20 décembre 2019

Un oeil aigu qui se ferme...

Je me sens aussi en deuil d'Antoine Desilets que sa propre famille... Pas seulement un merveilleux confrère de travail (au magazine hebdo, à la rubrique éducation puis politique de La Presse, à SPEC, dans notre chronique ensemble des années '70, ensuite quand il enseignait la photo au Sénégal, etc.), mais aussi un ami, un complice spirituel et amusant, un confident, un grand «discuteux» de la politique québécoise...
Notre première collaboration, sous la direction de Pierre Bourgault, fut un article du magazine de La Presse sur la pollution par le bruit à Montréal. Antoine avait trouvé le tour de fabriquer des images «bruyantes» en jouant sur les couleurs criardes, les juxtapositions anormales, les objets et les angles biscornus. Une véritable éducation visuelle pour moi... et pour les lecteurs.
Au cahier SPEC, il était mon complice de prédilection. Un jour, nous rencontrions une séduisante «miss quequ'chose» d'une abysmale bêtise, que je m'apprêtais à crucifier dans mon article; or Antoine, séduit par sa beauté, l'a transformée magiquement en une déesse digne de Botticelli par ses images – j'ai été obligé de repenser tout mon texte!
Mais c'est surtout dans notre série de «Personnages montréalais» de 73-74, où nous avions chacun la moitié d'une pleine page grand format, que j'ai pu apprécier son extraordinaire talent pour faire ressortir le caractère des gens, qu'il s'agisse d'un ex-ministre unioniste devenu président de Loto-Québec, du publicitaire Jacques Bouchard, de l'architecte de Mirabel Roger Dastous, d'un waiter d'une taverne emblématique de la «Main», de la couturière Marielle Fleury ou d'une marchande de jouets (d'une terrible laideur hélas!) de la rue Laurier.
Je l'avais revu quelques fois dans sa résidence du nord-est de la ville après que nous avions tous deux pris notre retraite, mais pas depuis deux ans; on se le promettait, et chaque fois quelque chose nous incitait à remettre ça. Quel regret!

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