11 novembre 2010

Rembrandt et son Amsterdam

(7 novembre 2010) Le Pulitzer Hotel est une curiosité amstellodamoise: le petit-fils de Joseph Pulitzer (journaliste américain créateur des prix du même nom), a regroupé il y a une quarantaine d'années quinze maisons datant de 1615-1650 à l'intersection de deux canaux, pour en faire une auberge grand confort dotée d'un bar renommé et d'un excellent restaurant. Tout le service et la qualité d'un palace mais sans la prétention... avec en prime l'impression de se trouver au cœur de la vie urbaine.

Nous avons hérité d'une belle chambre, pas très grande, à plancher de bois franc et poutres apparentes, juste sous les toits. Un cocon douillet qui ne pouvait mieux tomber, vu le froid et la pluie dehors.
Ça ne nous a pas empêchés d'endosser chandails et impers pour explorer le voisinage... et finir par revenir manger au "238", le resto de l'hôtel qui nous sert (entre autres) les meilleures grosses frites dorées presque brunes que j'aie dégustées depuis Bruges.
Le lendemain vendredi, nous suivons le conseil du Routard (et du concierge) sur la meilleure façon de voir Amsterdam et grimpons à bord d'un des trams blancs et bleus qui fourmillent dans le coin, pour zigzaguer dans les principaux quartiers, enjamber les multiples canaux et aboutir à la Station Centraal, l'immense gare de brique rouge à clochetons victoriens qui est le point de ralliement de tout ce qui circule en ville -- innombrables vélos inclus.
Après avoir acheté nos billets de TGV Thalys pour Paris, nous faisons un stock de journaux et revues en français et montons à l'étage bouffer de la grosse et savoureuse cuisine locale à
l'Eersteklas, brasserie qui occupe (comme son nom le laisse deviner) l'ancienne salle d'attente des premières classes et dont la vedette est un cacatoès blanc, bien installé au comptoir.
Re-balade en tram avec bien des détours jusqu'au Pulitzer, où nous tombons sur deux de nos ex-compagnons de croisière, avec lesquels nous décidons de partager une promenade en bateau-mouche sur les canaux à la tombée de la nuit.
Non seulement fait-il déjà noir lorsque nous nous glissons à bord de notre embarcation, une pétrolette
centenaire digne de figurer dans un musée, mais encore il pleut à décourager un canard. Mauvais plan? Pas du tout: d'abord, nous ne sommes que quatre à bord avec le skipper Jack, et nos compagnons san-franciscains sont charmants.
Et voir Amsterdam illuminée d'un point de vue au ras de l'eau, tout en louvoyant dans les plus petits canaux et sous les arches sombres des ponceaux, est une expérience à ne pas manquer. Une heure et demie d'un plaisir aussi raffiné qu'imprévu.
Le seul moment délicat survient au retour à l'appontement de l'hôtel, lorsqu'il faut se mettre à trois pour extraire Azur de la cabine à travers une écoutille vraiment pas faite pour des athlètes de notre âge!
Samedi, journée de musées. Hélas, le célèbre Rijksmuseum est en grande rénovation, seule une infime partie de ses fabuleuses collections est ouverte au public dans une seule aile... à la porte de laquelle une queue interminable se bouscule sous une pluie battante. "An-an", comme on dit en créole.
Heureusement, tout juste derrière se trouve le moderne Musée Van Gogh, bien moins assiégé et, dans les circonstances, presque aussi attrayant. Nous y passons une heure et demie de bonheur: en plus des grandes et petites œuvres du Pauvre Vincent, les quatre niveaux abritent une série de beaux tableaux des peintres qui l'ont inspiré, de ceux qui ont été ses amis et ses compagnons de route, notamment les impressionnistes et les symbolistes, et de ceux qu'il a influencés, comme les Fauves (notamment Vlaminck et Derain). Lunch typiquement amstellodamois, place du Spui, dans une modeste rôtisserie argentine fréquentée par une faune bigarrée et cosmopolite, suivi d'un autre parcours en tramway jusqu'à Waterlooplein, où nous tombons en plein milieu d'un immense marché populaire.
À travers les bulles de savon géantes lancées dans la foule par un trio de bateleurs, nous atteignons la Maison de Rembrandt, transformée en fascinant musée.
Il faut évidemment escalader les cinq escaliers en colimaçon qui mènent jusqu'aux combles, mais chaque étage est une découverte. Les deux premiers sont les pièces à vivre, tenues comme si le peintre allait se ramener d'un instant à l'autre: les lits sont faits la table est mise.
Plus haut, il y a l'atelier, au centre duquel trône le chevalet derrière lequel une jeune femme broie et mélange les couleurs à l'huile selon les méthodes de l'époque. Le dernier étage est réservé à la collection personnelle de Rembrandt -- quelques-unes de ses propres œuvres, mais surtout celles de ses contemporains qu'il appréciait.
Enfin, l'espace sous les toits est consacré à la gravure, aussi bien le matériel technique et les plaques que les épreuves du maître et de ses élèves.
Nous avions aussi prévu des visites à la maison d'Anne Frank, à la célèbre Vieille Bourse et à l'intrigant Musée des Syndicats, mais avec la pluie, le soir qui va tomber bientôt et les bagages à faire...

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