20 mai 2012

Soirée d'élections

Nous voulions être à Paris pour y vivre le second tour de l'élection présidentielle ou, comme disait Azur, "pour aider Sarkozy à faire ses valises"! Mission doublement accomplie.
Une fois arrivés de Montpellier à notre hôtel habituel voisin du Trocadéro deux ou trois jours avant le Premier Mai, nous avons passé une bonne partie de la semaine précédant le grand soir à rassurer nos copains de gauche. Ils avaient une peur panique que l'hyperprésident ne sorte au dernier moment un hyperlapin de son chapeau. Je m'efforçais de les convaincre qu'une unanimité dans les sondages telle qu'on la constatait depuis plus d'un mois ne pouvait mentir, surtout que les gens sont beaucoup plus motivés à voter "contre" que "pour".
Or il était flagrant qu'une majorité de Français, et pas seulement socialistes, tenait absolument à se débarrasser de Nicolas Sarkozy. Heureusement d'ailleurs, car son adversaire François Hollande (pardon, M. le Président) ne soulevait pas le moindre enthousiasme même dans le "peuple de gauche", bien plus émoustillé par Jean-Luc Mélenchon du Front du même nom.
En même temps, j'étais distrait de la politique hexagonale par les perturbations que la grève étudiante prolongée et (en fin du compte) férocement réprimée provoquait au Québec. J'en avais des nouvelles pratiquement tous les jours via Facebook par ma soeur Marie, par le vieux copain ex-felquiste Jacques Lanctot et par un nouveau correspondant, Jean Barbe.
Pour la soirée d'élections du 6 mai, nous avions bien parlé d'aller célébrer ça au Fouquet's sur les Champs-Élysées, mais la raison a prévalu et nous nous sommes plutôt rendus, magnum de Laurent-Perrier à la main, à la charmante maisonnette blanche et bleue des Euvrard, blottie dans l'étroit et antique Passage de la Tour de Vanves, qui débouche sur l'Avenue du Maine en face de la très "bobo" rue Daguerre à Montparnasse. Nous y attendaient nos hôtes et leur locataire (iranienne?), auxquels s'est jointe une amie française charmante, mais irréductiblement et presque sectairement de gauche.
Avant même de quitter l'hôtel, je savais que Sarkozy était battu. Quoique la loi ait interdit la publication du résultat avant huit heures du soir, dès 6h05, les blogueurs se faisaient un malin plaisir d'annoncer sur Internet que les préparatifs de la grande manifestation de victoire prévue par la droite sur la Place de la Concorde venaient d'être contremandés. Alors que ceux des socialistes à la Bastille allaient bon train.
"On veut pas savoir!", m'a lancé Janine Euvrard en nous ouvrant la porte vers sept heures... mais à son air jubilant, je voyais bien qu'elle partageait déjà le secret de Polichinelle, claironné une heure plus tard par toutes les télévisions simultanément. Hollande allait gagner par 52% contre 48% -- de fait, ce devait plutôt être 51,6 contre 48,4... mais on n'allait pas gâcher notre plaisir pour quelques dixièmes de point.

Nous avons donc débouché le champagne, accompagné de hors-d'oeuvres grecs (feuilles de vigne, tarama, hummous, pâtisseries au miel, etc.) en écoutant la suite. Les seules surprises étaient le résultat plus serré que prédit, le style excessivement sobre adopté par le nouveau Président et l'élégance imprévue avec laquelle l'ancien a concédé sa défaite, offrant assez chaleureusement ses voeux de succès à son successeur et lançant un appel (que lui-même avait rendu nécessaire et qui risque hélas peu d'être entendu) à la réconciliation nationale.
Les télés rivalisaient de belles images de la liesse populaire autour du monument de La Bastille, couronnées par cette phrase magnifiquement spontanée d'un des jeunes fêtards: "Regardez, ici y'a des Blancs, des Noirs, des Beurs. Tout ce qu'y faut, quoi!" Quelle plus belle description de la France "métissée" défendue par la gauche contre les assauts conjugués de la droite et de l'extrême-droite?
Dans les studios, déjà, les commentateurs se répandaient en conjectures sur le nom du futur Premier Ministre, la composition du Cabinet, la garde-robe de la nouvelle Première Dame et les premiers gestes du Nouvel Éu. Et surtout sur l'éventuel résultat des élections législatives qui auront lieu dans six semaines.
Vers minuit, en ayant eu assez de ces supputations et ayant épuisé notre propre réservoir de commentaires et pronostics, nous sommes rentrés bien sagement rue Saint-Didier.
Bizarre bizarre, dans le bourgeois XVIe arrondissement, personne ne fêtait!

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