15 novembre 2013

Veille de la Toussaint (31 octobre)

Demain la Toussaint, Jour des Morts en Martinique. Tout le monde se retrouvera  au cimetière, décorant de fleurs et illuminant de lampions colorés des tombeaux familiaux ayant souvent des airs de gâteaux de fête montés en graine. Nous devrions partir tôt le matin avec le cousin Daniel pour le Diamant, où le champ des morts longe une immense plage bordée de déferlantes dont les crêtes d'un blanc explosif tranchent sur un ressac turquoise...
C'est la deuxième fois que nous venons ici à cette saison. Il y a cinq ou six ans, Azur et moi avions célébré ça avec la belle-soeur Évelyne, plaçant des bougies sur les tombes de sa mère Elya juste derrière la vieille église du Marin, et de leur père à toutes deux, René Manuel, dans le cimetière à demi écroulé en bord de falaise du bourg voisin de Sainte-Anne.
Le surlendemain était venu nous retrouver à bord du Bum chromé notre ami guadeloupéen Robert Belaye, dont nous ignorions que c'était hélas la dernière fois que nous le verrions.
Ça va faire une semaine que nous sommes arrivés de Paris, où le séjour d'une semaine a pris une tournure vigoureusement gourmande. Il y a eu pour commencer une onctueuse blanquette de veau à l'ancienne dans l'intimité du tout petit Restaurant Saint-Didier, presque en face de notre hôtel, et pour conclure avec nos amis Hervé Fuyet et Janine Euvrard un extraordinaire exercice de style autour des coquilles saint-jacques (potage, feuilleté ou ravioles, poêlée au risotto) dans le cérémonial immuable et les immenses espaces chargés d'histoire de la Coupole, à Montparnasse.
Entre les deux, une monstrueuse mais succulente sole meunière précédée d'huîtres et de bulots à la brasserie La Lorraine de la place des Ternes, plus l'inévitable et tout aussi plantureuse choucroute classique au riesling du Terminus Nord.
Enfin, tel que promis, Marie-José m'a offert mon repas d'anniversaire sous les deux étoiles du Relais Louis XIII, dans une extraordinaire maison du XVIe siècle perdue entre la Place de Buci et les quais. Le toujours remarquable caneton de Challans "en deux façons" (magret pour la poitrine, confit pour la cuisse), que Manuel Martinez a amené avec lui de sa précédente cuisine à la Tour d'Argent, était cependant éclipsé par une quasi-miraculeuse pâtisserie de lièvre en entrée.
Et comme l'homme ne vit pas que de gibier — même frais chassé — , je me suis payé un second cadeau de fête: une longue exploration éblouie du Musée Guimet d'art oriental, Place d'Iéna. Il y avait bien sûr l'exposition thématique sur la découverte et la reconstitution des temples d'Angkor, que nous tenions à voir comme prélude à la visite que nous ferons du site lui-même dans quelques mois.
Mais j'ai été encore plus fasciné par les salles d'expo permanente sur la Chine ancienne (bronzes, poteries, bijoux, calligraphies), sur la Corée — masques et sculptures de bois peint, une vraie découverte pour moi — et sur l'Asie centrale, notamment l'Afghanistan. Je me promets d'y retourner.
Enfin, et même si Azur clame haut et fort qu'"à Paris je ne suis pas touriste", comment résister aux séductions d'un atypique, ensoleillé et doux après-midi de fin d'octobre qui nous a poussés au bas des escaliers usés du Pont-Neuf vers une délicieuse balade... (oserai-je même le dire?) sur la Seine en bateau-mouche!
Outre Fuyet et les Euvrard (Michel ne pouvait sortir avec nous, fortement contusionné d'une collision avec une bicyclette) nous n'avons vu aucun des autres copains parisiens — sauf, trop brièvement, Gisèle Maïa à qui je tenais à remettre un petit tableau du Port du Somail au crépuscule, que j'avais peint à son intention au lendemain de notre semaine de péniche sur le Canal du Midi.
Quelques heures plus tard, nous débarquions en Martinique après un vol confortable et sans histoire sur Air Caraïbes. Le Bum chromé nous attendait, toujours amarré au bout du ponton #6 de la Marina du Marin. Nous avons retrouvé avec plaisir les voisins helvético-montpelliérains Michel et Florence, la copine Lucille du Marin-Mouillage et surtout l'inébranlable Raymond Marie, qui continue à veiller férocement sur le bateau. Manque à l'appel Frédo, la "dame à la pipe", rentrée dans sa Bretagne natale après le décès de son conjoint.
Ça faisait presque deux ans que nous n'avions pas mis le pied à bord, et le cata a été loué à deux ou trois reprises dans l'intervalle, si bien qu'il a fallu un moment et quelques efforts pour retrouver nos repères, nos habitudes et certains de nos effets. Rien qui ne pouvait se corriger par quelques coups de téléphone et un ti'punch... ou deux: aprés tout, on dit bien ici qu'"on ne part pas sur un seul pied"!


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