30 novembre 2012

Retour aux Ramblas

C'était une décision à brûle-pourpoint. Quand ma nièce Geneviève nous a annoncé sur Facebook à quelques jours d'avis qu'elle passait le week-end suivant à Barcelone, nous nous sommes regardés: "Et si on y allait aussi?" 

C'est comme ça que jeudi dernier, nous nous sommes retrouvés à bord d'un TGV pour Figueres, d'où un express espagnol nous a déposés en gare de Sants après un peu moins de quatre heures d'un voyage sans histoire. Il n'y a plus de Pyrénées, comme aurait dit Louis XIV... seulement quelques rampes et tunnels! Déçus l'an dernier par un Méridien-Barcelone relooké à la Philippe Starck (chic mais inconfortable), mais voulant retrouver l'ambiance unique des Ramblas et du Barri Gotic, nous avons choisi juste de l'autre côté de la rue le moins prestigieux mais élégant Montecarlo, à la façade "art nouveau" rappelant la fantaisie de Gaudi.

Bingo! L'intérieur est en grande partie dans le même style et notre "suite junior" est un véritable appartement de 60 m2 avec grande chambre, joli salon et immense salle de bain-douche massage-jaccuzzi pour deux! Le tout pour moins cher qu'une chambre "standard" au Méridien.
Comme un bonheur ne vient jamais seul, vendredi matin, en descendant déjeûner, je trouve à la réception la carte de visite de Paolo Sapio, le photographe italo-espagnol qui m'avait si généreusement fourni la photo-couverture de "Refaire le monde" sans que nous nous soyons jamais rencontrés. Il propose de venir me voir le lendemain soir. Oui, bien sûr.
Le midi, en cherchant à retrouver le chemin du Casa Agusti, le super resto de cuisine traditionnelle que nous avions découvert lors d'un précédent sėjour, nous nous butons sur une manif petite mais animée face à l'Universitat: "Banquiers et politiciens au service des citoyens" réclame une grande banderolle. Tu parles... tant que Rajoy et sa droite néolib demeurent au pouvoir? Faut pas rêver!
Au restaurant, la patronne francophile nous reçoit comme de vieux amis, nous sert un fino et un moscatel avec des olives noires parfumées à l'ail puis nous installe dans sa salle aux saveurs des années 40-50. Jamon jabugo, poireaux aux crevettes en entrée. Je continue avec une goûteuse saucisse botifarra-haricots blancs, mais Azur choisit encore mieux, la paëlla parellada maison dont les viandes et fruits de mer sont décortiqués et intimement mariés au riz brun. Avec un Jardins del Priorat 2008 au-dessus de tout soupçon, c'est le beau-frère Jean, roi incontesté de la paëlla du Plateau Mont-Royal, qui serait impressionné.
En soirée, quelques tapas et une balade en taxi à travers la ville illuminée: vieux quartiers, rénovations le long du port et dans Poble Nou, Gracia et Tibidabo. À part quelques chantiers visiblement laissés à l'abandon et une affluence un peu plus faible dans les quartiers "chauds", peu de traces d'une crise économique et sociale pourtant certaine et profonde.
Samedi, il fait plutôt beau et nous renouons avec la faune des Ramblas et du Raval voisin. En particulier avec Julivert Meu, café-resto étudiant d'une petite rue bien entortillėe où chacun fabrique à son goût le "pan amb tomaquet" pour accompagner une offre aussi large qu'économique de charcuteries, salades, tortillas et autres tapas. Plus bière, cidre et gros rouge de la région. Avec au dessert d'originales et savoureuses figues à l'armagnac.
Retour à l'hôtel pour rencontrer au bar Paolo Sapio, un grand type mince, velu et volubile dans la trentaine. Nous arrivons assez bien à communiquer dans une sorte de sabir à base d'anglais du Latium mâtiné d'espagnol et de français. Lui-même italien, il vit la plupart du temps dans la Rioja voisine avec sa compagne chanteuse, Silvia, et leurs jeunes enfants. Passionné par les mouvements sociaux et politiques, il suit depuis le début les "indignados" de Madrid et Barcelone dont il a abondamment illustré les péripéties sur Internet.
Il filme avec son appareil compact quelques minutes d'interview sur "Refaire le monde" et mes divagations plus ou moins pertinentes sur les évènements récents, qu'il compte mettre sur le Web. Curieusement, je le trouve plus informé et disert sur la  situation en Espagne que sur celle de son pays d'origine... qui est pourtant loin d'être sans intérêt.
Dimanche matin bien tranquille. Nous attendons la nièce Geneviève, qui débarque avec deux collègues (ou ex-collègues? pas clair) juste à temps pour l'apéro. Ils admirent comme il se doit l'Hotel Montecarlo et notre géniale suite "junior", puis partent de leur côté tandis que nous entraînons Gen vers la calle Vergara (ou carrer Bergara, c'est selon) où nous lui faisons nouer connaissance avec les délices de Casa Agusti — joli mousseux "cava" et re-paëlla parellada, notamment.
Malgré une pressante invitation à nous accompagner en soirée au Palau de la Musica voisin, elle nous quitte au crépuscule: elle est ici pour travailler, elle vient de prendre charge de l'organisation des congrès et conférences pour une association médicale internationale qui l'a expédiée de Milan à Madrid à Barcelone pour choisir le site d'un prochain évènement majeur.
C'est donc tout seuls comme deux grands qu'à la nuit tombée nous traversons les étroites allées du Barri Gotic pour le décor échevelé mais fonctionnel du Palais de la musique catalane et les fastes d'un Gran Gala Flamenco qui porte fort bien son nom...

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