13 juillet 2010

Roland-Garros à Paris, le LUX à Montréal

(12 juillet 2010) Au bout du compte, l'interruption de cette page aura été beaucoup plus longue que prévu. Il a fallu la combinaison d'un déménagement épique et d'une finale du Mondial sud-africain satisfaisante, sinon grandiose, pour que je reblogue après plus de deux mois.
Il faut dire que notre passage en France pour l'Omnium de tennis n'a pas vraiment tenu ses promesses. Nous avons débarqué à Montpellier dans un printemps maussade et froid, qui faisait un frissonnant contraste avec la chaleur antillaise et qui s'est prolongé pendant tout le coeur du mois de mai.
C'est seulement à la veille du départ pour Paris que le temps est soudain passé au beau et chaud. Nous avons même eu droit à une pleine semaine de Ville-Lumière ensoleillée! Pas très courant, même en cette saison.
De notre hôtel préféré près du Trocadéro à Roland-Garros, il y avait un bus (presque) direct: parvenus à Porte de Saint-Cloud ou Porte d'Auteuil, nous prenions une navette plutôt confortable qui nous déposait à l'une des entrées du Stade.
Là, une procédure complexe et tarabiscotée validait nos billets électroniques acquis sur Internet. On nous a expliqué que ceci était nécessaire pour contrer les resquilleurs et "scalpers" -- qui venaient quand même avec une belle persistance nous "achaler" partout dans le voisinage des stations de métro les plus proches.
Le Stade lui-même est immense, comprenant quatre courts principaux avec tribunes et une vingtaine de terrains secondaires, plus des buvettes, des snacks, un restaurant assez correct, un musée-galerie d'art et une section VIP soigneusement cordonnée à l'écart du reste.
Mais Azur elle-même, toute franco-française qu'elle soit, doit admettre que ça n'a pas le charme quasi-champêtre de Wimbledon. Ni son confort. Pas d'ascenseurs, seulement d'interminables escaliers externes pour grimper au haut des gradins, à des sièges étroits avec un espace minimal pour les jambes; j'imagine que c'est dû au fait que le Gaulois moyen est statistiquement plus petit et plus mince que le Britiche… ce qui est de moins en moins évident.
Contrairement aux promesses de la billetterie Web, nos places pour les demi-finales, qui auraient dû être à mi-hauteur du court (principal) Philippe-Chantrier, étaient juchées tout en haut, sous la batterie de haut-parleurs du système de P.A. qui diffusait un rock assourdissant -- en anglais bien sûr -- entre les matches et même entre les sets.
Azur avait eu la curieuse idée d'apporter un parapluie par un temps sans nuages. Bien nous en a pris, car il a fait office de parasol sous le soleil plombant. À chaque changement de côté, on le déployait pour prendre une petite minute d'ombre… ou la partager avec nos voisins reconnaissants!
Et le tennis? Décevant aussi, à une exception près. Federer avait été éliminé sans gloire en quart de finale par Soderling, tandis que Nadal écrasait au rouleau compresseur tout ce qui se présentait devant lui, avec un triste minimum de beau jeu.
Du côté féminin, les soeurs Williams et Justine Henin (ma favorite) avaient déjà disparu du tableau avant les semi-finales. Ces dernières ont été expéditives, l'australienne Samantha Stosur réglant le cas de la serbe Jankovic en deux sets, ne concédant que trois jeux, tandis que la favorite restante, la russe Dementieva, déclarait forfait après avoir perdu un premier bris d'égalité à l'étonnante italienne Francesca Schiavone.
C'est d'ailleurs cette dernière qui a sauvé "notre" Roland-Garros par sa prenante et spectaculaire victoire contre Stosur en finale. À près de trente ans, elle se comportait comme un lutin bondissant partout sur le terrain, multipliant les coups rocambolesques dans un style attaquant à la volée qu'on n'avait pas vu depuis les beaux jours de Navratilova. On la devinait portée par une passion et une joie de jouer communicatives qui ont tôt fait de retourner en sa faveur un public d'abord favorable à l'Australienne.
Longtemps avant le point final du tie-break du deuxième set, tout le monde avait vu qu'il se passait là quelque chose d'exceptionnel: Schiavone, en état de grâce, jouait le match de sa vie et ne pouvait pas perdre. Après le dernier coup de raquette, elle s'est jetée à genoux pour embrasser le terrain puis, le bas du visage tout rouge de poussière de brique, a grimpé dans les gradins comme un petit singe pour sauter au cou de sa famille et de son équipe.
L'autre image inoubliable qu'il m'en reste est celle, prise un instant plus tard par un caméraman inspiré, de Schiavone s'arrêtant dans l'escalier du vestiaire des joueuses pour se marteler le front de coups de poings incrédules: "J'ai gagné Roland-Garros. Moi! Moi!"
À côté de ça, les semi-finales masculines nous ont paru plutôt ternes, Soderling se débarrassant de Berdych (éventuel finaliste surprise de Wimbledon) en quatre sans le moindre suspense, et Nadal écrabouillant l'autrichien Melzer en trois. Il devait d'ailleurs faire subir le même sort au Suédois deux jours plus tard, une finale que nous avons regardée à la télé du bar de notre hôtel, sans le moindre regret de n'avoir pas pu la voir sur place.
Un effet collatéral assez imprévu du tournoi est que la passion d'Azur pour son "Vamos" majorquin s'est brusquement éteinte en indifférence. Autant voir jouer Federer en direct à Wimbledon l'an dernier a été pour elle une découverte qui l'a obligée à reviser son opinion assez méprisante du Suisse, autant la vision de Nadal écrasant sans pitié un adversaire puis l'autre en les obligeant à déjouer l'a fait brusquement déchanter. Verdict sans appel: "Pour moi, c'est pas du tennis."
De mon côté, j'en suis sorti convaincu que Federer est en bout de course -- ce que Wimbledon devait confirmer trois semaines plus tard. Non qu'il n'ait plus le talent ni la forme physique, mais je pense qu'à 28 ans, marié et père de famille, ce garçon trop intelligent a perdu le feu sacré, la rage de gagner qui lui faisait supporter la vie nomade et les entraînements durs et interminables qui étaient son lot sans interruption depuis une douzaine d'années. Il avait déjà annoncé sa retraite à trente ans, je ne serais pas surpris qu'il devance cette échéance.
Le reste du séjour à Paris s'est passé plutôt agréablement mais sans histoire, à profiter du beau temps pour flâner à Saint-Germain, à tenter de joindre les vieux copains (en vain la plupart du temps, sauf pour Gisèle Maia que nous sommes allés trouver chez elle derrière les Batignolles), à errer dans la Foire des Antiquaires place Saint-Sulpice, à bouffer des repas assez moyens dans des bistrots choisis au hasard. Deux exceptions notables:
- Un restaurant familial comme il ne s'en fait plus, Chez Géraud, succulente cuisine bourgeoise et spécialités de gibier en saison, dans une petite rue du côté de La Muette.
- Un repaire italien de fanas du tennis avenue Kléber (à dix pas de notre hôtel), Fra Diavolo, dont le patron non seulement nous a servi des pizzas exemplaires, des osso bucco fondants et des foies de veau tendres et parfumés, mais encore nous a offert un délicieux marsala aux amandes pour célébrer la victoire de sa compatriote Schiavone. Grazie!
Le retour à Montréal le 10 juin s'est fait sans douleur, American Express ayant même envoyé une voiture avec chauffeur nous cueillir à Dorval pour nous amener rue Wilderton. Ce que c'est que d'être des clients dépensiers!
Mais dès le décalage horaire un peu résorbé, il a fallu accélérer le rythme, car il restait moins de trois semaines pour régler tous les détails de notre premier déménagement depuis 18 ans.
Après réflexion, nous quittons Wilderton et nous installons dans un ensemble locatif grand confort "pour retraités actifs". C'est juste en face du Village Olympique, en diagonale de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont, donc assez loin dans l'Est; nous aurons un 4 1/2 au 9e avec terrasse et vue sur la ville (sud-ouest). Un peu plus petit (90 m2) que notre logement actuel, mais mieux divisé: cuisine avec comptoir-dînette donnant sur le grand salon double, coin bureau entre les deux chambres. Appareils ménagers fournis, y compris lave-vaisselle et mini-salle de lavage équipée. Sécurité blindée lorsque nous partirons en voyage.
Pourquoi maintenant? L'immeuble de Wilderton était de moins en moins bien entretenu et ils refusaient de faire les travaux de rafraîchissement qui s'imposaient même si nous partagions les frais. La côte était de plus en plus difficile à monter et à descendre en hiver, surtout pour Azur. Enfin, c'est mieux d'agir pendant que nous sommes relativement en forme, que d'attendre d'y être obligés par des problèmes de santé. Qui sait comment nous nous sentirons dans un, deux ou cinq ans?
Là, nous aurons tout sous la main dans l'immeuble même: piscine intérieure-extérieure, jacuzzi-sauna-fitness, massage et coiffeur, pharmacie, dépanneur, bar-salon, même un restaurant potable qui peut livrer aux appartements. Plus des salons privés pour recevoir les copains, une salle de cinéma "apportez-vos-DVD", une bonne bibliothèque gérée par les résidents, un atelier de beaux-arts et photo avec moniteurs et (riez pas!) une zone de loisirs de groupe abritant un "golf range" virtuel et deux allées de quilles!
Ajoutez à ça un assez beau jardin dehors, une infirmière sept jours/semaine (aide-infirmière la nuit) qu'on peut appeler en appuyant sur un bouton, la visite hebdomadaire d'un médecin spécialisé en gériatrie et médecine préventive, une navette pour aller faire les courses au centre d'achats (avec livraison).
Nous avons fait appel à un déménageur "all-dressed" qui est venu emballer les caisses avant le déplacement et est revenu les déballer à destination. En principe, on ne touchait à rien. On n'allait pas pour autant pouvoir se tourner les pouces: il fallait choisir ce qu'on apporte et ce qu'on laisse dans le fatras accumulé depuis 30 ans et plus; acheter ce qui manque (rideaux, stores, tapis, éclairage, quelques meubles); planifier où tout va aller; disposer du trop-plein (cuisinière, frigo 2-portes, plafonniers-ventilateurs, vieux tapis et meubles, etc.); faire le changement d'adresse pour les services (télé, Internet, téléphone, courrier, banque) et les amis...
De surcroît, puisque nous avons engagé le déménageur à la dernière minute, il lui était impossible d'effectuer toute l'opération en même temps. Une équipe est donc venue emballer nos effets quatre jours avant le temps, une autre les déballer trois jours après. Si bien que nous avons dû camper au milieu de montagnes de carton pendant une semaine, ne conservant que le minimum nécessaire pour survivre! Un peu dur surtout par cette canicule, mais ça ne s'est pas si mal passé, d'autant plus que le neveu Vincent (fils de mon frère Antoine et bon comédien) est venu nous prêter une main secourable.
Enfin, les meubles commandés arrivent au compte-gouttes, les fournisseurs et livreurs étant eux aussi débordés en cette saison de renouvellement des bails. D'abord les lits (un nouveau lit d'eau "dernière génération" pour moi, un matelas de "mousse-mémoire" pour Azur), puis les tapis (d'Iran, magnifiques mais pas encore déroulés), une première bordée de fauteuils, de lampes et de bureaux suivie d'une seconde de chaises, tabourets et re-bureaux une semaine plus tard.
Quinze jours bien comptés après notre arrivée, la nouvelle maison est devenue presque habitable; le grand salon-salle à dîner est agencé à notre goût, la télé et la chaîne audio fonctionnant correctement, la cuisine assez bien rangée, le coin bureau (un peu exigu mais on s'y fera) peuplé d'ordinateurs en état de marche. Il reste les fenêtres vierges de rideaux et stores -- une douillette suspendue à des anneaux de douche en tient lieu dans la chambre d'Azur en attendant que le tout soit livré dans un mois -- et surtout ma chambre, qui offre un aspect original mi-caravansérail, mi-entrepôt, car nous y avons entassé un tas de cartons demi-vidés plus un vrai mur de boîtes contenant la moitié de la bibliothèque, dans laquelle je ne m'étais pas résolu à faire le tri avant le départ de Wilderton.
En plein milieu de tout ce branle-bas, les voisins et amis Chantefort sont débarqués de Montpellier pour visiter leur fille Caroline et leur petite-fille Eliza, montréalaises. J'ai trouvé le tour d'aller déguster avec André un gazpacho et un chorizo grillé au El Gitano de l'avenue du Parc une chaude soirée de la semaine dernière, et toute la famille est venue prendre l'apéro dans le nouvel appartement hier, juste avant un lunch de homard et la finale du Mondial de foot.
Je ne sais trop par quel miracle, nous sommes parvenus à voir la quasi totalité des matches sud-africains, vivant au rythme des multiples péripéties de ce tournoi hors du commun. Azur a vécu comme un affront personnel le comportement absurde de ce qu'on a appelé (bien à tort) "l'équipe de France" et qui n'était en réalité qu'un agglomérat d'égotismes. Ce triste assemblage est d'ailleurs sorti du jeu par la petite porte, tout comme le groupe de l'âge d'or italien, qui s'est avéré essoufllé et perclus dès la seconde demie de son premier match. Un sort bien mérité dans les deux cas.
Nous nous sommes habitués au bourdonnement incessant des "vuvuzelas", avons compati aux malheurs des Bafana Bafana sud-africains puis des si agiles et braves Sud-Coréens, nous avons applaudi les déboires d'Anglais talentueux mais peu sympathiques, pleuré l'incroyable défaite du Ghana alors qu'il avait une victoire historique à la pointe du soulier, regretté l'écrasement par les Allemands de la bande argentine à ce Rigoletto de Maradona.
Parmi le dernier carré d'as, notre choix était fait depuis longtemps -- avant le début du tournoi dans mon cas, au lendemain de l'élimination de la France dans celui d'Azur. Viva Espana! Quel joli jeu propre et élégant, quelle cohésion, quelle belle entente (apparente, en tout cas) entre des individualités fortes et diverses. Avec en plus une détermination et une solidité nouvelles dans la défense et face à l'adversité, incarnées dans la gueule expressive du sélectionneur Vicente Del Bosque. Et puis, nos copains Pépine et Pedro veillaient sur eux de là-haut.
Malgré tous les commentaires peu flatteurs des experts (qui visiblement n'y croyaient pas et se laissaient éblouir par le brio des Brésiliens et des Allemands), je n'ai jamais tremblé -- sauf peut-être un court instant, au début de la demi-finale contre la Mannschaft. Mais dès la partie bien engagée, il est devenu clair que c'est le style espagnol qui allait dominer chaque engagement, le résultat final n'étant que le couronnement de la démonstration. Pour moi, même si je ne suis pas grand clerc en la matière, tous ces matches gagnés un but à zéro étaient la signature d'une grande équipe, capable chaque fois de hisser son jeu exactement au niveau qu'il fallait pour l'emporter.
Je regrette seulement que les Néerlandais aient trahi leur beau parcours et leur forme fluide et sympathique de football en adoptant pour la finale un mode brutal d'antijeu indigne de leur tradition, pire encore que ce qu'ils avaient fait contre le Brésil. Ils auraient bien mieux paru -- et peut-être eu des chances de l'emporter -- s'ils avaient été eux-mêmes.
Quoi qu'il en soit, l'Espagne a de bonnes raisons de célébrer cette victoire méritée grâce à laquelle, comme l'a souligné Didier Roustan sur le Web de L'Equipe, "le football revient de loin". Olé!

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