14 janvier 2018

Bon vent, René

Je suis profondément affecté par le décès d’un ami «Internet» que pourtant je n’ai vu qu’une demi-douzaine de fois dans ma vie, il y a dix ans et plus. René Servais était, avec sa femme Jeannine, le genre de fou heureux avec qui Azur et moi avons immédiatement des atomes crochus. 
Ce couple de retraités belges avait acheté en 2006 un joli voilier monocoque d’une trentaine de pieds au nom prédestiné de «Mañana», eux qui n’avaient jamais navigué. Armés d’une table des marées, de quelques cartes et de «La Voile pour les nuls», ils ont vogué sans accident (mais non sans péripéties drôlatiques) des dunes de la Mer du Nord jusqu’au soleil de l’Algarve espagnole. Ils ont traversé les doigts dans le nez le «rail» hyper-encombré de la Manche, les côtes déchirées de la Bretagne, les colères du Golfe de Gascogne, le flanc nord peu accueillant de l’Espagne et l’Ouest venteux et capricieux du Portugal jusqu’au port de plaisance de Mazagon, où nous les avons trouvés comme voisins de ponton quand nous préparions notre Bum Chromé pour la traversée de l’Atlantique vers la Martinique à l’automne de cette année-là. 
Entre les longues conversations oisives, les ti’punchs, les manzanillas, les paëllas du midi et les churros avec chocolat chaud du petit matin, s’est nouée une amitié indéfectible: les dernières personnes que nous avons aperçues en Europe à notre départ le 20 novembre sont Jeannine et René agitant vigoureusement des mouchoirs, la larme à l’oeil, au pied du phare qui marque la sortie du havre de Mazagon.
Ils ont ensuite pris racine en Andalousie, d’abord à quai sur le Mañana, puis dans un appartement du bourg voisin. Malgré tous nos efforts, nous ne sommes jamais arrivés à nous revoir en chair et en os, mais les contacts virtuels sont demeurés fréquents et chaleureux, d’abord par e-mail et téléphone, puis ces dernières années par FaceBook, Skype et Messenger.
Bonne route là où tu t’en vas, ami René, nous n’allons pas cesser de penser à toi. Et Jeannine, compte sur nous pour, cette fois, une vraie revoyure!

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