07 avril 2019

Un trou noir politique?

Même à la retraite, je suis toujours tenté de céder à mes vieux instincts de journaliste politique -- local, national et international. Mais voici que sur les trois plans, je me trouve devant des situations absurdes ou impossibles à débrouiller.
Au Québec, le débat sur la laïcité dégénère en une bordée d'insultes auxquelles je n'ai aucune envie d'en rajouter. Il me semble pourtant que la question est facile à résoudre: les seules passions qu'elle suscite prouvent qu'une législation sur le sujet est indispensable; et malgré toutes mes réserves à l'égard de François Legault et de son gouvernement, la loi qu'ils proposent est de loin ce que nous avons vu de plus raisonnable et de plus clair jusqu'ici, que ce soit de la part des Libéraux ou des Péquistes. Elle n'est pas parfaite, mais elle ne comporte aucune injustice flagrante ni effet à long terme qu'il soit impossible de corriger par la suite; rien n'empêche de l'améliorer à mesure que l'usage en montrera les failles. Les hurlements actuels sont injustifiés, et de longs délais de discussion ne changeront pas grand chose.
À Ottawa, le régime Trudeau confirme toutes les inquiétudes que j'avais à son sujet dès le lendemain de l'élection. Le premier ministre n'a ni l'autorité naturelle, ni le jugement, ni la profondeur de pensée qu'exige notre époque de changements chaotiques dans un pays divers et complexe à la Constitution dysfonctionnelle. Et les Libéraux démontrent tous les défauts des «vieux partis», ce qu'ils sont, sans en montrer les qualités de constance et de modération. Mais l'opposition conservatrice ne promet rien de mieux, et le NPD a poursuivi sa course suicidaire vers l'insignifiance, notamment en choisissant un chef respectable, mais impensable comme Premier ministre pour la majorité des Canadiens et des Québécois.
À l'international, de multiples conflits régionaux au Moyen-Orient, en Asie, en Afrique ne sont pas plus près d'une solution qu'il y a dix ans, et de nouveaux apparaissent en Amérique latine: Vénézuéla, Brésil...
À Washington, la folle cavalcade de Donald Trump va se poursuivre encore deux ans, les efforts désorganisés des Démocrates étant bien incapables d'en bloquer la plupart des effets désastreux et les Républicains piétinant leurs principes les plus chers pour conserver des miettes d'un pouvoir dont ils ne savent que faire. Un rare signe encourageant: la qualité et la variété étonnantes des multiples candidats qui se pressent à la barrière de la course Démocrate à l'investiture pour la Présidentielle de 2020. L'effet est pour l'instant brouillon, mais il me semble que les électeurs yankees auront pour une fois un choix intéressant face à un adversaire qui n'a aucune bonne raison d'être réélu.
L'Union européenne se trouve confrontée à un Brexit non seulement inévitable, mais horriblement mal préparé, aux effets imprévisibles et catastrophiques pour les Britanniques, bien sûr, mais probablement aussi pour le reste du continent -- sans doute plus qu'on ne le prévoit. Et ce ne sont pas des élections parlementaires européennes sans véritable passion ni enjeu qui vont faire quoi que ce soit pour améliorer la donne. Il y a bien sûr l'inconnue d'une alliance des «vraies» gauches autour du mouvemement DiEM 25 de Yanis Varoufakis qui met un peu de piment, mais elle risque peu d'avoir un impact significatif, d'autant plus que son programme manque clairement d'audace et de promesse de vrai changement. À l'échelle nationale, pas grand chose à attendre de gouvernements soit usés, soit incapables: que seront l'Allemagne post-Merkel, l'Angleterre post-May, la France post-Macron, l'Italie post- Conte/Salvini, l'Espagne sans tête, la Grèce sous tutelle financière, une Europe centrale déboussolée et tentée par le populisme, etc.? Bien fin qui peut se hasarder à leur prédire un avenir quelconque, encore moins un qui soit positif.
Tout ça est bien de nature à me faire baisser les bras. C'est bien le temps que je prenne des vacances à bord du Bum chromé, aussi loin de l'Internet que des télés et des journaux. Pourvu que la santé nous le permette.

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