25 mai 2008

15 mai 2008

Gros changement au programme. Quelques jours après la mort d'Aimé Césaire, juste au moment où nous nous ajustions à une petite vie pépère en attendant les prochaines aventures de l'été, samedi après-midi dernier un coup de téléphone de la Martinique nous apprend une autre triste nouvelle, qu'à vrai dire nous appréhendions depuis quelque temps déjà: l'oncle Vincent d'Azur, son presque-grand frère, est décédé dans la nuit à l'hôpital La Ménard, après des années d'une vie quasi végétative. En ce week-end de la Pentecôte, vigoureusement chômé autant dans la laïque France que dans la catholique Martinique, pas facile de trouver moyen de se rendre de Montpellier aux Antilles dans les plus brefs délais. Mais Internet et le téléphone aidant, nous finissons par trouver une solution: avion de Montpellier à Charles-de-Gaulle aux petites heures du dimanche matin, navette vers Orly puis presque neuf heures de classe affaires sur Air France (à un prix exorbitant) jusqu'à Fort-de-France. Et aucune possibilité de retour avant une dizaine de jours -- le mois de mai ici est truffé de congés qui sont autant de prétextes à des départs massifs en courtes vacances. Finalement, dimanche en fin d'après-midi, nous débarquons à l'aéroport Aimé-Césaire, d'où le cousin Daniel nous emmène vers le seul hôtel que j'ai pu trouver à si courte échéance: le même Mercure Diamant où nous  avions passé une quinzaine avec ma soeur Marie, Jean et Mathieu il y a deux ans. Chambres très potables, piscine splendide et jolie vue, mais services inexistants. Et pourquoi pas nous loger sur le Bum chromé? Parce que ça voudrait dire d'incessantes navettes entre Le Marin, Fort-de-France et le Diamant pour la veillée funèbre, les funérailles et l'enterrement. Sitôt arrivé, je pique une tête dans l'eau tiède et turquoise de la piscine, histoire de me décrasser du décalage horaire. Lundi, repos et récupération grâce notamment à un très bon "matoutou" (fricassée de crabes au riz blanc), le plat traditionnel de la Pentecôte, concocté selon toutes les règles de l'art par la cousine Armande dans son resto "Chez Lucie" au bourg du Diamant. Mardi soir, c'est la veillée funèbre dans un salon derrière le cimetière La Joyaux, où vient d'être enterré Aimé Césaire. Il ne s'agit pas d'une veillée traditionnelle avec chants et contes, mais de la version moderne, qui se distingue fort peu de ce qu'on fait au Québec. Famille et amis défilent devant un cercueil à face de verre, puis s'agglutinent en petits groupes pour échanger des nouvelles et des souvenirs du défunt. La seule différence notable étant que ça se passe en grande partie dehors, par une chaleur dont nous avions perdu l'habitude. Ne connaissant presque personne, je me retire dans un coin, tandis qu'Azur est assaillie par une masse de parents ou quasi-parents dont, pour la plupart, elle ne connaissait qu'à peine l'existence et qu'elle aura oubliés le lendemain. Mais ça aussi, ça n'a rien de bien original. L'enterrement, le mercredi après-midi au Diamant, est bien plus typique et plus intéressant. Lorsque le corbillard portant le cercueil arrive devant l'église, la moitié de la population du bourg est rassemblée sur la place, la plupart soigneusement vêtue de noir et de blanc, les hommes en complet-cravate, les femmes portant souvent chapeau. Tout le monde entre derrière le cercueil sous la nef de bois typique en forme de bateau renversé, où le curé officie dans une cérémonie marquée de chants et d'un assez long éloge funèbre. Ce qu'on y apprend sur la piété et les vertus du défunt semble quelque peu étonner ses proches -- j'avais plutôt entendu parler de lui comme d'un bon vivant ayant semé des rejetons dans tous les coins de la Martinique, mais bon. M. le Curé prêchait sans doute (littéralement!) "pour sa paroisse". Au son du glas, le cortège se reforme derrière le corbillard et traverse lentement à pied une bonne moitié du bourg, jusqu'au pittoresque et fleuri cimetière en bord de mer, au quartier La Dizac. Là, on s'assemble autour du caveau familial de tuile blanche, dont la dalle fermant la crypte souterraine a été descellée. Les porteurs, aidés du personnel du cimetière, descendent précautionneusement le corbillard à travers l'étroite ouverture, dans un silence seulement meublé par le bruit de la mer voisine et par les sanglots de Gilberte, celle des enfants de Vincent qui est le plus affectée par le décès de son père. Graduellement, les conversations reprennent, d'abord à mi-voix. Des groupes se forment et s'en vont chacun de son côté, sans doute pour prolonger l'événement par quelques libations en privé, comme nous le faisons chez Jacques, le petit-fils de tante Marcelle, qui s'est fait construire récemment une jolie maison sur les hauteurs derrière le centre du village.Nous y retrouvons la tante, son fils Daniel et sa fille Yolande, ainsi que le compagnon de celle-ci, Valère.

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