12 janvier 2024

Les vrais dangers de l’IA

 Un débat bien mal engagé: Le réveil soudain du monde politique au potentiel perturbateur de l’intelligence artificielle sur la société et l’économie est aussi peu compréhensible au citoyen moyen (peu et mal informé) qu’engagé sur un ensemble de fausses pistes qui, au lieu de résoudre le problème qu’on veut traiter, risquent de le rendre encore plus aigu et inextricable.

La méconnaissance de la vraie nature du sujet et l’impardonnable retard du monde politique à y faire face sont la cause de trois fautes cruciales de perspective qui affectent l’ensemble du débat et empêchent de discuter et de percevoir les voies réelles de solution.

Le facteur temps: en premier lieu, la capacité bien réelle de rupture qu’injecte l’intelligence artificielle dans le fonctionnement de la société et de l’économie, en particulier dans les pays les plus industrialisés, n’est pas une réalité nouvelle et soudaine. C’est la suite logique d’un processus de recherche et de développement qui, avec des succès et des échecs divers qui n’ont rien d’exceptionnel, fait son bonhomme de chemin depuis au moins 40 ans sans que les autorités politiques et scientifiques aient fait l’effort même pas de le baliser,  mais d’en reconnaître l’existence et les conséquences possibles. Il s’ensuit que l’idée qu’on pourrait changer rapidement et facilement le cours de cette évolution au moyen de quelques mesures à court terme et à courte portée est d’une flagrante absurdité.

L’IA dans son contexte: deuxièmement, beaucoup des reproches qu’on fait aux découvertes récentes dans ce domaine ne sont pas le fait de l’intelligence artificielle en soi, mais de ses interactions avec au moins trois autres secteurs de haute technologie bien distincts: les télécommunications sans fil, les réseaux numériques et la miniaturisation des circuits. Le premier est la cause principale du chaos créé dans les pays dits «avancés» par une pression migratoire exacerbée depuis les régions plus pauvres de la planète: télévision par satellite et réseaux sociaux n’ont pas accentué le monstrueux décalage de richesse et de confort de vie entre les premiers et les seconds, mais sont clairement responsables de la dramatique prise de conscience de ce décalage dans les populations défavorisées. Le deuxième ne fait que démontrer à quel point la mainmise du privé sur une nouvelle catégorie de médias, d’une part sans des mécanismes indispensables de sécurisation des informations véhiculées et d’autre part sans la moindre existence d’un code efficace imposant véracité et équité, a mis à mal aussi bien la sécurité que le droit à la vie privée des citoyens face au double phénomène des usurpations (criminelles) d’identité et des accumulations (injustes mais légales) de données confidentielles à des fins commerciales et publicitaires. Le troisième a permis la production et la diffusion à travers la planète, à des coûts sans cesse plus réduits, des supports et des appareils mobiles ou non qui multipliaient et facilitaient l’expansion des deux autres ordres de phénomènes. Que l’intelligence artificielle renforce et accentue ces tendances est évident, mais elle n’en est pas la cause première.

Le pour et le contre: la troisième erreur dans l’orientation du débat est que ce dernier ne met l’accent que sur les aspects négatifs les plus apparents des effets de l’intelligence artificielle, sans le moindre effort pour faire la part des choses entre les dangers réels qu’elle comporte et les avantages tout aussi réels qu’elle introduit dans nos vies. Deux exemples évidents: les progrès de la reconnaissance vocale et de la traduction automatique sont un pas important dans l’amélioration des relations directes entre gens et peuples de cultures et de langues différentes; les avancées spectaculaires dans la maîtrise des sons et des images de synthèse ouvrent des champs nouveaux et passionnants pour les artistes, en même temps que les sites et applications de diffusion (gratuits ou peu coûteux) facilitent de manière spectaculaire l’accès pour tous à la culture, en particulier aux oeuvres d’artistes marginaux et audacieux non plus seulement des grands centres traditionnels, mais de toutes les régions de la planète.

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