18 juillet 2015

Impossible de réformer l'Union européenne?

Cette réflexion est provoquée par un intéressant article dans l'hebdo Marianne, «L'échec de Syriza, c'est l'échec de l'idée d'une réforme de l'UE de l'intérieur» (17/07/2015).
J'avais encore des réserves là-dessus jusqu'à la tragédie de lundi, mais je dois admettre que Syriza en a fait la démonstration convaincante. À ses frais et à ceux du peuple grec, hélas. On peut dire que la preuve était là depuis l'échec en 2005 de la tentative maladroite (et malhonnête) pour associer les peuples à l'évolution des structures de l'Union — qui a donné le non-respect des référendums en France et en Hollande sur la Constitution de Giscard et en Irlande sur le Traité de Lisbonne. Mais le caractère bigarré des oppositions d'alors, associant eurosceptiques et vrais réformateurs pro-européens, laissait planer un doute que la crise grecque a levé.
Par contre, je trouve que l'article de Marianne néglige un pan majeur de la question en limitant la problématique à la position des «gauches radicales»... et à l'Union européenne. Syriza, comme Podemos en Espagne et, dans une certaine mesure, Die Linke en Allemagne, ne sont pas des partis de gauche radicale classique, dogmatiques, exclusifs et reposant sur un appareil. Il est vrai que Syriza a son point de départ dans la «gauche de la gauche», mais sa composition actuelle est beaucoup plus variée; d’ailleurs, la volonté affichée aujourd’hui par toutes ses composantes de maintenir l’unité du parti malgré les divergences de pensée est à l’opposé de la tendance fatale au fractionnement des partis d’extrême-gauche. Die Linke est né d'une scission du parti socialiste allemand, qui était loin d'être extrémiste. Podemos est issu directement de la rencontre d'activistes de gauche tiers-mondistes avec les protestataires de toutes origines des Indignados. Cinque Stelle, en Italie, est essentiellement anti-idéologique, groupé autour de l'idée du «tous pourris».
Tous s'inscrivent dans une nouvelle démarche, celle des mouvements «citoyens» inclusifs qui offrent une plate-forme fondée non sur l'adhésion idéologique et l’obéissance à des consignes venues d’en haut mais sur des revendications spécifiques venues d’en bas et sur des possibilités d'action commune non seulement aux activistes de gauche, mais à tous les contestataires de bonne foi, y compris du centre et même de centre-droit, qui veulent changer les choses dans un sens favorable aux classes défavorisées — qui comprennent de plus en plus les classes moyennes. Cela crée une dynamique différente, qui pose de nouveaux problèmes mais ouvre aussi des espoirs inédits.
Par ailleurs la cible «changer l'UE de l'intérieur» est à la fois trop large et trop étroite. Une partie de la problématique, notamment dans le cas grec, est spécifiquement liée à la Zone euro et à son fonctionnement, qui est nettement plus dictatorial et moins formellement légitime que celui de l'Union dans son ensemble. C'est à ce niveau que la démonstration faite sans le vouloir par Syriza est le plus convaincante, même si elle est aussi largement valide pour toute la structure.
Mais le «déficit démocratique» maintes fois souligné au sujet de l'Europe à 27 réfère en réalité à une question beaucoup plus large, celle de la légitimité de la «démocratie représentative» (à laquelle je m'attaque dans mon manuscrit «Démocratie citoyenne!») qui touche la grande majorité des pays du monde. En d'autres termes, même si on réformait les institutions européennes pour faire plus de place aux représentants des peuples, on ne ferait disparaître que l'apparence de l'arbitraire, tout en ne modifiant pas sérieusement l'orientation de ce qui demeurerait une «Europe des notables» plus sensible aux volontés de la finance qu'à celles des populations.
Et ce problème n'est pas propre aux Européens, il confronte tous les contestataires à travers le monde, «Printemps arabe», «Indignés» de tous les continents, «Wall Street Occupiers», etc. qui n'ont pas pour l'instant de véritable alternative à opposer à un régime politique qui soutient activement et unanimement un système économique injuste et désuet.

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