Avant que ça se perde dans les brumes de la mémoire parfois capricieuse, deux moments magiques – encore une fois dûs à la dévotion de mon ami Claude Normand pour le souvenir de sa merveilleuse Sonia del Rio.
Il nous avait réunis une bonne douzaine de fidèles, dont son fils Sébastien, les artistes Jacques et Marilyn de l’Estérel et Isabelle-Huguette de Montréal, les Pomerleau du côté de Joliette et quelques «jeunes» ex-élèves de flamenco de Sonia, pour commémorer le décès de celle-ci à la mi-octobre il y a deux ans. Longs échanges chaleureux de nouvelles et souvenirs à l’apéritif, puis passage autour d’une immense table de buffet froid gourmand (crudités, charcuteries, fromages…).
C’est là que, sans avertissement et a capella, surgissent soudain les belles voix de Nancy et David (?) dans ce sommet de l’opéra baroque, le grand duo des Noces de Figaro. Près de dix minutes d’harmonies sublimes et de parfait bonheur qui élèvent l’évènement loin au-dessus d’une simple rencontre de copains. Et qui donnent le ton à tout le reste d’un après-midi mémorable.
L’autre moment, plus personnel, m’est venu de retrouvailles imprévues avec une revenante de ma prime jeunesse montréalaise. Joanne, que j’avais connue toute gamine, est la fille de la défunte patronne Ghislaine Tellier du mythique Café des Artistes (dont le chat a été ironiquement chanté par Jean-Pierre Ferland), où se retrouvait pendant les années soixante tout l’entourage talentueux et trépidant de la presque débutante télévision de Radio-Canada.
À l’époque d’avant les vidéos magnétiques, toute la diffusion se faisait forcément en direct sauf pour quelques éléments filmés en 16mm noir-et-blanc. Les répétitions avaient lieu le matin, puis les émissions en après-midi (séries enfantines) et en soirée (téléromans, variétés, théâtres). Entre les deux, artistes divers, animateurs et techniciens avaient plusieurs heures à perdre sans s’éloigner des studios, alors situés boul. Dorchester (René-Lévesque) près de Guy.
On se réfugiait donc en partie à la Taverne Royale rue Guy, mais surtout au Café le plus proche, angle Mackay, autour de la table d’une banquette en demi-lune, juste à droite de l’entrée, pour luncher, boire un verre et se livrer à de féroces parties de dés sur une piste de 4-2-1 à la lyonnaise. Les habitués, dont j’étais avec enthousiasme, s’étaient eux-mêmes surnommés «les Compagnons de la Table-ronde»: c’étaient surtout Pierre Thériault (Monsieur Surprise), Guy Sanche et Paule Bayard (Bobino), Jean Lapointe (les Jérolas), un des frères de Margerie et François Dompierre (musiciens), les «annonceurs» Michel Garneau (aussi poète et dramaturge), Gaétan Barrette et Gilles Moreau, les comédiennes et comédiens Dyne Mousso, Andrée Champagne (Donalda), Ginette Letondal, Guy L’Écuyer et Hubert Loiselle…
Tout cela évidemment accompagné de folles discussions à bâtons rompus sur les péripéties variées, souvent surprenantes de l’alors dominante Révolution tranquille! Quelle jeunesse!
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