22 février 2020

Post-impeachment (suite)

Les évènements des 10 derniers jours montrent à quel point les Démocrates avaient raison d'invoquer l'«impeachment» contre Donald Trump, et combien les Républicains ont eu tort de le prendre de façon superficielle et strictement partisane. Dès le lendemain de son acquittement, le Président dédouané s'est empressé de confirmer les pires inquiétudes à son sujet.
Il lui a fallu à peine une semaine pour prendre des mesures bassement vindicatives contre des témoins qui l'avaient chargé, apparemment de bonne foi; pour accorder une bordée de pardons présidentiels strictement sur une base d'amitié et d'affinités à des membres de l'establishment politique et financier clairement coupables de corruption; pour s'en prendre de façon grossière et mensongère à ses adversaires politiques; pour remplacer systématiquement dans des positions clefs des hauts-fonctionnaires jugés compétents et patriotiques par des politiciens ayant ouvertement accordé leur loyauté à sa personne plutôt qu'au pays; pour rejeter sans la moindre preuve la forte probabilité affirmée par ses propres services de renseignement que les Russes, une fois de plus, s'occupent déjà à favoriser sa réélection.
Les erreurs combinées de l'opposition démocrate et de son soutien républicain, que je soulignais dans un précédent message, lui ont ouvert toute grande la voie vers une mainmise de longue durée sur l'appareil gouvernemental et sur le processus politique. Ses actions font déjà la preuve qu'il était essentiel, comme l'affirmaient ses accusateurs, de lui arracher le pouvoir immédiatement, sans attendre le verdict populaire d'une élection d'automne qu'il a désormais tout le loisir de fausser en sa faveur avec, vraisemblablement, des aides illégales de l'étranger.
Même l'annonce que le Kremlin joue en même temps la carte d'un soutien discret au plus progressiste de ses rivaux à la présidence, Bernie Sanders, doit sonner une cloche d'alarme. Vladimir Poutine n'a certainement aucune affinité pour le Sénateur «socialiste indépendant» du Vermont, mais il le considère sans doute comme celui ayant le moins de chance de détrôner Trump en novembre. Cette manoeuvre s'apparente donc à celles, dévoilées par l'enquête d'«impeachment», qui consistaient pour Moscou à exploiter la piste ukrainienne afin de déstabiliser ce qui fut l'adversaire probable le plus dangereux de Trump, Joe Biden.
Le seul côté positif de l'affaire est que le Président russe pourrait bien se tromper là-dessus: Sanders est sans doute un idéaliste à tendance socialiste, mais c'est aussi un politicien professionnel d'expérience, rusé, éloquent et beaucoup moins aveuglé par une idéologie de gauche classique que ne l'affirment ses adversaires. En témoignent ses premiers résultats dans les primaires, le solide soutien d'une base relativement large qui va de l'extrême-gauche au centre modéré, sa capacité d'une part d'enrichir sa caisse de campagne de dons de toutes tailles, et d'autre part de présenter un programme qui répond à bon nombre des problèmes de la classe moyenne, et surtout le fait souvent négligé que non seulement récemment, mais sans interruption depuis le milieu de la campagne présidentielle de 2016, les sondages lui ont donné sur Donald Trump un avantage assez mince, mais réel, dans la faveur populaire.
Face à ce constat d'ensemble, la seule option envisageable non seulement pour les Américains progressistes, mais pour les modérés et les conservateurs lucides et patriotes, est de tout faire pour qu'au lemdemain du scrutin de novembre, ce Président indigne du pouvoir ne soit pas en mesure de poursuivre encore quatre ans son saccage d'une démocratie américaine qu'on découvre bien plus fragile qu'elle ne se prétendait. De fait, le pire danger pour Sanders pourrait venir non des Russes ou de Donald Trump, mais d'un leadership du parti Démocrate qui interviendrait pour nuire à un candidat «trop progressiste» à son goût

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