15 juillet 2009

Un mignon de porc sous la Manche

(2 juillet 2009) Dimanche matin, nous avons pris le TGV pour Paris, chargés des grosses valises dont nous aurons besoin pour des semaines d'errance en Angleterre et en Écosse. Coucher dans un (trop?) chic hôtel-appartements de l'Odéon, après un presque inévitable lunch tardif chez Vagenende, le resto centenaire du boulevard Saint-Germain, où nous avions pris notre premier repas parisien il y a bientôt quarante ans, et où nous retournons à l'occasion.
Cela m'a rappelé qu'à l'époque, le repas complet du midi, avec carafe de vin et dessert, y coûtait la somme énorme de sept francs... soit le cinquième du prix d'un simple apéro à la même table aujourd'hui.
Lundi, la copine Gisèle Maia est venue petit-déjeûner avec nous au café du coin, "Les Racines", avant que nous nous mettions en route pour la Gare du Nord, d'où part l'Eurostar qui mène à Londres en passant sous la Manche.
L'embarquement très high-tech, avec contrôle des passeports et haute sécurité, se fait à l'étage au-dessus du commun des voyageurs locaux. Il ressemble bien plus au fonctionnement d'une aérogare que d'une gare ferroviaire, mais l'efficacité et la bonne humeur du personnel en font un exercice sans douleur.
Deux préposées du train, dont une Guadeloupéenne, nous aident à grimper nos lourds bagages à bord. Nous partageons un compartiment avec deux jeunes Qataris, le garçon bouffi et bougon, sa soeur jolie, vive et parlant français. Elle est bientôt engagée dans une conversation animée avec Azur, d'abord sur le shopping parisien, puis sur les villes et pays que toutes deux ont visités. Quand, sans penser à mal, je choisis au menu un mignon de porc au vin rouge, nos jeunes voisins musulmans détournent pudiquement les yeux... et laissent là leur repas inachevé, à croire que je leur ai coupé l'appétit!
La plus grande partie du lunch est consommée tandis que le train parcourt le tunnel sous la Manche, une expérience dont nous attendions bien plus qu'elle ne pouvait livrer: un tunnel, c'est toujours un tunnel, après tout, rien à voir ni à ressentir de particulier. En réalité, c'est seulement au café, quand nous avons débouché sur la campagne anglaise, que le voyage a repris de l'intérêt.
Débarquement sans incidents dans l'immense gare de St. Pancras, où un interminable dédale de couloirs et de trottoirs mécaniques finit par nous mener à la queue pour les taxis.
Ce sont toujours les cabs londoniens typiques, avec l'espace pour les bagages à côté du chauffeur et un immense habitacle arrière meublé de deux sièges et deux strapontins. Le nôtre, contrairement à la tradition toute de noir et de gris, est orange fluo semé de pois blancs. Et toc pour la sobre discrétion britiche! Il nous emmène par un trajet longuet, dont je soupçonne qu'il le complique à plaisir, jusqu'à Marble Arch, le coin nord-est de Hyde Park où se trouve notre hôtel.
Le Cumberland Hotel est une curiosité, pour ne pas dire une anomalie. Dans la coquille d'une immense immeuble victorien qui occupe un coin de rue complet, la chaîne Guoman a aménagé un caravansérail ultra-moderne de plus de mille chambres, dont le hall d'entrée ressemble à une aile de musée, parsemé de sculptures hyper-réalistes et de vêtements totalement "flyés" soi-disant inspirés à une couturière à la mode par le décor ambiant. Il y a trois restaurants, deux bars, une foultitude de salles de réunion et de suites d'affaires sur deux niveaux reliés par des ascenseurs tout en verre.
Par une sorte de tour de passe-passe dû aux proportions? aux textures? à l'éclairage? le gigantisme et la dure géométrie de l'ensemble n'écrasent pas les quelques dizaines d'humains qui y évoluent, cela reste somme toute accueillant.
Une fois l'inscription faite, nous récupérons nos "kits" d'information et de billets pour Wimbledon qui nous attendaient au comptoir du concierge. Un porteur en haut-de-forme pousse le chariot de nos bagages jusqu'à une chambre moderne et élégante, mais plutôt petite. Dommage pour la vue, mais heureusement pour le calme, elle donne sur une cour intérieure.
Une demi-heure plus tard, nous voici dehors à explorer le quartier. L'hôtel est idéalement situé, presque à l'angle de Cumberland Place et d'Oxford Street, la "rue la plus commerçante au monde", en face de l'arc de triomple de Marble Arch qui marque le début de Hyde Park, au voisinage immédiat du "Speakers' Corner", la fameuse tribune libre où se retrouvent tous les dimanches les orateurs londoniens les plus fougueux... et les plus farfelus.
Devant nous descend Park Lane, avec sa collection d'hôtelleries de grand luxe, jusqu'à Knightbridge et Chelsea, le Montparnasse londonien. À gauche, le quartier hyper-aristocratique de Mayfair, truffé d'ambassades et de boutiques de haute mode, à droite la grande avenue menant au très BoBo Kensington.
Le repas du midi sur l'Eurostar nous a laissé un petit creux. Nous nous attablons au premier pub sympa rencontré, le Marlborough Head un peu au nord de Grosvenor Square, et sacrifions à la tradition avec une "pint" de bière chambrée et un fort bon fish'n chips.
En sortant de l'hôtel mardi matin, nous sommes harponnés par un énorme vendeur de billets d'excursion à bord du Big Bus, un "double-decker" à ciel ouvert qui offre des circuits étendus à travers le Londres historique et touristique. Après tout, pourquoi pas? Je n'ai de la ville qu'un souvenir assez vague, n'y étant venu que pour des raisons de travail il y a longtemps, et Marie-José ne la connaît pas. Ce sera une façon comme une autre de nouer ou renouer connaissance, d'autant plus que le billet, assez économique, comprend un trajet en bateau-mouche sur la Tamise.
Nous passons donc une bonne partie de la journée à faire du "bus-hopping" d'un quartier à l'autre, nous arrêtant bien sûr à Charing Cross et à Trafalgar Square (lunch correct sans plus à l'étage d'un pub, le Princess of Wales), mais aussi dans South Kensington et à Westminster, pour admirer le Big Ben et monter à bord du bateau-mouche qui nous ramènera jusqu'au pont de la Tour de Londres en passant devant le London Eye, cette gigantesque grande-roue blanche érigée temporairement pour les célébrations de l'An 2000, et devenue permanente depuis, un peu comme la Tour Eiffel à Paris. De retour à l'hôtel, la télé nous offre les quarts-de-finale de Wimbledon et une fenêtre sur la "Murray-mania" qui est en train de gagner tout le Royaume-Uni -- et sur laquelle je reviendrai plus loin.
Mercredi, petites courses utilitaires, balade en bus londonien (les authentiques "gros rouges" à deux étages, cette fois) dans des quartiers du nord et de l'East End hors des circuits touristiques, première bonne prise de contact avec la "nouvelle cuisine anglaise" dans un charmant pub-restaurant de Notting Hill-Portobello, le Dalbroke Arms, puis re-Wimbledon à la télé, en attendant de nous y retrouver "pour de vrai" demain.

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