12 avril 2010

Charmes d'Antigua, retour à Nevis

(10 avril 2010) Ayant cédé à la tentation d'un succulent déjeuner de brioches au raisin et de pommes-cannelle marie-galantoises, nous avons démarré un peu plus tard que prévu le lundi de Pâques. Par chance, le vent a fraîchi un peu soufflant du nord-est, ce qui nous offre une agréable mais pas très rapide traversée vers les Saintes. En approchant de la Passe Est, nous nous rendons compte qu'une escale à Terre-de-Haut (avec l'irrésistible baignade sous le Pain de Sucre) nous fera arriver au mouillage de Deshaies en pleine nuit.

Sagement, mais avec regret, nous changeons de cap, longeant la pittoresque rive nord des Saintes… où nous retrouvons en ordre serré de marche la régatte partie hier matin de Saint-Louis de Marie-Galante, qui contourne maintenant la côte ouest du petit archipel. Vers midi, nous atteignons l'extrémité sud de la Guadeloupe, le blanc phare de Vieux-Fort.
À notre surprise ravie, au large de Basseterre le vent vire à un atypique 15 noeuds du nord-ouest, ce qui nous permet de remonter à la voile, à bonne vitesse, tout le long de la côte "sous le vent". À l'arrivée vers 15h30, Twiggy nous a concocté un savoureux "ti-nain pis la morue", le plat martiniquais archi-traditionnel à base de morue dessalée et de bananes-plaintain écrasées dans la sauce avec un peu d'huile d'olive.
Mauvaises nouvelles de la météo mardi matin: un fort vent de nord (20-25 noeuds) s'est élevé pendant la nuit, accompagné d'une houle croisée nord-est avec des creux de pas loin de trois mètres. Cela augure plutôt mal pour une traversée jusqu'à Antigua en direction franc nord, pour laquelle nous comptions sur l'habituel alizé venant de l'est.
Effectivement, nous y rattrapons tout le mauvais temps que nous n'avions pas eu dans le Canal de la Dominique et vers Marie-Galante les jours précédents. Mer grise forte et hachée, ciel bouché, navigation pénible, quoique assez rapide, principalement au moteur avec un vent de face tourbillonnant. Pas question de cuisiner dans ces conditions, nous nous contentons d'un pique-nique minimal, pris sur le pouce dans le cockpit.
À l'arrivée en milieu d'après-midi dans le port de Falmouth Bay, changement complet d'atmosphère. On nous guide aimablement vers un ponton de luxe, où nous avons l'air du vilain petit canard, entourés que nous sommes d'une quinzaine de voiliers géants (25 à 60 mètres!) et rutilants, bichonnés avec soin par des équipages en uniforme impeccable. Il se trouve que nous sommes tombés au beau milieu de la semaine préparatoire à la grande régatte des "classics", rendez-vous annuel de milliardaires fanatiques de la voile venus de tous les coins du monde.
Notre plus proche voisin, un 40-mètres à la coque rouge vif, aux ponts et cabine de bois clair avec abondantes garnitures de chrome, porte le joli nom d'"Aphrodite". Tout un programme. Je lui préfère encore le "Ranger", un peu plus petit mais élégamment élancé, avec ses superstructures traditionnelles de chêne verni.
Affamés, nous nous mettons en quête d'un resto encore ouvert à quatre heures de l'après-midi. Heather Francis, la plantureuse et chaleureuse patronne du Bar B's Club tout proche, vient de fermer sa cuisine mais, voyant nos mines dépitées, accepte de l'entrebâiller pour nous servir. Menu typique des îles anglaises, savoureusement interprété: entrées de crevettes à l'ail, cari de poulet, côtes levées aigres-douces, grillade de thon avec sauce, frites ou riz et gratin de fruits-pays. Nous en sortons avec une envie de revenir.
Au matin, tandis que Marc s'occuper des formalités et donne un coup de main à Twiggy pour mettre de l'ordre à bord, nous invoquons nos privilèges de propriétaires d'un âge certain (dixit Azur) pour sauter dans un taxi qui nous emmène à une très belle baignade sur une des multiples plages proprettes et bien abritées de la côte sud-ouest. Un bar "les pieds dans l'eau" offre des planter's punchs percutants et une conversation agréable avec des visiteurs américains, passagers d'un bateau de croisière géant.
Au retour, Moody le taxi insiste pour nous faire voir une des plus grandioses vues de l'île, du haut d'un morne surplombant English Harbour, avant de nous déposer au Catherine's Cafe, où le couple de patrons français nous chouchoute à travers un excellent lunch pris sur une terrasse face au vieux port pittoresque.
Pendant que madame fait la sieste, Marc, Twiggy et moi passons l'après-midi sur le ponton, à admirer nos gigantesques voisins… et leurs jolies équipières!
Mercredi matin, excursion à pied jusqu'à English Harbour, l'ancien port de l'amiral Nelson durant les guerres napoléoniennes. Il avait été laissé à l'abandon pendant un siècle, et vient d'être restauré dans sa splendeur originelle par des officiers de marine britanniques fanas d'histoire -- de fait, les travaux ne sont pas finis, une partie de l'intendance et les logements des officiers sont encore en ruines.
La visite commence par un café à la terrasse de l'Admiral's Inn, auberge (aujourd'hui de luxe) datant de 1784, qui offre une très jolie vue sur l'étroite baie en forme de S où se niche le port-musée et sur l'espace peuplé de colonnes où étaient réparées et mises à sécher les voiles énormes des trois-mâts de l'époque. Un peu plus loin se trouvent l'atelier de menuiserie de marine, l'entrepôt des mâts, la corderie, la résidence du gouverneur militaire (transformée en mini-musée maritime), enfin les grands entrepôts devenus un bar et resto populaire, face à la petite forteresse qui défendait l'entrée de la baie. Malgré la saveur très touristique, l'ensemble donne une bonne idée de la façon dont fonctionnait un port militaire d'il y a deux cents ans, et dont vivaient ses habitants.
Nous nous rendons ensuite à la capitale, St. John's, animée mais sans charme particulier, dont nous revenons tout de suite pour retrouver nos équipiers face à la marina chez la copine Heather, dont nous faisons de nouveau honneur à la cuisine.
Le lendemain, départ assez tardif par un vent de nord-est un peu trop direct vers la petite île de Nevis (Nievés) dont nous avions gardé un très bon souvenir; le problème, c'est qu'un cata comme le nôtre n'est pas fait pour voguer vent arrière. Malgré une bôme solidement arrimée à babord par Marc, les voiles s'obstinent à empanner (changer de bord) sans avertissement, imprimant au bateau des chocs souvent imprévus. C'est sans doute là que notre échelle de bain a effectué sa plongée finale!
Une fois rendus en fin de journée, nous nous apercevons que le moteur de l'annexe nous fait faux-bond. Du mouillage où nous sommes, impossible de rentrer à terre remplir les formalités, nous nous contentons d'observer du skybridge le spectacle, toujours aussi fascinant, de la pêche des pélicans qui sont une quinzaine à plonger, en groupe ou à tour de rôle, à deux ou trois cent mètres de nous vers le fond de l'anse de Charlestown.
Au matin, nous obtenons la permission d'accoster au quai des navettes qui transportent passagers et marchandises d'île en île, pour visiter douane et immigration et dénicher un mécanicien capable de convaincre le moteur d'annexe de reprendre du service. Nous en profitons pour mettre pied à terre et renouer connaissance avec cette agréable petite ville, calme et colorée, et flâner sur l'embarcadère joliment aménagé.
Malchance, le policier qui s'occupe des passeports et visas est parti en balade, et ne sera pas de retour avant lundi. Heureusement, un douanier compatissant décide de se transformer en officier d'immigration et vient nous trouver à bord pour compléter les formalités, pendant qu'un mécano tout aussi sympa s'occupe de l'annexe. Mais il est bien midi lorsque tout ça est terminé, et nous devons admettre que remonter directement vers St-Barth ou St-Martin nous fera arriver en pleine obscurité dans une rade que le skipper ne connaît pas. La prudence nous dicte donc un assez long détour vers Statia (Saint-Eustache), une petite île hollandaise que personne de nous n'a jamais visitée.

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