12 août 2020

V'là la "Friscocrate"?

Le choix de Kamala Harris pour colistière de Joe Biden n'est pas très surprenant et loin d'être audacieux, mais il est intéressant pour plusieurs raisons, même pour nous les non-Yankees.

 a) Biden s'est basé principalement sur la personnalité plutôt que sur des considérations géographiques, sociales ou ethniques: elle n'est pas de «l'Amérique profonde», d'une petite ville ou d'une famille ouvrière pour aguicher la clientèle de Trump; elle n'est pas la Noire idéale, ni la plus féministe ou la plus libérale de la liste pour plaire à la majorité démocrate. Mais c'est une avocate brillante et agressive, une ambitieuse et éloquente, peut-être vicieuse battante politique.

 b) Bien considérée par la direction du parti et l'oligarchie du Beltway, elle n'est cependant étroitement associée à aucun des deux et n'a aucun lien connu avec Wall Street et la clique financière. Elle a donc peu de squelettes cachés dans le placard que le GOP peut exploiter. Une fille de la grande ville, mais de la Côte Ouest et peut-être une fille propre.

 c) Elle est une figure très "modérée", pour ne pas dire "law-and-order", mais en même temps, sa carrière et son profil de "Démocrate de San Francisco" lui permettent d'entretenir des relations faciles avec la gauche, sans risquer d'être accusée d'en faire partie. Bon pour l'unité du groupe.

 d) Elle n'est peut-être pas aussi connue que Liz Warren, mais elle n'a pas non plus son bagage négatif; d'autre part, elle s'est récemment créé une forte image publique, lors des audiences d'"impeachment" et au début de la campagne des primaires, elle n'aura donc pas à travailler sur sa visibilité comme Susan Rice ou Tammy Duckworth l'auraient dû.

 e) Là où Biden montre un peu d'audace, c'est en choisissant non pas une "yes-femme", mais probablement celle de ses anciens rivaux pour la nomination qui avait le moins peur de le critiquer et de l'attaquer; ils peuvent être assez proches idéologiquement, mais leurs personnalités sont éloignées et mèneront probablement à des affrontements occasionnels, plus âpres pour elle, plus coulants pour lui. En fait, l'affiche des Dems ressemble beaucoup à une image inversée du duo Trump-Pence du GOP.

 f) Enfin, Biden est conscient que Harris sera sous les projecteurs, car son âge à lui, sa santé douteuse et ses pouvoirs mentaux incertains feront d'elle le candidat à la vice-présidence le plus susceptible depuis longtemps d'accéder directement à la Présidence. Ou bien, s'il était élu, il pourrait décider de ne pas solliciter un second mandat et lui ouvrir la porte vers l'emploi dès 2024. Il a donc bien choisi de faire taire les rumeurs et insinuations potentielles dans ce sens en la présentant moins comme une joueuse d'équipe que comme un remplaçant valide.

 L'aidera-t-elle à gagner? Pas tant que ça, puisqu'elle ne lui apporte pas une clientèle captive qui lui manquait, et qu'à sa manière calme, il a déjà bâti ce qui semble une solide avance sur Trump. Ce qu'elle peut lui apporter, c'est un mordant nécessaire à une campagne qui semble plutôt fade et banale.

 La grande question qui reste est "À quoi ressemblerait une Présidente Kamala Harris, à la fois à l'intérieur et à l'extérieur des États-Unis?" Et c'est probablement la plus pertinente pour nous qui ne vivons pas dans son pays.

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