ses 16 000 habitants, est à peine plus qu'un gros village de pêche dont les deux quartiers de petites maisons traditionnelles de toutes les couleurs sont bizarrement séparés par une douzaine de blocs d'habitation de béton gris reliés par des passerelles, qui font vaguement penser au style de Le Corbusier à son plus utilitairement austère. Derrière se dressent d'abord des collines dénudées, et un peu plus loin de spectaculaires pics tachetés de neiges éternelles.
Le passage probablement inhabituel d'un paquebot de luxe attise visiblement l'intérêt des habitants, un mélange de danois blonds et d'inuits sombres aux yeux bridés; la plupart des embarcations qui nous croisent ou nous longent ralentissent brusquement et leurs occupants nous fixent avec une curiosité marquée. Les plus insistants sont un groupe de kayakeurs (sans doute membres d'un club) qui passent un bon quart d'heure à tourner autour de nous, faisant ici et là quelques acrobaties pour attirer notre attention. Le tout dans un climat hospitalier et bon enfant.

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