Il me vient un désagréable mais lancinant soupçon, sans doute issu de la confiance que trente ans d’analyse et de réflexion m’ont convaincu d’accorder malgré tout au gros bon sens du «monde ordinaire»de notre planète. Et si le peuple américain avait voté comme il l’a fait en novembre non par aberration ou sur la base de promesses fallacieuses et irréalistes, mais parce qu’il avait pris conscience, plus ou moins confusément, de la nécessité d’un urgent volte-face dans l’orientation et la structure des institutions publiques face aux très réels défis, la plupart inédits, que pose le 21e siècle?
Dans ce cas, la tragédie n’est pas que le peuple soit idiot ou irresponsable, mais que l’incapacité de ses élites «démocratiques» traditionnelles de percevoir cette nécessité et de l’affronter positivement l’ait poussé dans les bras du seul camp qui semblait ouvert à un réel changement de direction. Un camp qui hélas s’avère le plus vicieux et le moins capable d’envisager l’indispensable transition dans un sens progressiste et équitable, précipitant au contraire son pays (et peut-être le monde) dans un stérile retour vers un passé déplorable. On peut probablement appliquer le même raisonnement à la décision des Britanniques de risquer le Brexit contre le conservatisme figé de l’Union européenne, et à la confusion ubuesque qui règne en France depuis une bagarre sur l’avenir des retraites où aucun des camps en présence n’a su offrir de solution humaine et réaliste à ce qui est un gigantesque problème dans un pays rapidement vieillissant.
Et dans les trois cas, malgré leur évidentes différences, il est dramatique de voir que l’ensemble des «respectables» dirigeants et des faiseurs d’opinion, au lieu de s’attaquer au problème de fond, débattent superficiellement et sans fin de responsabilités et culpabilités individuelles qui ne sont probablement, en réalité, que des symptômes et des effets secondaires. Je rappelle que ces trois cas sont ceux des trois pays qui sont les inventeurs et les défenseurs les plus marquants de la Démocratie telle que nous la connaissons.
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