Je pense qu’il l’est d’autant plus qu’il est imprévu et injustifié, et même s’il ne dure qu’un court moment. J’avais prévu une sortie au resto pour une bonne paëlla, mais la découverte d’un Jane Austen que je ne connaissais pas, «Northanger Abbey», et le rappel de l’existence d’une cantaloupe mûrissant depuis trois jours au frigo m’ont fait changer d’idée.
Après dix minutes à la cuisine pour trancher quatre pointes de melon et les garnir d’autant de tranches fines d’un prosciutto de chez Milano réservé à cette fin, puis passage au bar pour une rasade de pastis Bardouin sur glace avec jus d’orange et citron frais pressé et pulpeux (une recette niçoise que mes copains marseillais puristes honniraient bien sûr!), je me retrouve confortablement installé sur mon balcon du 9e. Donc vue sur la ville sous le ciel bleu pastel et le soleil légèrement voilé d’un somptueux après-midi montréalais d’août (25° avec une légère brise, l’idéal, quoi!).
Avec le couteau bien aiguisé d’un ensemble Laguiole hérité de mon défunt ami Piazza, je découpe une première bouchée sous l’œil intéressé de deux mouches bleues désagréablement gastronomes. À ma surprise ravie, le melon bien doux et juteux a presque la consistance fondante d’un bon sorbet, un poil plus ferme qu’un tiramisu. Un pur délice, d’autant plus que le mélange sucré-salé avec le jambon fait une extraordinaire valse de goûts et de textures avec le couple acide-anisé piquant du pastis trafiqué.
Entre deux fourchettées et deux lampées béatifiques, je me plonge dans la lecture d’une romance enjouée et raffinée, tandis que, dernière grâce improbable, une énorme fourmi volante toute noire vient me débarrasser presto des mouches trop intéressées à mon assiette. Pour le plat principal, on verra toujours…
On a vraiment les bonheurs qu’on n’a pas mérités!
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