15 juin 2011

Un épisode très parisien

(15 juin 2011) Le dernier séjour à Paris aura été très "parisien", dans le sens social et même mondain du terme. Il a été marqué par des retrouvailles avec de vieux amis, dont trois que nous n'avions pas vus depuis des années. Nous avons pris le TGV de Montpellier assez tard samedi le 4 (impossible de trouver des places le lendemain, retour des vacances de l'Ascension), après avoir regardé à la télé la Chinoise Li Na battre en finale de Roland-Garros notre favorite et gagnante de l'an dernier, Francesca Schiavone. Décevant pour nous, mais c'était un bon match. Nous avons donc débarqué du train presque en pleine nuit à la Gare de Lyon, sans dessus dessous pour cause de travaux. Les panneaux de direction temporaires étaient si précis que nous avons échoué au sous-sol, face à un terminus d'autobus, au lieu du poste de taxis sur le parvis à l'étage. Faute de mieux, nous avons donc hissé nos bagages dans un bus 63 qui nous a déposés à l'Odéon, où nous savions pouvoir trouver des taxis à n'importe quelle heure. Traîner nos valises à travers la foule des fêtards du samedi soir boulevard Saint-Germain nous a curieusement rajeunis, nous ramenant à l'époque de nos premiers voyages en France, quand nous hantions les petits hôtels étudiants du Quartier Latin! Il était près de minuit quand nous sommes enfin arrivés à notre hôtel habituel (beaucoup plus luxueux, celui-là) de la rue Saint-Didier, près du Trocadéro. Heureusement, le gérant de nuit, qui nous connaît bien, avait gardé la chambre libre, et notre chasseur belge préféré Pascal, promu barman entre-temps, nous a d'autorité servi un bon cognac pour nous requinquer. Mieux encore, on avait déposé dans la chambre la valise de vêtements que nous avions laissée là en consigne il y a plus de six mois, après la croisière sur le Danube. Dimanche, lunch à la bonne franquette au Pub Kléber tout près, où la patronne est venue nous embrasser comme de vieux amis et nous faire part du décès de son conjoint de plus d'un demi-siècle... que nous ne connaissions ni d'Ève ni d'Adam! Puis repos et re-cognac en regardant "Vamos" Nadal battre, plus difficilement que d'habitude, son éternel rival Federer pour remporter son sixième Roland-Garros. Lundi, après quelques réticences, Azur m'a accompagné dans un mythique resto de La Villette, "Au Boeuf couronné", temple des belles pièces de viande depuis 1865, quand il voisinait avec les grands abattoirs de Paris, démolis depuis. Nous y attendait la vieille copine Maryse, que nous n'avions pas vue depuis un Noël chez Armande en Martinique, et dont l'appartement de la Place des Fêtes, près des Buttes-Chaumont, nous a plusieurs fois accueillis au cours des décennies. Azur a eu droit à un énorme et tendre rognon de veau, moi à un copieux filet de boeuf béarnaise précédé d'un impressionnant trio d'os à moëlle fondants à souhait. Mardi, une de nos habituelles balades en bus à travers la grisaille de Paris. Mercredi, séance de bouquiniste (Azur achète le dernier Pivot, mais le lira-t-elle?) et petites courses, pharmacie pour les yeux encore un peu rouges de madame. Quelques coups de téléphone au hasard à des amis un peu perdus de vue, qui nous permettent de reprendre contact entre autres avec nos anciens complices de Forcalquier de 1983-84, le technologue et adjoint de recherche Gérald Dubray de Fresnes et l'ingénieur-écrivain Jean-Claude Quiniou de la rue de Buci, toujours marxiste mais divorcé de son rôle de critique du Parti communiste français en matières d'informatique et de télématique. Plus les incontournables Euvrard de Montparnasse et l'ex-montréalais Hervé Fuyet, maintenant en semi-retraite à Malakoff, d'où il dirige les éditions virtuelles russe et anglaise du quotidien L'Humanité. Jeudi, flânerie du côté de Saint-Germain et découverte d'un minuscule restaurant que nous ajouterons impérativement à notre liste de coups de coeur. L'Épigramme cache ses cinq ou six tables nappées de rouge dans la petite et étroite rue de l'Éperon, derrière la rue de Seine. Monsieur, anglais, et madame, française, préparent avec amour des classiques de la cuisine bourgeoise "revisités" et allégés: blanquette, coq au vin, pot-au-feu... Et pour finir, une crème catalane parfumée à la menthe et brûlée sous nos yeux comme il se doit. Vendredi midi, nous retrouvons à l'une de nos grandes tables favorites, le Passiflore de Roland Durand, rue de Longchamp, Janine et Michel Euvrard et Quiniou, immédiatement reconnaissable même si l'âge et la maladie l'ont sérieusement aminci. Manquent à l'appel Fuyet et sa fille karatéka Peggy, qui nous ont fait faux-bond pour un mariage en Allemagne, et Dubray, que je n'ai pu joindre à temps pour lui fournir les détails du rendez-vous. Dommage, mais tant pis. Le chef Durand nous escorte lui-même à notre place en habitués de marque, ce qui ne manque pas d'impressionner un peu nos amis parisiens. Ils sont encore plus ravis des fines ravioles de homard à l'asiatique qu'on nous sert en entrée, puis des petites mais rondelettes cailles rôties sur lit de mousseline, arrosées d'un fin mercurey dont Quiniou, en particulier, se délecte ostensiblement. Azur est tout heureuse de retrouver sa copine Janine, avec qui elle a développé des "atomes crochus" étonnants, et presque autant de renouer avec un Quiniou que la retraite a visiblement adouci et relaxé depuis nos derniers contacts il y a près de dix ans. Lui qui était toujours à la course, braqué sur ses projets et ses initiatives (notamment les Prix Möbius du CD-ROM qu'il organisait avec sa femme Ghislaine Azémard), se contente de me glisser une épaisse enveloppe de ses derniers écrits, puis se joint à la conversation générale, raconte avec verve des souvenirs de jeunesse et des anecdotes de famille (son fils, philosophe connu, l'a traité publiquement de "dinosaure" ou quelque chose d'aussi flatteur) et discute avec humour les dernières péripéties politico-sexuelles -- affaire DSK oblige! Nous retrouvons le Quiniou bon copain avec qui jadis, dans notre salon de l'Île des Soeurs, nous chantions à tue-tête du Félix, du Vigneault et du Ferrat assis par terre autour d'une marmite de homards! C'est avec une vraie surprise que nous découvrons en nous levant de table qu'il est bientôt 16 heures, que nous sommes les tout derniers clients et qu'on est déjà en train de dresser les tables pour le soir... Cela ne nous empêchera pas de nous attarder devant un digestif au bar de notre hôtel avec les Euvrard. Après un samedi de tout repos, nous traversons de nouveau Paris dimanche midi pour grimper les (durs) escaliers de l'atelier de Pantin où nous devons rejoindre Marine, la fille peintre de nos amis Savonet-Dolonne. Elle nous remet le surprenant tableau que nous lui avions acheté il y a plus d'un an, "Les oiseaux préfèrent marcher", dont les dominantes vert tendre et mandarine lui donnent une atmosphère de rêve éveillé. Comme (dimanche aidant) la plupart des bouis-bouis du coin sont fermés, nous la convainquons de nous accompagner pour une seconde session au "Boeuf couronné", toujours aussi savoureux. Cette fois, je m'offre un trop abondant tartare, Azur une grillade d'espadon. Avec le même vigoureux Lalande de Pomerol qui nous avait comblés la semaine dernière. Lundi, veille du départ pour Montréal, nous retrouvons Gisèle Maia chez Wepler, la grande brasserie écaillère de la Place de Clichy. Ces dames règlent son compte dans les règles de l'art à un pantagruélique plateau de fruits de mer, tandis que je me contente de modestes quenelles de brochet (une fois n'est pas coutume). Puis nous passons chez Gisèle, près de la porte de Saint-Ouen, où avec l'aide de son neveu Thierry et malgré les distractions imposées par sa remuante petite-nièce Camille, nous configurons pour Internet et autres apps l'iPad que Marie-José a résolu de lui léguer -- avec la ferme intention de se procurer un iPad 2 dès son retour au Québec. Somme toute, une dizaine de jours plutôt bien remplis, avec deux seuls regrets. J'aurais bien aimé visiter l'expo Manet au Musée d'Orsay, et voir une pièce intitulée "Que faire?", en référence plus ou moins directe à Lénine, où un vieux couple qui peut-être nous ressemble dissèque l'actualité à coups de citations classiques au Théâtre de la Colline dans le 20e. Une autre fois?

1 commentaire:

zaz a dit...

Bonjour,
je vous envoie ce message car j'aimerais parler avec vous de mon père, Jean-Claude Quiniou, dont je vais peut-être vous apprendre le décès, survenu le 29 juin dernier.
Pas très facile sur ce petit espace de commentaires de votre blog d'en dire beaucoup plus mais je vous donne mon mail : elisa@alouest.net
En espérant de vos nouvelles.
Cordialement
Elisa Quiniou