18 juin 2011

Douze Hommes rapaillés

Nous hésitions à rentrer à Montréal dès la mi-juin, mais la seule soirée d'hier le justifiait. Amplement. Près de trois heures magiques à baigner dans la poésie du vieil ami Gaston Miron, interpétée en musique par "12 Hommes rapaillés" animés par un génial mélange de complicité et d'amour des textes. Ce spectacle était en fait le cadeau d'anniversaire que nous offrions à ma soeur Marie, et nous trouvions sympa de le vivre avec elle et Jean, son compagnon de bientôt trente ans. Trois jours à peine après notre arrivée de Paris, nous nous sommes trouvés tous les quatre devant le foyer du Théâtre Maisonneuve de la PdA, après avoir franchi un espèce de "parcours du combattant" résultant de la juxtaposition des installations en plein air des Francofolies et de travaux majeurs de voirie sur la rue Sainte-Catherine. Assis à nos excellentes places (3e rangée au centre), nous nous demandions si les attentes suscitées par la version sur disque seraient satisfaites. Dès l'entrée en scène de Michel Faubert avec "La Corneille", tous les doutes étaient levés.La collaboration de Gilles Bélanger et Louis-Jean Cormier pour transposer en chansons notamment de larges extraits du poème-fleuve "la Marche à l'amour" s'avérait non seulement une réussite dans le respect scrupuleux de l'esprit du poète, elle y ajoutait le tour de force de coller à la peau de chacun des artistes tout en dévoilant les multiples facettes de l'homme Miron: le côté sombre de Pierre Flynn (superbe) et de Martin Léon, le romantisme assumé de Richard Seguin et de Daniel Lavoie, la vigueur juvénile de Yann Perreau, la sensibilité de Vincent Vallières et de Jim Corcoran, la voix graveleuse et la ferveur nationaliste d'Yves Lambert devenaient des éléments cohérents d'une seule personnalité complexe. Comme il était interdit de prendre des photos, j'ai piqué l'image ci-dessus sur un site des Francofolies ;-\

Le dispositif scénique archi-simple enrichi d'éclairages de couleurs vives, l'enchaînement habile et sensible des chansons, des instrumentations et des voix, la présence et l'interaction presque constantes de l'ensemble des interprètes (imaginez le jeune Vallières chantant avec comme "choristes" Michel Rivard et Daniel Lavoie!) contribuaient une dimension qui hissait le spectacle au-dessus même du niveau déjà remarquable des disques. Quelle soirée! Jamais ovation debout ne m'a paru plus méritée. Et par deux fois. Nous en sommes sortis à la fois le souffle coupé et envahis d'une grande sérénité, avec l'impression d'avoir plus qu'assisté, participé intimement à un moment mémorable. En descendant l'escalier vers le hall de la Place des Arts, nous apercevions une partie de la foule qui était venue rendre un dernier hommage à Claude Léveillée dans une salle voisine. Avec l'auteur des "Vieux pianos" et de "Frédéric", décédé lundi juste avant notre départ de France, c'est un autre morceau de notre jeunesse qui disparaît: je l'avais rencontré une première fois à Québec, quand Monique Leyrac présentait sur scène l'extraordinaire disque qu'il avait écrit pour elle avec Vigneault. Puis nous l'avions revu avec sa compagne d'alors, Louise, soeur de Guy Latraverse... qui était alors mon comptable et celui de mon coloc de la rue Lincoln, Christian Larsen. Je me rappelle aussi un spectacle au Saranac, modeste boîte à chansons d'Ahuntsic, où il faisait si froid qu'il jouait du piano portant des gants dont il avait coupé le bout des doigts!
Mais revenons à nos moutons. Le retour de Paris s'était effectué en douceur mardi, avec moins de fatigue et de décalage horaire que d'habitude. Les bagages faits et descendus, nous avions mangé un sushi sur le pouce en face de l'hôtel, puis un taxi sympathique nous avait amenés à travers des bouchons pas trop persistants à l'aéroport Charles de Gaulle. Un nouveau système d'enregistrement s'est avéré très efficace et en un quart d'heure à peine nous nous sommes retrouvés assis au nouveau salon VIP d'Air France. Une fois à bord, la classe affaire était à moitié vide et nous avons pu nous installer confortablement avec de la lecture, mon iPad (Azur avait légué le sien à sa vieille amie Gisèle) et de la musique pour écouler les sept heures du trajet. J'ai causé un moment avec un jeune voisin qui lisait avec un plaisir évident un article féroce que The Economist a publié sur Berlusconi sous le titre un peu facétieux de "L'homme qui a baisé tout un pays". Il était 22 h. lorsque nous avons débarqué nos valises du taxi à l'entrée du LUX Gouverneur, derrière le Stade Olympique de Montréal. Heureusement, Lise, notre petite et alerte femme de ménage, avait préparé l'appartement pour notre retour et l'épicier "dépanneur" Sami avait approvisionné le frigo de quelques essentiels. La nouvelle maison nous a paru tout aussi hospitalière que dans nos souvenirs, et nous avons vite fait de nous y ressentir à notre aise...

Aucun commentaire: