01 octobre 2011

Retrouvailles

Le retour à Montpellier est marqué d'un plaisir inattendu. Après trois ou quatre jours de cocooning, question de rattraper le décalage horaire, je cherche sur Internet un nouveau resto pour varier notre ordinaire et je tombe sur "les Jardins de Saint-Jaumes", cantine haut de gamme d'une résidence de charme pour retraités, dans un coin perdu du côté des Universités. Et surtout sur le nom du chef, Pascal Mathias dit "Mistouf". Un coup de fil me confirme qu'il s'agit bien de notre vieux complice gastronomique de l'Arboisie (mythique restaurant de "poisson sauvage" face à la Gare St-Roch), perdu de vue depuis au moins trois ans.
Le tram bleu nous dépose à côté du Stade Philippidès, d'où le GPS de mon iPhone nous fourvoie à l'autre bout de la rue du Faubourg St-Jaumes. Après un kilomètre de trop et deux interrogations de passants compatissants, nous arrivons devant un bel hôtel particulier niché dans un jardin clos. À peine avons-nous gravi les trois premières marches du porche que nous entendons une galopade accompagnée d'une voix reconnaissable entre toutes: "C'est pas vrai, mais c'est pas vrai! Bourricot!" Et cette espèce de gnome chauve au sourire plus large que sa trogne se pend à nos cous et nous entraîne à la cuisine, où sa femme Yveline -- qui n'a pas changé non plus -- s'affaire aux entrées et aux desserts.
Deux minutes plus tard, nous voici attablés à la jolie terrasse derrière la résidence, Azur avec un americano ("Tu vois, j'ai pas oublié comment tu les aimes"), moi une bouteille de pastis artisanal ("Tu te sers tant que tu veux, mon chéri"). Et presque aussitôt une mise en bouche de purée de pois mange-tout parfumés à l'orientale à côté de minuscules puces de mer sautées. Suivront évidemment la géniale entrée onctueuse de Mistouf qui lui avait valu dans le temps les honneurs du Gault & Millau, la "brandade de morue en robe cardinal", puis des saint-jacques demi-cuites et des encornets presque moëlleux avec un petit soufflé jardinier. Le bonheur.
Et sitôt les dernières clientes expédiées (deux charmantes locataires de la maison qui s'arrêtent un moment à notre table, curieuses comme des pies), Yveline et Mistouf viennent s'asseoir pour boucher les trous de trois années de séparation. Pendant que nous baguenaudions entre les Grenadines, le Danube, Miami et Barcelone, elle restait sur le front de mer de la Grande-Motte tandis que lui passait un an à Shanghaï. Oui, ils sont toujours aussi écolos et copains avec José Bové, oui, nous avons toujours le Bum chromé en Martinique (ils viendront peut-être nous y rejoindre à Noël), non, elle n'a pas cessé de fumer, oui, ils ont porté le deuil de l'ancien maire socialo-iconoclaste-grande gueule Georges Frêche qui était un habitué de l'Arboisie, etc.
La veille, comme les bonheurs ne viennent jamais seuls, nous avions retrouvé sur la Place de la Comédie notre guitariste de rue algéro-flamenco préféré, Fethi, toujours barbu, plus mince et dans une forme resplendissante. Ça s'est fêté autour d'une bonne crêpe aux endives sur une terrasse voisine. Et deux jours plus tôt, Place Jean-Jaurès, le Régis moustachu de la brasserie du même nom, après nous avoir servi deux splendides chaudrons de moules-frites (roquefort et ardennaises) s'était joint à nous au café pour vider une bouteille vert émeraude de verveine du Velay de sa cave personnelle.
Comment pourrions-nous ne pas aimer Montpellier?

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